Résumé
Le premier film réalisé par Eric-Emmanuel Schmitt est une comédie sur le bonheur.
Plébiscité par le public francophone avec 950.000 entrées en France et en Belgique (Elu « Coup de foudre du public » par Ecran Total), il reçoit le même accueil enthousiaste à l'étranger (Espagne, Allemagne, Italie,Turquie, Japon,...)
Odette Toulemonde n’a objectivement rien pour être heureuse mais l’est. Balthazar Balsan a tout pour être heureux mais ne l’est pas. Odette, la quarantaine maladroite, entre un fils coiffeur savoureux, une fille engluée dans sa puberté et une galerie de personnages croqués avec malice, travaille le jour au rayon cosmétiques d’un grand magasin et coud le soir des plumes sur des costumes de revues parisiennes. Elle rêve de remercier Balthazar Balsan, son auteur préféré, à qui – pense-t-elle- elle doit son optimisme. L’écrivain parisien, riche et séducteur, va débarquer dans sa vie de façon inattendue.
Récit de la rencontre haute en couleurs entre deux naufragés atypiques que tout sépare …
Commentaires
Le Soir - « De la plume à la caméra »
L’auteur le plus prolifique du siècle débute au cinéma. Avec un scénario original.
Fatalement. Ses livres sont traduits en 35 langues. Ses pièces sont régulièrement jouées dans plus de 40 pays. Citons un seul titre pour exemple : Oscar et la dame rose. Salué par la critique et le public, Eric-Emmanuel Schmitt est certainement l’un des auteurs francophones les plus lu et les plus présentés. Même le monde du cinéma s’intéresse à ses œuvres.
Souvenez-vous de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, de François Dupeyron avec Omar Sharif.
Aujourd’hui c’est Eric-Emmanuel Schmitt en personne qui s’intéresse au cinéma. La chose n’est pas étonnante quand on sait que l’homme a un imaginaire sans limites. Sa première émotion au cinéma, il la doit à Merlin l’enchanteur. Puis, il y eut les films de Cocteau, à 15 ans. « Dès ce moment, j’ai compris que le cinéma était un art, et un merveilleux moyen de raconter certaines histoires. J’étais ébloui par Orphée et La belle et la bête » dit-il.
Depuis quelques semaines, le prolifique conteur a troqué la plume contre une caméra pour une comédie sur le bonheur qu’il tourne entre Charleroi, la mer du Nord, Bruxelles et paris. Budget : 9 millions d’euros. Le film est une coproduction franco-belge avec, pour la partie belge, Les films de l’Etang chapeautés par Anne Dominique Toussaint. En couple vedette, Catherine Frot et Albert Dupontel. Le scénario est original. Fatalement. " C’est l’histoire d’un écrivain qui a tout pour être heureux, et ne sait pas l’être, et une vendeuse qui n’a rien pour être heureuse, et qui sait l’être ", précise l’auteur.
Nous rejoignons l’équipe aux studios Monev, aux portes de Bruxelles. Albert Dupontel, heureux des 700 000 spectateurs français ayant vu Enfermés Dehors, savoure le fait d’être irresponsable sur le plateau. « Mentalement, la pression n’est pas la même ! Autant, sur un de mes films, je construis. Autant ici, je me laisse construire. Mais j’ai toujours un plaisir coupable à faire l’acteur. J’incarne un écrivain fragile, et j’ai du mal avec les choses sensibles car j’ai mes pudeurs. Je suis très loin des mes guignols habituels. »
L’humeur est enjouée. Chiquita Madame, de Joséphine Baker, passe en boucle. En guise de décor, l’intérieur d’une maison depêcheur. Sur un coin de table, Dupontel noircit un carnet denote tandis que Catherine Frot se laisse emportée par la musique. La gaieté gagne toute la famille … La danse, qui semble improvisée, exige précision et répétitions.
Catherine Frot nous confie : "Dans le travail, j’ai un mal fou à analyser les choses. J’ai du bonheur à interpréter Odette. C’est un personnage très touchant et très vif. Sa part d’irréel me touche beaucoup et par là, je m’en sens très proche. Le couple qu’on forme avec Albert n’est pas attendu. On forme un contraste intéressant. Cet humour désespéré, face à ma positivité enjouée, donne des couleurs qui me plaisent."
Bien entouré, Eric-Emmanuel Schmitt gère les deux caméras ; visionne la scène sur le combo, revient vers Catherine Frot, mime un geste léger, un pas de danse.
On ne sent heureux d’être là, dans l’action. A son propos, Catherine Frot nous glisse : "Il est très chaleureux, extrêmement généreux. Il dégage en même temps une sorte de dilettantisme, une envie de travail débordante et une grande joie à partager. Il est pointilleux sur les sentiments. J’aime ça. Souvent, on manque de guides. Lui en est un vrai. Il sait ce qu’il veut raconter et pourquoi. Il avait envie d’incarnation et cherchait la dimension de spectacle. Son film est plein de clins d’œil au show, à la dimension fantasmée d’une petite réalité quotidienne." Albert Dupontel confirme : » Psychologiquement, il nous suit à la loupe. Il est très sensible aux regards, aux émotions, aux énergies. Il connaît à merveille la mécanique intérieure de ses personnages. Il est donc exigeant dans les intentions de jeu. Il se permet des configurations de filmage relativement simples car son essentiel est la direction d’acteurs. Par contre, il n’est pas crispé sur son texte. C’est la marque des gens intelligents.
Fabienne Bradfer
La Libre Match - « Tendre comédie au plat pays »
Pour son premier film en tant que réalisateur, le romancier a opté pour la Belgique. En primeur les échos du tournage. Auteur de best-sellers en cascade, Eric-Emmanuel Schmitt a déjà écrit des scénarios de film (Le Libertin de Gabriel Aghion, et Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran de François Dupéron dont il a conçu les dialogues).
