Résumé

"Si les hommes ont la naïveté de croire en Dieu, les chiens ont la naïveté de croire en l'homme."
Quel est donc le secret qui cadenasse l'âme de Samuel Heymann, ce médecin apprécié de tous mais qui reste un inconnu même aux yeux de sa fille ? Quelle est l'admirable relation qui le lie depuis 40 ans à ses chiens ?
Mené comme une enquête policière, ce texte émouvant traite de la communication entre les êtres, de l'amour, de la haine, de la vengeance et du pardon : une surprenante et bouleversante leçon d'humanité, succès du festival off d'Avignon 2016.

NOTE DE MISE EN SCENE

Séduits avant tout par les qualités profondément humanistes de cette nouvelle, « Le Chien » d’Éric Emmanuel Schmitt qui comporte peu de dialogues, nous avons cherché le moyen le plus efficace et le plus respectueux pour la transposer au théâtre.

Un homme se donne la mort suite à la disparition accidentelle de son chien. La force des liens qui unissent ses deux êtres restent une énigme pour tous et tout particulièrement pour sa fille unique et pour son ami.
La nouvelle est construite en deux parties, notre travail de mise en scène et donc de théâtralisation du texte a été en premier lieu de les relier dans l'espace scénique et dans le temps.
Le dépouillement du décor, la douce présence de la lumière, le jeu sincère et épuré des comédiens et la qualité du texte permettra au spectateur de se projeter et de créer son propre univers.

Par le jeu précis des regards et des déplacements des comédiens nous avons construit le dialogue entre le narrateur et son ami médecin séparés depuis 5 jours à l'instant du récit par la mort violente de ce dernier.

Une longue lettre écrite par Samuel Heymann à sa fille et reçue, après sa mort , par son ami écrivain permet enfin la communication entre ses êtres aimants. Dans cet « entre deux », « ce sas », la lettre prend corps et vie et permet l'incarnation sur le plateau de la personne disparue. La mort brisera le mur du silence de Samuel Heymann, son passé devient notre présent en un flash-back théâtral.
Le comédien doit ici se retrouver au plus près de sa vérité la plus secrète ainsi il peut nous entraîner dans un voyage où l'auteur reste le guide suprême mais où la confidence écrite se transforme pour la nécessité de l'acte théâtral en confidence verbale.

Cette transposition que l'un des deux comédiens nous propose nous a été dictée par le désir de rester au plus près de l’œuvre d’Éric-Emmanuel Schmitt. Le spectateur assiste ainsi au dévoilement du mystère de la vie de l'un et à la compréhension émue et compatissante de l'autre.

De la même façon que le livre est selon nous la fusion du canevas plus ou moins précis proposé par l'imagination et le talent de l'auteur et celle, plus ou moins consciente et intime de son lecteur, nous souhaitons que les spectateurs, guidés par les comédiens, deviennent les réalisateurs de leur propre cinéma intérieur.

Il reste primordial pour nous de conserver le plus longtemps possible la subtilité du suspense souhaité par l'auteur.


Marie-Françoise et Jean-Claude BROCHE

NOTE DE L’AUTEUR

Parfois, les metteurs en scène voient du théâtre là où l’auteur lui-même ne l’a pas aperçu. Lorsque Marie-Françoise et Jean-Claude Broche m’ont demandé de monter sur les planches une de mes nouvelles, j’ai été surpris… J’avais écrit une histoire si intime, si émouvante, qu’elle ne pouvait se lire que dans le silence des yeux. Cependant, les connaissant, j’ai pris le risque de leur faire confiance. Ma seconde surprise fut encore plus grande lorsque je découvris leur mise en scène au festival d’Avignon : devant le spectacle interprété par deux magnifiques acteurs, je retrouvai l’émotion profonde qui m’avait fait écrire ce texte, un de ceux qui me tiennent le plus à cœur, un de ceux que j’avais travaillés pendant des années. Et je fis comme le public tous les jours : je me levai, les larmes aux yeux, pour applaudir et remercier.

Le Chien raconte les heures noires de l’humanité. Étrange barbarie... L’homme parvient à s’aveugler avec des idées. Le chien, lui, s’en montre incapable. N’est-il pas parfois plus humain que l’humain ? Pas raciste en tout cas. Et jamais obscurci par l’idéologie.
Pourquoi voit-il encore le visage de la victime tandis que les bourreaux ne l’aperçoivent plus ?
Cette nouvelle, inspirée d’Emmanuel Lévinas, fait surgir la lumière dans les ténèbres : le regard d’un chien.

Eric-Emmanuel SCHMITT

Critiques

La Provence - « Une histoire qui apaise, qui rassure et redonne foi en l'homme »

 Deux acteurs seuls sur scène dans un décor minimaliste vont dérouler un texte d'Eric-Emmanuel Schmidt, lentement comme l'on tire le fil d'une pelote de laine. C'est un texte littéraire dans sa forme, qui raconte l'histoire d'un homme solitaire et son amour pour les chiens. Mais cet amour pour les canidés qui va durer toute une vie, a pour particularité de ne s'adresser qu'à des beaucerons, toujours affublés du même nom : Argos. Quand le dernier meurt, écrasé par un chauffard, l'homme se suicide. Un écrivain qui avait réussi à se lier d'amitié avec cet homme va essayer d'élucider les motivations liées à cet acte. Grâce à une lettre rédigée avant son départ on va remonter le temps et découvrir qu'un beauceron avait permis à ce médecin de traverser les événements tragiques de la deuxième guerre mondiale, ce chien avait été en quelque sorte sa bouée de sauvetage. Toute personne ayant eu un chien connaît déjà cette complicité avec l'animal mais le texte va au-delà. C'est une belle leçon d'humanité, d'amour, de tolérance, une histoire qui apaise, qui rassure et redonne foi en l'homme. Ce beau récit est servi avec pudeur et talent par deux merveilleux comédiens. Un spectacle délicieux que l'on peut conseiller particulièrement aux adolescents.