Odette Toulemonde, sa première réalisation, se trame en Belgique. Un tournage qui durera dix semaines et devrait être bouvlé en juin. La sortie du film est prévue en janvier ou février prochain. Parmi les scènes-clé, une rencontre, pas la première mais la plus marquante, entre les héros, l’écrivain parisien Balthasar Balsan alias Dupontel et sa lectrice la plus assidue, Odette, incarnée par Catherine Frot. Le cinéma belge, dixit Schmitt, n’a que vingt ans. Il est jeune et frais, c’est ça qui lui plaît.
Le Parisien - « Eric-Emmanuel Schmitt dirige ce drôle de couple »
Un bâtiment administratif de la ville de Paris, avec vue plongeante sur l’île Saint Louis et panorama vertigineux sur la capitale. C’est dans un vaste bureau perché au 15ème étage qu’ Eric-Emmanuel Schmitt tourne les derniers plans de son premier long métrage, « Odette Toulemonde », une comédie sentimentale avec Catherine Frot et Albert Dupontel qui sortira en Février 2007. La scène consiste en une explication houleuse entre le héros du film, l’écrivain à succès Balthazar Balsan (Albert Dupontel), et son éditeur (Alain Doutey).
Nulle trace de tension parmi les techniciens. Concentré derrière son écran de contrôle, attentif au moindre déplacement, le « jeune » réalisateur dirige son équipe sans élever la voix. Les acteurs exécutent leur participation au cordeau. En deux petites prises, la scène est en boîte. « C’est presque tragique, on n’a rencontré aucun problème depuis le début du tournage », plaisante Eric-Emmanuel Schmitt à la pause déjeuner. Pour son baptême du feu derrière la caméra, avec un scénario original, le romancier et auteur de théâtre a bénéficié d’un budget confortable de 9 millions d’euros et d’une liberté totale de la part des producteurs.
Tourné en deux mois et demi entre la Belgique et Paris, « Odette Toulemonde » fait se croiser une vendeuse de grand magasin, veuve et mère de deux enfants (Catherine Frot), et un auteur de best-sellers dépressif.« C’est une comédie sur la recherche du bonheur, résume Eric-Emmanuel Schmitt. L’un des personnages a tout pour être heureux : l’argent, la notoriété, le talent, une femme superbe, mais il s’aperçoit qu’il n’a fait qu’adopter les clichés du bonheur et il sombre dans la dépression. Odette, elle, mène une vie difficile à Charleroi, doit cumuler deux boulots pour s’en sortir, mais elle est habitée d’une joie intérieure qu’elle attribue à son admiration pour cet écrivain. Il va trouver refuge chez elle. Une histoire d’amour va naître entre ces deux êtres si dissemblables. »
Sur un fond très ancré dans la réalité sociale, le réalisateur a laissé libre court à la fantaisie narrative, utilisant même des effets spéciaux (lorsu’elle éprouve des bouffées de joie, Odette se met en lévitation). Schmitt a pensé dès le début à Dupontel et Catherine Frot pour incarner ce couple improbable. « Catherine a ce coté excentrique et poétique qui carectérise le personnage d’Odette. Quant à Albert, c’est un acteur très physique, capable d’exprimer une palette incroyable de sentiments. Même filmé de dos, il dégage quelque chose », poursuit-il. La fusion entre les deux a été immédiate, seules les scènes d’amour donnant lieu à quelques fous rires.
Albert Dupontel, qui sortait de la réalisation de son premier film « Enfermé dehors » lorsque la proposition lui est parvenue, a dit oui tout de suite. « Plus les rôles sont loin de mes guignolades, plus ils m’intéressent, observe-t-il. J’ai pris énormément de plaisir avec ce personnage d’écrivain qui a cédé à toutes les vanités, et à qui une madone des HLM démontre qu’il est faussement malheureux et qu’il peut être heureux. » Epanoui, l’acteur Dupontel- qu’on découvrira à l’automne en président de la République dans le film de Lionel Delpanque « Président » -l’est assurement. « J’ai évacué mes névroses. Aujourd’hui, je suis sensible au fait que le système s’intéresse à moi. Et j’ai le sentiment d’être sincère en faisant le grand écart entre chaque rôle. »
Hubert Lizé
Le Figaro - « Une ode à la vie »
L’auteur de théâtre Eric-Emmanuel Schmitt vient d’achever le tournage, à Paris, d’Odette Toulemonde, son premier film en tant que scénariste réalisateur. Nous sommes en juin mais le ciel de Paris a des couleurs hivernales. Il fait frais, de gros nuages noirs menacent d’éclater. Cela tombe bien. Eric-Emmanuel Schmitt tourne une des dernières scènes d’Odette Toulemonde qui se déroule en février.
Dans la cour du lycée Chaptal règne une belle effervescence. C’est le départ d’une classe de neige. Des enfants vêtus d’anoraks et accompagnés par leurs parents piaffent d’impatience. Le car attend les retardataires. Balthazar Balsan (Albert Dupontel) déroule avec son fils (Fabrice Murgia), un ado de 13 ans, traînant sa grosse valise et ses skis. Recommandations de dernière minute d’un père angoissé. Et le car s’ébranle. Balthazar Balsan, un écrivain célèbre, aurait tout pour être heureux : réussite, argent, notoriété. Et pourtant, il déprime ! Un jour, il signe son nouveau roman à Charleroi et rencontre Odette Toulemonde (Catherine Frot), une de ses plus ferventes lectrices. Cette femme simple, dotée d’une joie de vivre communicative, va lui enseigner l’art d’être heureux.
On connaît Eric-Emmanuel Schmitt, l’ancien professeur de philosophie, l’écrivain-explorateur de l’âme humaine, le dramaturge à succès s’interrogeant sur la mort (Oscar et la dame rose), la religion (Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran), le passionné de musique (Ma vie avec Mozart avec Didier Sandre triomphe actuellement au Théâtre Montparnasse), le scénariste de Volpone, le téléfilm de Frédéric Auburtin. Le voici à présent coiffé d’une autre casquette : celle de réalisateur. Après plusieurs semaines de tournage en Belgique, il achève à Paris les dernières séquences d’Odette Toulemonde, une ode au bonheur et à la vie.