Jocelyne Battistini

Le Vaucluse matin - « Très beau et très bouleversant récit »

« Mathieu Barbier et Patrice Dehent savent rendre tout son poids d'humanité à ce très beau et très bouleversant récit qui ne peut laisser aucun spectateur insensible. »

La Marseillaise - « Une pièce d'une émotion peu commune »

« Une pièce d'une émotion peu commune...Quels acteurs ! Une magnifique histoire, on en sort bouleversés...Les choix des Broche sont justes, pas une seule fausse note. Faut courir voir cette pièce que du bonheur ! »

J-M Gautier

Le Journal du Dimanche - « Du grand art. »

Succès du Festival Avignon Off 2016, Le Chien, est enfin à l’affiche à Paris. L’histoire se situe en Belgique. Samuel Heymann, un médecin octogénaire, s’est suicidé après la mort accidentelle de son chien. Peu après, son ami écrivain reçoit une lettre. Le très secret Samuel se confie et raconte sa déportation en 1944, à Auschwitz. Là, un chien baptisé Argos, lui a redonné goût à la vie. En mémoire de ce passé, d’autres Argos, de la même race, se sont succédé à ses côtés. Pas de toutou sur scène mais Mathieu Barbier et Patrice Dehent. Les deux comédiens offrent un voyage saisissant dans l’existence de Samuel et servent avec une intensité et une émotion rares le magnifique texte d’Eric-Emmanuel Schmitt. Du grand art.

C.H.

Actualité juive - « Talent, authenticité et émotion. »

Grand succès à Avignon en 2016, Le chien d’Eric-Emmanuel Schmitt se veut être une belle et édifiante leçon d’humanité.

L’auteur le plus prolixe au théâtre nous livre son dernier cru, un texte concis, intense, incisif, dans une langue admirable, sur la relation exceptionnelle d’un homme et du chien.

La narrateur arrivé dans un village rencontre le Docteur Samuel Heyman, un homme secret, peu bavard avec qui il se lie peu à peu. Son attachement à son chien, la même race depuis quarante ans qui se remplace indéfiniment et qui l’accompagne partout l’intrigue autant qu’il questionne. Quelle est la teneur de cet attachement si tenu, si puissant si constant ?

Un journal que le narrateur découvre après le suicide de M.Heyman nous éclairera sur un pan de son passé. Un passé terrible, indicible quand il perdit toute sa famille à Auschwitz, lui qui survivra à l’horreur, après avoir été caché puis dénoncé par un petit camarade. Il y décrit sa résistance ultime face à ses bourreaux, le froid, la maladie, la malnutrition, les sévices… Et aussi comment il put retrouver un brin d’humanité grâce à sa rencontre avec un chien errant qui le fêtera, l’entourera, jouera avec lui en le faisant exister. Et de se sentir humain, enfin humain. D’où son attachement indélébile au chien.

Ce texte, mené comme une enquête policière au suspens haletant est interprété par Mathieu Barbier et Patrice Denant qui font défiler le récit avec talent, authenticité et émotion.

Michèle Levy-Taieb

Critiques des blogs

De la cour au jardin - « Histoire poignante, écriture forte, acteurs bouleversants. »

Il est des pièces de théâtre, lorsqu'elles se terminent, lorsque le noir se fait, il est des pièces de théâtre après lesquelles on n'a pas envie de revenir du voyage.
De revenir à la réalité.
De revenir à nous.

Tellement l'histoire racontée est poignante.
Tellement l'écriture est forte.
Tellement les acteurs au service de l'auteur sont bouleversants.

Ici, c'est le cas.
Le Chien, d'Eric-Emmanuel Schmitt.

Ce chien Argos qui sera la clef du secret avec lequel vit depuis cinquante ans Samuel Heymann, médecin de campagne, rescapé d'Auschwitz-Birkenau.
L'un de ces hommes, cette poignée de rescapés, qui ont survécu à la déshumanisation programmée par d'autres hommes qui étaient persuadés appartenir à une race supérieure.

N'ayant pas lu la nouvelle de Schmitt parue dans un recueil intitulée « Les deux messieurs de Bruxelles » avant d'aller voir la pièce, je n'irai pas plus loin dans la divulgation de ce secret afin de vous laisser le découvrir au Théâtre de la Rive Gauche.

Je voudrais que vous soyez dans le même état que moi à sa révélation.

Ce secret sera révélé par la lecture de la lettre posthume qu'a rédigée le médecin juste avant son suicide.
Ce secret va nous rappeler la notion d'Humanité. Avec un très grand H.

Une Humanité qui caractérise chaque être humain, même s'il faut vraiment parfois creuser pour la dénicher.

Les deux comédiens, Mathieu Barbier et Patrice Dehent sont bouleversants, je l'écrivais un peu plus haut.
Sans surjouer, sans aucun effet superfétatoire, avec une justesse phénoménale et dans un décor réduit à quatre simples cubes en bois blanc pour s'asseoir, ils incarnent les deux personnages, le médecin et son ami écrivain.

A aucun moment, ils ne dialogueront entre eux.

Chacun leur tour, ils vont dire un long et bien souvent déchirant monologue.

C'est en effet le parti pris des deux metteurs en scène, Marie-Françoise et Jean-Claude Broche que d'alterner le texte des deux acteurs.