Eric-Emmanuel Schmitt, en complet veston, l’air bonhomme, se promène de long en large, l’œil aux aguets. Souriant, à l’aise, d’une exquise courtoisie, il fait régner sur son plateau un climat chaleureux. L’aventure du cinéma me tentait, explique-t-il. Je devais pour cela oublier mes manies d’auteur de théâtre. Ne plus penser aux répliques qui font mouche. Remplacer les mots par des images fortes, des émotions. Jouer avec les métaphores. Mon film est une comédie sur la quête du bonheur. Une histoire d’amour entre deux personnages venus d’univers diamétralement opposés. C’est la rencontre de la lune et du soleil : celle de Balthazar, un auteur de best-sellers dépressif, et d’Odette, une veuve obligée de travailler double pour entretenir ses deux enfants. Vendeuse dans un magasin, le jour, elle est plumassière, le soir, et fabrique les costumes de plumes des danseuses du Lido. Malgré la dureté de son existence, Odette respire l’optimisme, la fantaisie et la joie. Quand elle est heureuse, elle s’envole comme Mary Poppins.
Entre deux prises, Albert Dupontel discute avec les figurants, fait le pitre, signe des autographes aux badauds qui le reconnaissent dans la rue. Bref, il s’amuse comme un gamin. Enfermés dehors, son nouveau film comme réalisateur interprète, a eu de bonnes critiques et a pas mal marché dans les salles. Je me repose des fous furieux que j’incarne dans mes propres films, précise Albert Dupontel en riant. J’aime faire le grand écart entre mes guignolades et des rôles plus en finesse et en émotion. Balthazar ressemble au pianiste de Fauteuil d’orchestre. C’est un homme qui a tout mais qui disjoncte du fait de la pression sociale, de la notoriété. J’aime surtout son retour à de vraies valeurs : celles de l’amour et de l’authenticité.
Eric-Emmanuel Schmitt a mis beaucoup de lui dans ce personnage. Albert Dupontel reviendra cet automne à l’affiche de Président de Lionel Delplanque sous les traits d’un président de la République. Quant à Odette Toulemonde, le film sortira probablement en février.
Brigitte Baudin
Cinergie.be - « Eric-Emmanuel Schmitt, écrivain, essayiste, auteur de pièces de théâtre tourne .... »
Eric-Emmanuel Schmitt, écrivain, essayiste, auteur de pièces de théâtre tourne en tant que réalisateur de cinéma, son premier film en Belgique. La production, estimant qu’il fallait réserver au futur spectateur que vous êtes la surprise d’un film au ton singulier, a interdit toutes prises de vue des acteurs et du décor. Vous découvrirez donc quelques aspects du film en lisant les entretiens que nous ont accordés Eric-Emmanuel Schmitt, réalisateur d’Odette Toutlemonde et Henry Ingberg, Secrétaire Général de la Communauté française de Belgique sur l’ouverture du cinéma belge francophone au monde.
Eric-Emmanuel Schmitt
Auteur dramatique lettré, génial touche-à-tout, romancier français le plus vendu dans le monde et le plus lu en France, Eric-Emmanuel Schmitt est l'enfant terrible des Lettres françaises. Loin de tous les scandales littéraires, il est celui par qui la surprise arrive, celui qui réinvente sans cesse la littérature, le seul écrivain véritablement populaire.
En tout cas, il se définit lui-même comme "un conteur" pour qui la fiction est "le lieu pour toucher les gens et éventuellement raconter quelque chose sur le monde et réfléchir". Il a cette très belle phrase pour parler des questions philosophiques : " des questions de chaires et de sang, […] qui habitent notre quotidien. J'ai toujours pensé que les meilleurs cadres pour réfléchir étaient ceux du roman, du théâtre et maintenant du cinéma."
Et le voilà donc juste à côté de là où on aurait pu l'attendre : un plateau de cinéma. Dans le studio où se tourne son premier long métrage, Odette Tout lemonde, Eric-Emmanuel Schmitt porte avec décontraction et élégance un complet veston. L'homme, grand et imposant, évolue comme un chat : le geste délicat mais l'œil aux aguets. Dans l'appartement un peu suranné d'Odette, entre kitch usé des années 80, papier peint à fleurs et mélancolie rêveuse et romantique, il dirige ses deux acteurs Catherine Frot et Albert Dupontel. Il les regarde, les écoute, leur parle si doucement qu'il est difficile, à quelques mètres, de saisir ce qui se joue dans cette pièce intime. De son producteur au petit soin (Olivier Rosin de Climax Films), jusqu'au second assistant réalisateur qui veille avec cérémonie à ce que la porte du plateau ne claque pas trop, tout respire la concentration, la délicatesse mais aussi le plaisir. L'équipe s'est regroupée autour du réalisateur lors des répétitions de cette scène dans laquelle on rit beaucoup.
Eric-Emmanuel Schmitt donne donc le ton, il prend son temps, et Catherine Frot, après quelques répétitions et quelques filages, sera, en quelques répliques, bouleversante.
Cinergie : Vous avez déjà mis en scène des pièces de théâtre ?
E.-E. S. : « Jamais, non. On me l'a demandé plusieurs fois, mais je n'ai jamais voulu. J'aime beaucoup le rôle d'auteur au théâtre, c'est une place assez rare, et je suis très heureux d'écrire des pièces, qu'elles soient jouées ou mises en scène par d'autres, qu'elles portent leurs imaginaires. Cette place me convient parfaitement. Chaque fois qu'on m'a proposé de mettre en scène, je trouvais que j'avais déjà fait ce que j'avais à faire, c'est-à-dire inventer l'histoire, écrire le texte dialogué… J'avais fait ma part.
Au cinéma, je n'avais pas encore de place. La télévision m'a appelé pour adapter les œuvres patrimoniales, sachant que si j'en faisais le scénario, les acteurs diraient oui. J'ai donc fait Les Liaisons dangereuses, Volpone, et Aurélien d'Aragon qui est l'un de mes romans préférés… J'étais ravi de travailler sur des œuvres littéraire, ce qu'on ne fait pas d'habitude pour la télévision. Mais je faisais ça avec une idée derrière la tête, celle d'arriver là (rires).
Je m'entraînais à l'écriture de scénario pour approcher les plateaux. Dès que j'ai à peu près compris comment on faisait, j'ai arrêté, et je me suis dit que si j'y revenais, ce serait pour faire mon film, voilà. Il est beaucoup plus logique, quand on pense un film, qu'on l'écrit, de le réaliser. Un scénario, ce n'est rien. Tant qu'il n'est pas mis en scène, pas incarné, qu'il n'a pas de partis pris esthétiques très clairs, un scénario n'existe pas. Je trouvais que la cohérence consistait à aller jusqu'au bout. Je suis donc allé jusqu'au bout.
Comment abordez-vous l'image, vous qui êtes un homme de mots et de lettres ?
Je me suis amputé : j'ai décidé que je n'utiliserais pas d'éventuelles qualités de romancier ou de dramaturge. J'ai mis de côté mon sens de la réplique par exemple. C'était pour moi le piège dans lequel on m'attendait et dans lequel plus jeune, j'aurais pu sauter tout nu. J'ai vraiment essayé de me servir de la caméra comme d'un stylo, d'un outil narratif. Si une métaphore vient sous ma plume, elle est à la caméra. Alors, quand Odette est heureuse, elle s'envole, au-dessus de Bruxelles, au-dessus de Charleroi… et cela fait des plans extraordinaires. J'incarne les métaphores. Pour moi, c'est ça me servir de la caméra comme d'un stylo. Je ne suis pas devenu metteur en scène. Je suis un auteur qui choisit le cinéma comme moyen d'expression. Après, est-ce que je vais y arriver ou pas, c'est autre chose (rires). On fait tout pour m'y faire arriver. Et moi-même, je fais tout pour y arriver.
On retrouve votre univers féerique de conteur.
Je parlerais plutôt d'un univers enchanté. Mais oui, il y a constamment des passages entre le réel et l'irréel. Ce personnage d'Odette qu'incarne de manière magistrale Catherine Frot, a une richesse intérieure qui fait qu'elle ne voit pas le monde avec des yeux sordides ou cyniques. Elle a gardé une candeur. Elle a ainsi un panorama dans sa chambre avec des amants en ombres chinoises, elle les voit bouger, ils lui font des signes, lui racontent des trucs… Enfin tout est comme ça.
C'est l'histoire d'un écrivain parisien déprimé (Albert Dupontel), connu, riche, qui a tout pour être heureux, mais qui est incapable de l'être parce qu'il a perdu pied dans cette vie qu'il a bâti sur beaucoup de clichés. On lui a dit que le bonheur, c'était d'être célèbre, riche, d'être ceci et cela. Et soudain, désarroi : ce n'est pas son truc. Tout à coup, il se rend compte que les repères qu'il s'est construit ne lui conviennent pas. Il est dans une forme de dépression active. Il a perdu son centre, ce pourquoi il a envie d'habiter son existence. C'est un personnage à la dérive de lui-même. Elle, Odette, qui n'a rien, y arrive. Elle a le secret et elle pense qu'elle le lui doit parce qu'elle adore cet écrivain. Elle va lui donner des cours de bonheur. Mais Odette est un personnage plus complexe qu'il n'en a l'air. Si elle connaît la joie de vivre, elle ne l'a pas toujours connu, elle a vécu des choses très difficiles qu'on va découvrir dans le film.
Il y a un moment où vous décidez de transformer le cuivre en or. C'est le regard qu'on porte sur les choses qui font qu'elles apparaissent. Tout le monde a les deux personnages en soi, je pense : la vague dépressive, sombre, et puis la capacité de s'émerveiller, d'être joyeux, d'avoir les pieds qui dansent.
Au travers de ces deux personnages, vous travaillez autour d'une structure dialogique ici comme dans vos romans ?
Oui, sans doute… Je n'en avais pas conscience. J'essaie de penser par images, j'intellectualise beaucoup moins. C'est d'ailleurs ce qui me fatigue (rires) ! Je suis loin de mes bases. C'est plus facile d'intellectualiser que de parler en terme d'images.
Propos recueillis par Anne Feuillère et Jean-Michel Vlaeminckx
La Meuse - « Rencontre avec un boulimique de travail »
Il est l’auteur français le plus lu dans le monde… Le plus joué aussi… Eric-Emmmanuel Schmitt découvre le Forum de liège, où trois de ses pièces vont être représentées cette saison.
« Une salle impressionnante » dit-il, ravi.