Ils ne quitteront pas pour autant la scène lorsqu'il n'auront pas de texte, ce qui donne une vraie force au spectacle. Ils s'écouteront mutuellement sur le plateau.

Deux autres personnages importants, qui pour autant n'apparaîtront jamais sur le plateau, jouent également un grand rôle.

La fille du médecin, à qui la lettre révélatrice est adressée.

Et un autre.

Cet autre personnage, un aristocrate, sera celui qui a tout déclenché.
Le secret.

Celui qui sera concerné par la dernière phrase du texte.
Une phrase magnifique.
« Il essaie d'être un Homme ».

Moi, ce soir-là, j'essayais juste dans le noir final de trouver un mouchoir pour essuyer mes larmes.

Yves POEY

Dmpvd - « Leçon d'humanité! »

Avant que les trois coups ne résonnent… on regarde étonné la scène où quelques cubes sont posés. Le dépouillement est de rigueur.

L’histoire qui se raconte ce soir-là prend vie, lentement, dans la bouche du romancier – interprété sobrement par Mathieu Barbier.

Il est question d’un vieux médecin de campagne et de son chien qu’un étrange lien semble unir de manière indéfectible.

On se laisse mener par le récit tout en apprenant à voir le chien, non pas comme un simple animal domestique – ou dit-on « de compagnie » – mais plutôt comme l’un des protagonistes de cette surprenante liaison.

Sur cette relation plane un lourd secret que le vieux médecin ne partage avec personne, pas même avec sa fille ni son ami.

La mise en scène, volontairement discrète de Marie-Françoise et de Jean-Claude Broche, ponctue le beau texte d’Eric-Emmanuel Schmitt de musique, de lumière, afin de nous emmener pas à pas vers la révélation du secret.

Le suspense trouve son dénouement dans les mots laissés après sa mort par Samuel Heymann, ceux que nous livre Patrice Dehent, prêtant sa voix grave, tout en émotions retenues, au vieil homme, qui n’a pu supporter la disparition de son chien.

La fin nous laisse bouleversés par la révélation. L’amour, la haine, la vengeance, le pardon prennent ici tout leur sens… avec la particularité que c’est au chien que l’on doit cette leçon d’humanité !

Plûme

Dans le grenier de Claire - « Une pièce bouleversante. »

Hier soir, je me suis rendue avec beaucoup de plaisir au Théâtre Rive Gauche, dans un de mes quartiers préférés à Paris... Et pour assister à une pièce d'un de mes auteurs préférés également, Eric-Emmanuel Schmitt dont j'aime toujours la justesse des mots, et ce savoureux mélange entre tristesse, mélancolie et petites pointes d'humour savamment distillées. Rappelez-vous : j'avais déjà adoré Oscar et la Dame Rose l'an dernier... Cette année, c'est à nouveau un gros coup de cœur pour Le Chien, une pièce qui s'est déjà beaucoup fait remarquer au festival Off d'Avignon cet été.

L'affiche m'a tout de suite intriguée, avec ce chien coloré qui vous fixe, cachant un arrière-plan beaucoup plus triste et grisé – on comprend pourquoi à la fin de la pièce. Et ce chien, on en parle beaucoup dans la pièce, car il est au centre d'un grand mystère. Pourquoi Samuel Heymann, médecin retraité, a-t-il choisi de se suicider à la mort de son dernier chien, écrasé par un camion ? Pourquoi a-t-il toujours eu des chiens de la même espèce (Beauceron), les appelant inéluctablement Argos ? Bien sûr, je ne vous en dirai pas plus... Mais je vais vous citer une phrase qui résume bien la pièce : « Si les hommes ont la naïveté de croire en Dieu, les chiens ont la naïveté de croire en l'homme. » Moi-même, n'ayant volontairement rien lu avant de venir, j'étais intriguée et j'ai vite été étonnée de la tristesse et de la gravité du sujet. J'ai tellement aimé ce texte déclamé avec beaucoup de justesse que j'ai vraiment envie de relire cette nouvelle publiée chez Albin Michel depuis le début de ce mois d'octobre.

Le décor est dénudé, tenant en deux caissons blancs. Mais c'est une très belle idée: on se concentre alors sur les mots, on rentre dans la confidence, dans ce fameux secret qui se révèle à travers le fantôme de Samuel Heymann (Patrice Dehent), et de son ami écrivain (Mathieu Barbier). Quand l'un parle, l'autre reste figé, une statue attentive. Comme nous, spectateurs, figés face à cette histoire déroutante et émouvante. Le binôme fonctionne parfaitement, le texte est remarquablement déclamé et articulé. Un grand moment de théâtre ! Et comme l'a si bien dit mon voisin : « Deux comédiens, un texte, ça suffit, ça fait tout. »

Claire

Spectatif - « Ode à l’humanisme. C'est beau, très beau. À voir sans hésitation. »

Tirés d’une nouvelle éponyme d’Éric–Emmanuel Schmitt, l’adaptation théâtrale et la mise en scène de Marie-Françoise et Jean-Claude Broche nous offrent un spectacle poignant et troublant. Nous sommes cueillis par la beauté des sentiments de cette histoire à la profonde humanité.

Un secret au fond de soi gardé comme un joyau pour ne pas oublier. Un secret qui habite depuis plus de quarante ans la mémoire et qui ressurgit parce que le chien Argos est mort.

Argos est mort, faut-il continuer à vivre ? Samuel Heymann, le médecin à la retraite, a choisi sa réponse. Cruelle et incompréhensible pour ses proches. Pour sa fille qui disait de lui : « il aura tout fait pour moi, sauf me dire qui il était » et pour son ami écrivain qui reçoit une lettre de Samuel après sa mort, lettre écrite pour sa fille.

La pièce est construite comme un puzzle dont les morceaux s'ajoutent peu à peu, comme des souvenirs livrés dans la confidence. La mémoire qui a secrété son mutisme culbute le rationnel puis fléchit sous le poids de l’incroyable vérité. Nous sommes livrés aux émotions qui prévalent alors à toute forme de raisonnement, tout logique fut-il.

L'ami écrivain s'interroge sur l'histoire de Samuel. Samuel se délivre progressivement au travers de sa lettre. Nous ne comprenons pas encore. L'un cherche à éclairer la vérité, l'autre dit pourquoi il a préservé son silence. Les émotions affluent. Les explications arrivent par bribes. La tension est à son comble. Nous comprenons enfin.

L’adresse de la mise en scène permet de nous faire vivre ce récit et l’émotion intense qui l’enveloppe avec sincérité et sans pathos. Les comédiens Mathieu Barbier et Patrice Dehent sont impressionnants. Leurs jeux simples distillent la puissance du texte avec précision. Leurs voix graves et profondes conviennent tout à fait à ce récit, à son écoute et à son envoutement. C’est très bien joué.

Une histoire originale et magnifique à la densité prégnante. Ce spectacle est une ode à l’humanisme, dont nous sortons profondément touchés. C'est beau, très beau. À voir sans hésitation.

Frédéric Perez.

Froggy's Delight - « Bouleversant moment d’exception »

Comédie dramatique de Eric-Emmanuel Schmitt, mise en scène de Marie-Françoise et Jean-Claude Broche, avec Mathieu Barbier et Patrice Dehent.

L’histoire, racontée par un homme qui l’a connu à la fin de sa vie, d’un médecin de campagne solitaire et de son chien, un beauceron appelé Argos.

Au fil du récit, les secrets du lien unissant l’homme et l’animal vont peu à peu s’éclaircir. Plongé au plus profond de l’horreur, l’homme aura retrouvé sa condition d’homme par la grâce de l’animal.

Dans une épure totale et bienvenue, les deux comédiens alternent la narration et la parole du docteur Samuel Heymann dont l’expérience éloquente se révèle être un message indispensable de tolérance et d’humanité.

La mise en scène toute en sobriété de Marie-Françoise et Jean-Claude Broche sublime le très beau texte de la nouvelle d’Eric-Emmanuel Schmitt dont ils ont su faire une adaptation brillante.

Dirigeant au cordeau les deux immenses comédiens que sont Mathieu Barbier et Patrice Dehent, ils les accompagnent jusqu’à des sommets d’émotion.

Mathieu Barbier est un magnifique conteur. De sa voix chaude et onctueuse, il captive le spectateur. A ses côtés, Patrice Dehent est un acteur d’une puissance peu commune. Et l’un comme l’autre font preuve d’une écoute et d’une générosité exceptionnelle.

Cette merveilleuse équipe parvient avec "Le Chien", à offrir un bouleversant moment d’exception qui imprime sa marque dans les esprits.

Nicolas Arnstam

Spectacles Sélection - « Récit magnifique »

LE CHIEN de Eric-Emmanuel Schmitt. Mise en scène Marie-Françoise et Jean-Claude Broche avec Mathieu Barbier et Patrice Dehent.


La vie est faite d’innombrables tragédies. Dans un petit bourg du Hainaut, province de Belgique, les habitants sont secoués par un drame. Samuel Heymann leur médecin, aujourd’hui retraité, vient de se suicider cinq jours après que son chien, un beauceron répondant au nom d’Argos, ait été percuté par un chauffard. Les villageois ne connaissaient guère l’homme austère mais apprécié qui, durant un demi-siècle, a pris soin de leur santé. Au café Pétrelle, on s’interroge : C’était le quatrième beauceron qu’on lui connaissait. Qu’il les remplace si vite choquait même un peu. Alors, pourquoi avoir suivi celui-ci dans la mort ? Sa fille Miranda se pose quant à elle une question essentielle. Qui était son père ? Elle doit se rendre à l’évidence : ce père qui l’a élevée seul après le décès de sa femme lorsqu’elle n’avait que cinq ans, demeure un inconnu. Elle ignore tout de son passé. Il ne lui reste que l’album de photos d’un cercle de famille dont elle ne sait rien, souvenirs d’une enfance et d’une prime jeunesse soigneusement occultées. Mais elle garde la certitude que la vie de son père était indissociable de celle d’Argos. « Argos était un peu mon père et mon père était un peu Argos » confie-t-elle à la seule personne qui pourrait peut-être apporter la réponse à cette question qui la taraude, un ami de son père, un écrivain avec lequel il s’était lié. Un inconnu se présente à elle. Le comte de Sire se dit très affecté par le décès et souhaite prendre en charge les frais de l’enterrement. Qui est-il ? Pourquoi cette générosité ? 
Quelques jours plus tard, l’écrivain reçoit un pli recommandé posté par Samuel Heymann le jour de sa mort. La lettre lui est destinée mais les quelques feuillets qui l’accompagnent sont adressés à Miranda…
Qu’ils soient inspirés ou non de la réalité, les écrits sur la Shoa bouleversent toujours. Celui d’Eric-Emmanuel Schmitt ne fait pas exception. Il nous transporte de l’enfer d’Auschwitz à un petit village du Hainaut, toute une vie dont le long chemin conduit le héros à un pardon pourtant inconcevable. Le récit, magnifique, est admirablement servi par Mathieu Barbier et Patrice Dehent. M-P P. Théâtre Rive Gauche 6e.