Jaqueline Bir
« Ces trois spectacles qui viennent à Liège, je les aime beaucoup ! Jaqueline Bir seule en scène dans Oscar et la dame rose, c’est l’une de mes belles émotions de théâtre. La pièce a été créée par Danielle Darrieux. C’est moi qui ai proposé à Jaqueline BIr de 'lutter' contre Darrieux. Jaqueline fait vibrer tous les personnages. Elle joue toute une vie, de dix ans à cent ans. Je n’écris pas de grandes pièces. Par cantre, je crois que j’écris des grands rôles. »
Désirs
« Chez moi, tout est désir plutôt que satisfaction. Ce que j’aime, c’est d’avoir des désirs, des rendez-vous avec certains thèmes. J’aime pas me répéter. L’appel m’intéresse plus que la satiété. Mais bon. »
La musique
« Adolescent, je ne pensais qu’à la musique. J’ai fait le Conservatoire, malgré l’opposition de mes parents. Et puis la philosophie est arrivée dans ma vie. Elle a tout bousculé. Elle m’a servi de colonne vertébrale. »
Arsène Lupin
« Quand je fouille mes malles, je constate que j’écris depuis toujours. J’ai écris depuis toujours. J’ai écrit mon premier roman à l’age de onze ans. J’avais lu tous les Arsène Lupin trouvés dans la bibliothèque de mon père. Il n’y en avait plus. J’ai imaginé moi-même de nouvelles aventures d’Arsène Lupin (en somme un faux). C’est significatif… On écrit les livres qui vous manquent. »
Dieu
« Quand je parle de Dieu, je parle de la question de Dieu. Le 'minimum syndical' de sacré que chaque être porte en lui, c’est la présence de Dieu. Chacun s’est un jour posé la question de savoir si Dieu existe. Mes livres et mes pièces sont des œuvres de questionnant plutôt que de croyant. »
Les religions
« J’ai du respect pour les religions. C’est bizarre de dire ça aujourd’hui, où l’on met en relief la caricature des religions. J’observe avec respect comment la religion agit dans le cœur des croyants et les aide à vivre. »
Le cinéma
« Je viens de réaliser mon premier film. J’ai jamais autant travaillé de ma vie ! C’est l’histoire d’une femme appelée - Odette Toulemonde - qui n’a rien pour être heureuse et qui l’est quand même. Une femme qui sait vivre le quotidien, qui le rend magique. Elle rencontre un écrivain à succès, qui a toutes les chances et qui est malheureux.
J’ai tourné le film à Charleroi, avec Catherine Frot (Odette Toulemonde), Albert Dupontel (l’écrivain) et de nombreux comédiens belges.
Pourquoi Charleroi ? C’est le symbole d’une ville qui a été et qui n’est plus. Je montre quand même des gens très heureux de vivre à Charleroi… »
even.fr - « De l'écriture cinématographique »
“Tous choisis sur notre physique !” s’exclame Eric-Emmanuel Schmitt en apprenant qu’il est rédacteur en chef d’un jour sur Evene entre Monica Bellucci et Carla Bruni... Un recueil de nouvelles touchées par la grâce, ‘Odette Toulemonde et autres histoires’. Une perle cinématographique du même titre sur les écrans le 7 février. Dramaturge, écrivain, philosophe et désormais réalisateur : un succès sur lequel il revient en toute simplicité...
Comment passe-t-on de Mozart à Odette Toulemonde ?
Face à Mozart, j’étais Odette Toulemonde, un être humain ordinaire qui reçoit la nourriture d’un artiste qui l’aide à vivre. Notre rapport à l’art est beaucoup plus essentiel et nourrissant qu’admiratif. Je lis, j’écris, pour explorer l’humanité dans sa diversité, pour satisfaire ma curiosité des autres. Je n’ai pas l’impression d’avoir changé de sujet, mais plutôt de forme.
Vous êtes passé à la nouvelle…
Après m’être beaucoup cherché dans cet art. C’est un genre très difficile. J’ai écrit de nombreuses nouvelles sans pour autant y trouver ma place. Puis, j’ai compris que je devais de nouvelles flèches au lecteur-cible pour toucher sa réflexion et ses émotions. Ainsi, mes nouvelles débouchent sur une trappe. J’avais besoin de prendre un accident de vie qui permet de raconter tout le destin en question…
On a le sentiment qu'Odette Toulemonde et autres histoires est un condensé de votre oeuvre…
C’est une vraie synthèse de ce que le roman et le théâtre m’ont appris. Le théâtre m’a appris l’économie, la précision du trait et le romanesque m’a appris à manier le temps. C’est d’ailleurs pour cela je pense que ça n’arrive que maintenant.
Vous évoquez notamment le milieu de l’art de façon très critique ?
Je déteste tous les milieux constitués comme milieu. Je trouve qu’à partir du moment où les hommes s’assemblent et se constituent en milieu : leurs oreilles poussent. Ils deviennent troupeau. J’ai horreur de la culture-club. Un club pour lequel il faut faire acte de conformité culturelle afin d’en obtenir la carte et aimer la même chose que les autres. Et surtout pas la même chose que les autres. Cette possession ésotérique de la culture me semble être une véritable escroquerie. Il ne faut pas vivre le mouvement de snobisme ou identitaire comme une chose définitive et nécessaire. Essayer de faire le tri dans ce qui nous constitue pour aller vers le mieux : c’est ce que l’on appelle l’humanisme.
Olaf Pims, le critique littéraire dans ‘Odette Toulemonde’ est un membre à part entière de ce type de club, non ?
Oui, il fait un merveilleux numéro de méchanceté qui ourle la phrase, tend la pensée. Littérairement, la méchanceté est merveilleuse. Mais, je dirais qu’il est lui-même inconscient du mépris que sa critique véhicule : mépris sexiste, social et artistique. Pour lui, Balthazar écrit pour des imbéciles : des femmes qui exercent de petits métiers. Il fait preuve de mépris artistique puisqu’il ne prend pas en compte l’oeuvre de Balzan sous prétexte qu’elle est accessible. Il est le triomphe de la forme sur le fond.
Il reproche à Balzan de connaître un succès populaire…
Une pathologie française qui touche non seulement le monde des arts mais aussi celui des affaires. On déteste la tête qui dépasse. D’ailleurs on voit une tête qui dépasse plutôt que voir quelqu’un qui réussit ce que soi-même on cherche à réussir. On ne parvient pas à se dire que le succès crée une dynamique. Il faut aimer le succès.
Vous est-il déjà arrivé d’être confronté à de telles critiques ?
A mes débuts, j’ai été reconnu par la critique. Comme j’insistais et que j’avais du succès : je m’en suis pris plein la figure. J’ai dû me construire et me convaincre qu’il ne fallait pas que je leur ressemble. Je n’allais pas devenir cynique et expéditif dans le jugement pour intégrer ce monde. Je devais conserver la patte qui me fait écrire : cette émotivité, cette empathie, cette forme de candeur.Tout écrivain connaît un moment de lutte, sinon il tombe dans le cynisme. Ce qui est le cas de beaucoup d’ailleurs (rires).