Artistik Rezo - « Le chien bouleverse au Théâtre Rive Gauche »

Le chien, spectacle mis en scène par Jean-Claude et Marie-Françoise Broche, tel un beauceron tapageur et robuste, nous secoue intellectuellement, nous entraine avec force dans son élan émotionnel. La nouvelle d'Eric Emmanuel Schmitt bouleverse, au Théâtre Rive gauche, grâce au talent indéniable de ses deux interprètes. Quelques cubes disposés sur un plateau nu offrent un décor minimaliste. Mathieu Barbier, dont la carrure d'armoire à glace s'impose d'elle-même, fait résonner une voix profonde, chaude et douce. Si nous sommes intrigués, de prime abord, par ce qui s'apparente au monologue d'un conteur, le comédien nous surprend bientôt. L'interprète entame une succession de dialogues, donne vie à divers personnages, module son organe vocal avec une aisance déconcertante. Alors qu'intervient Patrice Dehent, dont la voix tout aussi mélodieuse décline sa panoplie de couleurs, le suspens d'une intrigue peu banale a tôt fait de nous happer.

La force d'un volcan qui s'éveille

Un médecin de campagne, suicidé cinq jours après la mort de son chien, un beauceron dénommé Argos, laisse sa fille unique, Miranda, dans un désarroi profond. Personne n'ose envisager la vérité. Comment un homme aurait-il pu mettre fin à ses jours à cause d'un animal ? Si cette vérité dérange, elle demeure incomplète. De nombreuses pièces du puzzle font défaut. Car Samuel Heiman était, de son vivant, nimbé de silence et de secrets.  Miranda confie alors à l'ami de son père, un écrivain, la mission de percer le mystère. À travers un retour dans l'histoire de la guerre et de la Shoah, l'histoire refoulée rejaillit bientôt. Propulsée avec la force d'un volcan demeuré longtemps silencieux, la chaleur brûlante de l’amour d’un père très introverti, la vérité nous atteint de plein fouet.

Optimisme et héroïsme

Si ce récit enthousiasmera les amis de nos compagnons à quatre pattes, au delà de la question animale, le questionnement s'avère beaucoup plus large et universel. Il s'agit notamment de sonder, de questionner l’humanité, l’héroïsme à travers ce qui leur est communément opposé ; l'animal.

Nous retrouvons bien l'auteur, Eric Emmanuel Schmitt ; construction parfaitement ficelée, réflexion rondement menée, suspens porté à son comble associés à un dénouement bienveillant, optimiste. Toujours croire en l'homme, lui donner sa chance, envers et contre tout ; en cela, l'auteur est bien ce héros qu'il dessine dans ses fictions.  Sobriété de la mise en scène Nous évoquerons une interprétation théâtrale plutôt qu'une une adaptation à proprement parler. Peu de transformations, nul artefact, l'économie des moyens employés libèrent notre imagination et l'aiguillonnent. Avec sobriété, ces deux comédiens livrent un jeu d'une richesse et d'une intensité désarmantes. Sans sensiblerie affectée mais étreints par une émotion poignante et contagieuse, ils nous arrachent bien quelques larmes. Vraiment bien joué !

Jeanne Rolland

Jeanne Rolland

La Critiquerie - « « Le chien » nous bouleverse au Théâtre Rive Gauche de Paris »

Médecin apprécié de tous, le Docteur Samuel Heymann n’en reste pas moins un homme distant et terriblement secret, dont personne ne sait rien depuis un demi siècle. À la manière d’une enquête policière, cette pièce nous plonge avec force et émotion dans une histoire surprenante, aussi lumineuse que douloureuse et où les mots sont des notes sur un piano.

 

« Aucun relâchement n’affectait ce médecin » disait-on du Docteur Samuel Heymann. Jusqu’à ce qu’il se donne la mort, suite à la disparition accidentelle de son chien. Inconnu même pour sa propre fille, cet homme-énigme s’est-il suicidé en signe de fidélité à son chien ? Son meilleur ami écrivain ne peut se résoudre à le croire. Il décide de chercher la vérité et tombe sur une « boîte de Pandore ». Il touche du bout des doigts la clé de l’âme de Samuel Heymann, porteuse de chagrins, de drames et d’espoir.

La mise en scène sobre et inventive de la pièce « Le chien » permet à la nouvelle au texte incisif de vivre sous nos yeux, malgré le peu de dialogue. Une communication touchante se fait entre l’écrivain, également le narrateur, et son ami mort cinq jours auparavant. Ce lien est matérialisé par une longue lettre saisissante, écrite par Samuel Heymann à sa fille et reçue, après sa mort, par son ami écrivain. Les flashbacks théâtraux réussis contribuent au suspense haletant. Finalement, il aura fallu la mort pour que Samuel expire ses secrets. Parfois la souffrance est trop forte pour pouvoir la raconter à haute voix, sans risquer de tomber à terre. Alors elle grille le cœur.

Aurélie Brunet

Agora Vox - « Plénitude inespérée »

« Si les hommes ont la naïveté de croire en Dieu, les chiens ont la naïveté de croire en l’homme ». Eric-Emmanuel Schmitt a l’art de prendre le lecteur, en l’occurrence, ici, le spectateur, par la main afin de l’emmener dans un monde où l’émotion et le sentiment sont si proches de la métaphysique que tout système défensif rompt les amarres en s’ouvrant sur des dimensions tellement humaines que celles-ci semblent, d’évidence, présentes de toute éternité.Sur la scène du Rive-Gauche, deux comédiens, comme venus d’ailleurs, apparaissent dans la sobriété tamisée du décor constitué exclusivement de quelques cubes improbables.

 Durant cette phase initiale, l’alter ego restera à la fois étrange et muet à la différence de son partenaire, au premier plan, mi-sourire aux lèvres, entreprenant le récit, à la manière d’un conteur prenant tout son temps car déjà empreint de l’adhésion du public aux sortilèges annoncés…

 L’enjeu de l’histoire va, en effet, s’échafauder autour d’un secret, celui d’un médecin octogénaire ayant exercé avec compétence dans son village jusqu’à la retraite sans que jamais personne n’ait réussi à franchir le mur de son intimité. 

En effet, on ne lui aurait jamais connu d’autre compagnie durant quarante ans que son chien ou plus exactement ses chiens successifs… toujours le même Beauceron appelé Argos.

Cependant le croisement à répétition, au cours de promenades rituelles, d’un écrivain nouveau venu au bourg, suscitera peu à peu une approche qui, bien que réservée, pourrait néanmoins se sublimer en affinités autour de bonnes bouteilles… sans jamais, malgré tout, outrepasser la sphère du privé.

Malheureusement, au retour d’une tournée littéraire promotionnelle, le narrateur sera confronté à la terrible nouvelle de la disparition accidentelle d’Argos et celle suicidaire de son maître Samuel Heymann.

 Comme mue par la destinée, sa rencontre opportune avec Miranda, la fille du médecin, révélera dans une stupéfaction progressive la saga en déportation de toute une famille juive ayant subi l’abjection au plus haut point.

Cette prise de conscience a posteriori initiera une démarche de résilience par personnes interposées trouvant son apogée au sein d’une lettre révélatrice de forces telluriques, empathiques et quasiment salvatrices, bien que celles-ci fussent étonnement de nature « canine » !

L’intensité du verbe, la douceur du ton, la force du regard, la persuasion de la torpeur et l’imaginaire en plein émoi, tout se mêle dans l’entendement du spectateur suspendu, entre la rive du trop-plein monstrueux et celle de la plénitude inespérée, aux lèvres de ces deux comédiens, Mathieu Barbier et Patrice Dehent, vibrant de pair au diapason d’Eric-Emmanuel Schmitt au sein d’une mise en perspective avec un tact infini par Marie-Françoise & Jean-Claude Broche… dans le prolongement de leur création plébiscitée en Avignon off.

La Théâtrotèque - « Touchant dans sa sobriété comme dans sa pudeur »

Une nouvelle d’Eric-Emmanuel Schmitt qui prend chair au théâtre, récit intimiste, poignant et, en fin de compte, rassurant. Un des succès d’Avignon 2016, joué à Paris et qui sera repris au Festival 2017.

Deux personnages apparaissent dans une lumière tamisée, favorable à la confidence. Celui de droite, assis de trois quarts sur un grand cube blanc, a la raideur d’un mannequin de cire. Sa barbe grisonnante en impose. Visiblement, c’est un notable. Le personnage de gauche, beaucoup plus jeune, costume gris, chemise blanche sans cravate, joue de sa voix : un beau timbre de baryton. On se rend très vite compte qu’il s’agit d’un journaliste ou d’un écrivain rompu aux enquêtes. Or quelque chose bouleverse ce petit village du Hainaut : des hommes s’apprêtent à dévisser les plaques de cuivre du médecin. Chacun ici connaît la silhouette du docteur Heymann, inséparable de celle de son chien, lorsqu’ils arpentent les rues de la localité. Et ce spectacle a lieu depuis quarante ans. "Impossible, réplique notre écrivain ! La moyenne d’une vie de chien est de douze ans !" Premier mystère, vite résolu d’ailleurs ! C’est ainsi qu’on apprend que, chaque fois que Samuel Heymann perd son compagnon, il le remplace aussitôt par un beauceron de même race, répondant infailliblement au nom d’Argos. Comme le chien d’Ulysse qui fut le premier à le reconnaître son maître, quand il revint à Ithaque. Eh bien, Argos, il y a quelques jours, a été renversé par une voiture et tué net. L’automobiliste, comme il se doit, a pris la fuite. Cinq jours plus tard, Heymann se donnait la mort en se tirant une balle dans la bouche. Il mettait à son odyssée. Ou à leur odyssée : odyssée de la race des Argos et du médecin.  A cet instant, sur scène, le comédien, côté-cour, se lève et, perdant sa raideur de mannequin, prend le relai de l’écrivain. A lui, de se lancer dans ces confidences trop intimes - pour reprendre le titre d’un film. En ces temps nazis, la vie devient un enfer. Surtout quand on est juif. Mais, au milieu de l’horreur, perce parfois l’humanité.

Touchant dans sa sobriété comme dans sa pudeur, Le Chien sort de sa gangue de mots. Marie-Françoise et Jean-Claude Broche s’adressent directement au public dans une mise en scène où toute affèterie deviendrait trahison. Mathieu Barbier, dans le rôle de l’écrivain, aborde le sujet à pas feutrés. Cette distanciation rappelle Bertolt Brecht. Quant à Patrice Dehent, il entre petit à petit dans la peau du docteur Heymann et finit par fendre la cuirasse. Il passe au-dessus l’horreur pour aboutir à l’amour. Le véritable amour, l’unique amour, noir, jaune et avec des yeux d’agate, les seuls qui lui aient rappelé le regard de Dieu.