Balthazar est un écrivain en pleine crise ?
Ce n’est pas tant la crise d’un écrivain que la crise d’un homme de la quarantaine qui se rend compte que tout ce qu’il a bâti ne le rend, au fond, pas heureux. Si dans son oeuvre il y a l’essentiel, dans sa vie c’est le grand vide. Ce qui m’intéressait, c’est la crise de la quarantaine quand on a construit quelque chose et qu’on se rend compte que l’on a fait fausse route et qu’on a construit la mauvaise maison.
'Odette Toulemonde' sort le 7 février au cinéma. Vous n’aviez pas peur de frustrer l’imaginaire de vos lecteurs en leur livrant des images ?
J’y ai beaucoup réfléchi. Je ne sais pas si j’ai trouvé la solution mais en tout cas j’ai emprunté une piste avec ce premier film. J’ai toujours reproché au cinéma de remplir notre imagination, contrairement aux livres qui la stimulent. J’écris de façon brève et suggestive. Je me suis dit que j’allais aborder cet autre langage qu’est le cinéma, cet art réaliste, en gardant le même style. Souvent, ce n’est plus le réel que je filme mais ce qu’il y a dans la tête d’Odette. Elle s’envole quand elle est heureuse… Ces images sont suggestives car vidées de leur réalisme. Je fais du cinéma dans la continuité de mon travail d’écrivain.
Cette fois, vous avez dû travailler en équipe ?
Pathé m’avait fait un casting de pointures. Difficile de les choisir en fonction de leurs capacités. J’ai choisi sur un feeling humain : ceux qui étaient généreux et que ça amusait de faire le premier film d’un écrivain. Au début, nos échanges étaient essentiellement littéraires. Je leur expliquais ce que je voulais de façon poétique. Je n’avais pas les moyens techniques de leur dire les choses. A la fin du tournage, je faisais le vieux routier. J’avais assimilé leur vocabulaire. Mais je savais parfaitement depuis le début ce que je voulais et on m’a laissé faire ce que je voulais.
Le personnage de Jésus est présent dans le film, pas dans la nouvelle. Pourquoi ?
Joséphine Baker est le coeur rendu audible d’Odette. Jésus est son coeur rendu visible. Ma façon de fuir le réalisme. Ce personnage, que je fais passer pour le concierge de l’immeuble, n’existe, en fait, que dans l’esprit d’Odette. La première fois qu’elle le voit, elle est en train de dévorer le dernier livre de Balzan. Jésus, lui, fume un joint en regardant la lune. Quand Balthazar vient se réfugier chez Odette, Jésus lave les pieds des voisins de l’immeuble. Quand Odette parvient à arracher un sourire à Balthazar, Jésus marche sur l’eau… Jésus, c’est la bonté, la générosité d’Odette, son altruisme.
Odette Toulemonde/Catherine Frot : un rôle sur mesure ?
Je disais souvent à Catherine : “T’as pas laissé une miette ?” et elle me répondait : “Non, j’ai mangé tout le gâteau !” Elle adorait ce personnage. On a passé trois mois à trouver son habillement, sa coiffure et la danse. On n’a jamais autant filmé les chevilles de Catherine, ses jambes, sa nuque. Odette devait frôler le ridicule et, à d’autres instants, on devait se rendre compte qu’elle est une jolie femme. On a travaillé les contradictions : cucul et noir à l’intérieur. J’avais en tête le prince Myschkin de Dostoïevski : l’idiot dont tout le monde se moque parce qu’il est candide. J’aime évoquer ces fontaines d’altruisme, de bienveillance, de générosité qui sont facilement l’objet de risée.Joséphine Baker pour l’ambiance musicale du film ?Je savais dès le début qu’Odette aurait un jazz-band à l’intérieur et que cette voix serait noire et lumineuse. Joséphine Baker symbolise la candeur, les plaisirs du corps, le jardin d’Eden. J’adore son dynamisme vital.
Avec ce recueil centré sur la quête du bonheur, vous allez encore passer pour un optimiste invétéré…
Les femmes de ce recueil ne cherchent pas le bonheur. Elles rencontrent, à un moment de leur vie, la grâce. Depuis que j’ai compris qu’être optimiste est un combat et que l’on peut être critiqué pour cela, je suis ravi de l’être. Ni l’optimisme, ni le pessimisme ne sont des savoirs. On ne sait rien de plus quand on est optimiste que lorsqu’on est pessimiste. Ce sont des attitudes face à un même diagnostic : la vie est difficile, pleine de douleurs, finit mal et la plupart des êtres humains sont trompeurs. Je vois, dans l’optimisme, la volonté de ne pas se résoudre à la laideur du monde, de ne pas vouloir être désenchanté. Il faut fuir l’indifférence et la lassitude. L’optimiste fait travailler son imagination puisqu’il sollicite le réel beaucoup plus que le pessimiste. Mon optimisme fait partie de mon humanisme.
En contrepartie, vous évoquez plus que jamais la maladie et la mort…
C’est le balancier : l’esprit et le corps. Le corps n’est pas qu’un réservoir de jouissance. Il est également source de vulnérabilité et de souffrance. Je ne veux pas concevoir que nos vies sont immortelles et en bonne santé. Elles sont en mauvaise santé et leur durée dépend assez peu de nous. Penser continuellement à cette fragilité me rend plus humain, plus proche de l’autre, plus proche de la réalité de ce que je suis. En opposition avec Michel Onfray qui considère le corps comme la seule valeur légitime au dépens de l’âme ? Il faut admettre la condition humaine dans ce qu’elle a de mystérieux. Mystère de la vie, de la mort et du sens. C’est en faisant le veuvage des pseudo-vérités que j’ai commencé à me sentir bien. Tant que j’étais dans l’espoir de changer la vie, j’étais en refus de la condition humaine. Accepter sa condition de corps qui est à la fois outil de jouissance - et je ne m’en prive pas - et instrument de souffrance : c’est le début de la sagesse. Le discours idéologique qui consiste à choisir soit le christianisme doloris soit le libertinage sensualiste de Michel Onfray est une baudruche !