Pierre Bréant

Des mots pour vous dire - « Une histoire, qui pourrait également et élégamment prendre place sur le grand écran »

La frontière du temps et de l’espace est parfois floue quand les souvenirs ne cessent de se fondre au présent. La frontière entre l’humanité et l’animalité ténue dans certaines circonstances.

Sur fond de décor de la Seconde Guerre mondiale, le scénario se déroule jusqu’au suicide du Dr Heymann, en Suisse, bien des années plus tard. Un évènement qui soulève bien des questions dans le petit village mais aussi auprès de ses proches. Est-ce lié à la mort accidentelle de son fidèle compagnon – un beauceron, toujours le même, répondant inlassablement au nom d’Argos, qui accompagne ses jours depuis quarante ans et « qu’il remplace à chaque disparition » ?.

Un sens à cet acte que Samuel Heymann, homme et père taciturne, s’évertuera cependant de donner à sa fille, Mirana, via un courrier laissé à son attention. Au fil des minutes, le mystère se désépaissit et le voile se lève : Argos aboie avec force sa vérité.

Un chapitre de l’histoire revisité par un biais inattendu et qui fait l’originalité de cette pièce. L’homme dans sa plus grande créativité ne cessera de surprendre ses contemporains… C’est peut-être cela le message qu’ Éric-Emmanuel Schmitt, auteur de la nouvelle Le Chien, avait choisi de nous coucher sur papier. C’est peut-être cette vérité saisie qui a conduit MarieFrançoise Broche et Jean-Claude Broche à la mettre en scène quand l’auteur lui-même (expliquera-t-il en avant-première) n’y aurait pas songé. Tour à tour dans un monologue, puis dans un immobilisme mimétique que le décor cubique et les couleurs alternativement froides et chaudes des projecteurs accentuent, les comédiens Mathieu Barbier et Patrice Dehent nous livrent dans un jeu réaliste le dénouement de cette intrigue.

Un livre, mais aussi une pièce de théâtre, Le Chien ? Qu’Éric-Emmanuel Schmitt se rassure : OUI… et une histoire, qui pourrait également et élégamment prendre place sur le grand écran.

Carole Rampal

L'étudiant autonome. - « Éric-Emmanuel Schmitt un très bon écrivain, un excellent dramaturge. »

Le travail d’Éric-Emmanuel Schmitt ne se retrouve pas uniquement dans les rayons des librairies, car il est aussi directeur artistique du Théâtre Rive Gauche, une structure parisienne dirigée par Bruno Metzger. Une position qui permet au Franco-belge de proposer la mise en scène de ses textes, dont Le Chien. Car, oui, il reste avant tout un écrivain de grand talent dont les textes, pas toujours destinés au théâtre, savent pourtant s’adapter parfaitement à la scène.

Le Chien, mais quel chien ? Le docteur Samuel Heymann n’a eu qu’une vie, mais quatre chiens. Des beaucerons, qui l’ont accompagné à chaque instant. Même sa fille pense ne pas l’avoir connu autant qu’eux. Il est pourtant désormais trop tard pour apprendre à le connaître puisque le docteur vient de se donner la mort après que son dernier chien se soit fait écraser par une voiture. « Assassiner », selon son maître. Et celui-ci ne l’a tellement pas supporté, qu’il s’est assassiné à son tour. Mais l’explication à cette mort pourrait bien remonter plus loin qu’on ne le croit… Une fois de plus, Éric-Emmanuel Schmitt signe ici un texte intelligent, où tout n’est pas toujours comme on pouvait s’y attendre. Plus l’écrivain parle du docteur, et plus on trépigne d’impatience de découvrir ce qu’il peut bien cacher. Mais le saura-t-on ?

Un récit théâtral

De l’aveu de l’auteur, le texte n’était pas écrit pour le théâtre. L’adaptation est-elle une réussite ? Sur scène, ils sont deux acteurs, Mathieu Barbier jouant l’écrivain et Patrice Dehent le docteur Heymann. Pourtant, au premier abord, la répartition du texte peut surprendre. L’un parle, tandis que l’autre se tait. Mais ce dernier n’en continue pas pour autant de jouer. C’est ce qui prouve qu’Éric-Emmanuel Schmitt n’est pas seulement un (très bon) écrivain, il est aussi un excellent dramaturge. L’écrivain est le premier à prendre la parole, et pour un moment. Mais lorsqu’il raconte sa rencontre puis ses visites au docteur, l’autre acteur ne s’efface pas pour autant. Présent sur scène, tout son jeu – silencieux – se lit sur son visage, ce qui rend le récit encore plus fort et intriguant. Qui était donc Samuel Heymann ?

Éric-Emmanuel Schmitt explique que « les deux acteurs ont totalement investi le texte », c’est sans doute parce qu’ils se sont tous les deux dits « bouleversés » à la lecture du projet. Une émotion qu’ils ont réussi à conserver durant les représentations et qu’ils parviennent à transmettre au public.

Armandine Castillon

Reg'Arts - « Nous en ressortons émus, cœurs en écharpe. »

Sur scène, quatre cubes gris, et deux hommes qui ne se regardent pas. Ils ne sont pas, ils ne sont plus dans le même univers. Le premier raconte l’histoire de leur rencontre. Nous apprenons ainsi que le second est un médecin de quatrevingts ans qui vient de se donner la mort tout, cinq jours seulement après celle de son chien écrasé par un camion.