‘Ma vie avec Mozart’ et la musique, ‘Odette’ et le cinéma. Vous avez besoin de transversalité dans les arts…
De transversalité et de paradoxes. Toujours dans les tensions. J’ai fait cette histoire d’Odette parce que je pensais qu’elle ne pouvait être visible vraiment qu’au cinéma. Il me fallait les couleurs, les sons et les mouvements. C’est elle qui m’a poussé vers le cinéma.
‘Odette’ le recueil, ‘Odette’ le film : deux projets nés simultanément ?
J’ai écrit l’histoire pour l’écran. Il ne m’était pas destiné. Je l’ai proposé à Gaspard de Chavagnac. Chaque fois qu’un metteur en scène parlait du film, il le réduisait à un seul de ses aspects : comédie sociale, comédie comique, film poétique, comédie romantique… Mais le film devait être tout cela à la fois. On ne pouvait réduire le langage que je mettais en place. On m’a incité à le réaliser moi-même. Ce qui n’effrayait personne, sauf moi. Au début du tournage, j’étais fou de bonheur. 70 personnes étaient au service de l’histoire que j’avais inventée. 15 ans que j’étais seul. J’avais pitié de moi au passé. Puis, je me suis dit que c’était bien de faire des trucs seul (sourire). J’ai donc, en marge du film, écrit les nouvelles. L’idée de pouvoir gérer seul un monde imaginaire, rien que par la plume, me paraissait un privilège incroyable.
Vous avez d’autres projets cinématographiques ?
Je finis une histoire originale pour le cinéma. Je pourrais puiser dans mon fond de pièces ou de romans, mais je crois que, pour trouver mon cinéma, il faut que je l’invente pour l’écran. Je veux trouver ma pensée cinématographique. J’ai posé les premières pièces avec ‘Odette’.
“L’art nous aide à vivre” : c’est ce que vous ressentez aujourd’hui ?
Je suis porté par ce que je fais mais je suis également porté par une énergie créatrice qui est en moi et dont je suis témoin. Tout ça me dépasse. Certains soirs il faut m’assommer. C’est fatigant. La vie s’en chargera… de m’assommer.
Ouest France - « J'ai d'abord rêvé de cinéma avant d'écrire »
Vous êtes un dramaturge et un romancier vu et lu à travers le monde entier : pourquoi s’essayer aujourd’hui à la réalisation d’un film ?
J’ai d’abord rêvé de cinéma avant d’écrire. A 8 ans, lorsqu’on me demandait ce que je voulais faire, je répondais : Walt Disney. Mais le premier moyen d’expression que j’ai dominé, c’est le langage, donc j’ai d’abord raconté des histoires au théâtre et dans des livres. Je me suis longtemps retenu de passer derrière la caméra, parce que je doutais de ma capacité à diriger 70 personnes chaque jour. Je l’ai finalement fait à 45 ans.
Quelle est la part de vécu dans ce film, que vous avez ensuite adapté pour en faire une nouvelle ?
« Odette Toulemonde », c’est l’histoire d’un écrivain populaire qui veut être aimé d’un milieu sectaire qui ne l’aimera jamais, et refuse d’être aimé par ceux qui l’aiment vraiment. Le point de départ est réel : un jour, en Allemagne, j’ai rencontré une lectrice qui s’est approchée, en bafouillant, avec une lettre épouvantable et un cœur en mousse à l’intérieur… Je me suis dit : elle ne me ressemble pas, je ne l’aime pas, comment peut-elle aimer mes livres !
Cela vous plait-il d’être un auteur populaire ?
Oui cela me plaît, mais à la différence de Balthazar Balsan, le personnage du livre, j’ai d’abord été découvert par un public de médecins, de professions libérales, via mes pièces de théâtre. Puis le public s’est élargi avec mes romans. Je le vis comme un bonheur absolu. Etre aimé par des gens loin de moi, c’est un cadeau extraordinaire.
La rencontre avec vos lecteurs est-elle importante ?
Oui, car je vérifie que je ne suis pas fou. C’est l’expérience de lucidité qui me vient du théâtre, où l’on voit le public réagir dans la salle. Quand je suis passé au roman, je me suis senti perdu parce que je ne suis senti perdu parce que je ne rencontrais pas mes lecteurs. Aujourd’hui, dans les trois mois qui suivent la sortie de mes livres, je rencontre mes lecteurs au moins une fois par semaine.
Propos recueilli par Fabien Bidaud
Critiques
L'Evènement - « Eric-Emmanuel Schmitt tourne chez nous »
Score - « Passage réussi de l'écriture à la réalisation »
… Balancée entre des élans fantaisistes souvent épatants et le souci de raconter des choses concrètes, cette histoire d’amour peu conventionnelle marque le passage réussi d’Eric-Emmanuel Schmitt de l’écriture à la réalisation. Quant l’écrivain décrit un personnage qui en a marre, le cinéaste filme une coupe qui est pleine. Et tout le monde est content.
Vincent Guignebert
Cahiers du Cinéma - « Frot est époustouflante ... »
(...) Frot est époustouflante. Jouant en vrai l'impossibilité d'une histoire vraie, elle rend un hommage à ce que voudraient fuir ses plumeaux kitsch et ses chorégraphies domestiques (plutôt chouettes).
François Bégaudeau
La vie - « Un bel hommage au pouvoir des mots et de la littérature »
... A travers ce personnage lumineux, aérien, à la fois hors du temps, mais confronté au quotidien, l'écrivain rend un bel hommage au pouvoir des mots et à la littérature. "La beauté sauvera le monde" disait Dostoïevski. Eric-Emmanuel Schmitt exprime la même idée mais, d'un geste léger, il l' enrobe de bonne humeur et de drôlerie.