Le narrateur se présente comme étant écrivain, a la cinquantaine, il dégage une sobre nonchalance, il est en costume, chemise au col déboutonné, sans cravate. Mais il ressemble à un rocker des sixties, ses cheveux coiffés “banane” contrastant avec sa tenue classique, soignée, et sa diction posée, distanciée. Il raconte ainsi comment les villageois disent avoir toujours vu leur bon médecin, durant un demi-siècle, accompagné de son fidèle beauceron. En réalité, il ne s’agissait pas du même animal, mais de plusieurs, identiques, qui se sont succédé. De toute évidence le Docteur Heymann était un solitaire taciturne qui préférait la compagnie de son chien à celle de ses congénères. Sans donner d’explication, se murant dans le silence sur son passé, il s’était entouré d’un épais mystère que même sa fille unique n’avait pu percer.

Et c’est en fin de compte justement pour elle, de l’au-delà, que le disparu se décidera à prendre la parole pour révéler son lourd secret, sa terrible souffrance, la blessure qui remontait à son enfance perdue lors de la déportation de toute sa famille à Auschwitz.

Patrice Dehent est très touchant dans son interprétation émouvante, sobre et intense de la douleur de ce docteur qui se souvient et dévoile en finesse une cicatrice profonde jamais refermée, mais durablement atténuée, grâce à ce chien salvateur, noble et bon animal qui a su faire preuve de plus d’humanité et de générosité que bon nombre d’hommes.

Le texte est beau, poignant par moments, c’est évident, il sait faire Éric-Emmanuel Schmitt ! La mise en scène peut sembler étrange, mais elle va à l’essentiel et a le mérite d’être épurée, car faite d’une succession de très longs monologues des deux excellents comédiens, si différents, qui s’évitent, tour à tour assis, ou tournant autour des cubes, qui évoluent lentement, dans des dimensions parallèles, sur le même plateau.

De tout cet épurement se dégage un ressenti de simplicité qui va droit à l’essentiel : la corde sensible de nos sentiments. Nous en ressortons émus, cœurs en écharpe, avec l’irrépressible envie d’adopter un chien tout de suite, en urgence…

Luana Kim

Théâtre au vent - « Vous risquez juste d’être captivés ! »

Qui voudrait faire d’un chien le héros d’un roman ? Un chien est une personne aurais-je envie de dire. C’est la première idée qui me vient à l’esprit. Seulement comme nous avons tendance à rapporter nos sentiments, nos pensées à l’humain, en parlant de personne, c’est encore à l’humain que nous nous référons.

Avoir à côté de soi un être qui ne parle pas mais s’exprime par le regard, des mouvements, qui parait à l’écoute de vous-même alors même que vous ne lui prêtez pas attention, c’est extraordinaire !

Dans un sketch succulent, Raymond DEVOS racontait comment un chien avait pris sa place. Chien donc !

Si j’étais un chien, comment m’aborderiez-vous se demande l’homme. L’esprit a une capacité d’adaptation infinie. Si par un tour incongru de circonstances, vous vous trouvez affublé d’une tête de chien, vous n’avez qu’à attendre de voir comment les humains vont se comporter avec vous. Ils penseront chien à votre place, vous n’aurez quasiment strictement rien à faire.

Passons… Ce n’est pas vraiment le sujet de la nouvelle d’Éric-Emmanuel SCHMITT, quoique…

C’est l’histoire d’un couple, un médecin retraité et un chien, qui intrigue le narrateur. Comment un chien peut prendre tellement de place dans l’existence d’un homme, se demande-t-il. En effet, nous apprendrons qu’à la suite de la mort accidentelle de chien, l’homme s’est suicidé.

Le fait divers n’est pas anecdotique, il suffit de suivre la piste de l’écrivain qui emprunte un chemin de terre grimpante et sensuelle. Nous l’entendons cette terre à travers la voix de Mathieu BARBIER qui impressionne par sa stature, son calme, sa détermination aussi. Tandis qu’il monologue surgit la silhouette immobile du vieux médecin. Est-il mort, est-il vivant, est-ce une statue ? Quel mystère le recouvre ?

Il appartiendra au docteur Samuel HEYMANN à travers une lettre posthume de donner enfin un visage à ce chien. Patrice DEHENT est bouleversant.

De toute évidence, la nouvelle pour être transposée au théâtre devait être incarnée par de grands comédiens et c’est le cas dans la mise en scène de de Marie-Françoise et Jean-Claude BROCHE à l’affût du mystère comme un courant de sable qui passe et qui repasse et dont les grains s’agglutinent parfois pour réveiller une page oubliée, un chiffon de papier qui se balance tant sous nos prunelles que nous hésitons à le scruter.

Enfin, dirons-nous, nous avons vu le chien. Nous avons écouté cette histoire. Et si vous voulez en savoir plus, rendez-vous sans tarder au théâtre, vous risquez juste d’être captivés !

Evelyne Trân

R42, culture gourmande ! - « Allez y ! »

Une belle histoire racontée par deux comédiens charismatiques.

Dans un décor dépouillé, un écrivain nous raconte l’attachement très particulier d’un médecin à son chien. Dit comme ça, ça a l’air banal comme histoire. Evidemment derrière cette histoire, il se cache un drame qui nous sera révélé au fur et à mesure.

Ce qui est fort réussi, c’est que nous suivons le déroulé de l’histoire tout en ressentant de vives émotions : peur, souffrance, douleur, reconnaissance, …

Le chien c’est à la fois une page d’histoire, un drame et une histoire d’amour et les deux comédiens Mathieu Barbier, dans le rôle de l’écrivain et Patrice Dehent, dans le rôle du docteur Heymann,  ne jouent pas cette pièce, ils incarnent vraiment les deux personnages.

Allez y !

Publications

En langue française, édité chez Albin Michel

Au théâtre

France

Avignon, Espace Roseau Teinturiers, 2016.
Paris, Théâtre Rive Gauche, 2016.