F.T.
commeaucinema.com - « La bonne humeur, c'est le début du bonheur ! »
Odette Toutlemonde est en fait un très bel hommage au métier de lecteur. Le film va, en ce sens, être l’occasion de mettre en scène sur grand écran les « transports » (physiques et intellectuels) du lecteur passionné mais aussi de créer ce qui se fait rarement dans « la vie, la vraie », une « rencontre » entre un écrivain et sa lectrice, entre un homme et une femme, entre un pessimiste et une optimiste, entre deux imaginaires diamétralement opposés qui vont petit à petit se retrouver aimantés et amants.
Très vite, l’énergie, la grâce et le sourire de Catherine Frot chantant Joséphine Baker font que la piste de danse nous démange. La très belle musique de Nicola Piovani encadre ce film avec tendresse et l’on se dit qu’Odette et son univers pétillant illustrent à merveille le proverbe lancé par Dany Boon dans le dernier Leconte : la bonne humeur, c’est le début du bonheur !
Laetitia Heurteau
Première - « un charme indéniable... »
Article entier disponible dans Première n°360, page 37.
Christophe Narbonne
Pariscope - « Odette? Tout le monde va l'aimer »
…Ce premier film de l’auteur dramatique Eric-Emmanuel Schmitt , est une fable sur le bonheur.… Le réalisateur met dans ce comte assez de fantaisie pour se démarquer du lot : les apparitions récurrentes de Jésus, les envolées d’Odette planant littéralement quand elle est heureuse, son humour involontaire, le tableau bien croqué de son entourage (un fils homo et joyeux, une fille malgracieuse atteinte de puberté galopante, des voisins partouzards) et surtout la grâce et le charme de son interprète principale, Catherine Frot. Elle donne à cette belle personne simplicité, tolérance et bienveillance.
Odette ? Tout le monde va l’aimer.
Virginie Gaucher
Variety - « Un adorable moment de réalisme magique »
Un regard plein de fantaisie sur la manière dont un écrivain à succès ou une chanson populaire peut égayer une existence morne, " Odette Toulemonde " est d’un merveilleux « réalisme magique » qui sonne comme un pied de nez cinématographique à l'intelligentsia.
Catherine Frot interprète merveilleusement le rôle-titre d’une veuve active dont l’attitude joyeuse est soutenue par son enthousiasme sans bornes pour les livres d'un romancier parisien. Le citadin sophistiqué et l’admiratrice provinciale belge se rencontrent et éclairent tour à tour leurs vies alors que tout les sépare. Ce succès local, écrit par le célèbre dramaturge Eric-Emmanuel Schmitt, charme les spectateurs et les enchante, voire plus. Odette, qui travaille dans un grand magasin à l'extérieur de Bruxelles, n’a objectivement rien pour être heureuse, excepté son fils de 19 ans, Rudy (Fabrice Murgia), un coiffeur homosexuel et équilibré. Sa fille aînée, Sue Helen (Nina Drecq), est au chômage. Les deux enfants d’Odette vivent encore à la maison, ainsi que leurs petits amis de façon quasi-permanente. Quand elle n’est pas au rayon cosmétique du grand magasin, Odette augmente ses revenus tard le soir en cousant des plumes et des paillettes. Et cependant, elle déborde toujours d’énergie et de vitalité, et a de la jugeote, sans verser dans l’eau de rose.
Au début du film, Odette, la quasi cinquantenaire, est on ne peut plus enthousiaste. Elle s’habille, part travailler tôt, et prend l'autobus de sa province belge jusqu’à Bruxelles. Là, Balthazar Balsan (Albert Dupontel, remarquable de justesse), l’auteur qu'elle admire à distance, se livre à une séance d’autographes. Quand vient son tour, Odette, muette d’émotion, finit par lui demander une dédicace erronée. Toujours encourageant, Rudy suggère à sa mère d’écrire à Balsan une lettre exprimant toute son admiration. Odette exprime donc sa reconnaissance, expliquant à Balsan dans sa lettre, sans aucune prétention ni affectation, comment ses livres l'avaient littéralement aidée à vivre. Absorbée dans l’écriture, Odette est littéralement soulevée de son siège dans le bus, si forte est son exaltation.
Durant tout le film, chaque fois qu'Odette s’emballe, elle s’élance, s’élève dans les airs, et s’envole telle une Mary Poppins contemporaine sans parapluie magique. Miné par le doute, Balsan lit la missive. L’écrivain parisien décide, lors d’un passage aussi cocasse qu’improbable, de partir en Belgique à la recherche de son admiratrice. Odette est pleine de bon sens, mais elle est le contraire absolu d'une intellectuelle. Son appartement est un monument de kitsch et de mauvais goût. Balsan veut un changement radical et il l'obtient.
Eminent dramaturge et romancier, Schmitt, dont l’ouvrage "Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran" a été adapté à l’écran en 2003, avec Omar Sharif dans le rôle principal, emploie fréquemment le point de vue d’un ange, regardant avec bienveillance ses personnages lutter pour vivre. La démarche souple, Catherine Frot fredonne certaines chansons de la Bande Originale et incarne, sans condescendance aucune, les employés de magasin, caissiers et concierges aux rêves simples mais authentiques.
Agrémentée de chansons françaises interprétées par Joséphine Baker, la musique composée par Nicola Piovani est un élément central de l’histoire, et se mêle d’ailleurs admirablement aux scènes du film. Le patronyme fantasque d’Odette, « Toulemonde », symbolise les gens simples, le «petit peuple».
Lisa Nesselson
Publications
Fantastique et optimiste, Odette possède un don: celui d'un bonheur euphorique et contagieux. Les livres de Balthazar Balsan, son auteur préféré, lui donnent les ailes grâce auxquelles elle s'échappe d'un quotidien plus qu'ordinaire. Sa vie bascule lorsque sa route croise miraculeusement celle du romancier...
Avec
- Catherine Frot
(Un air de famille, Les soeurs fâchées), toujours drôle et pétillante - Albert Dupontel
(Fauteuils d'orchestre, Président), plus enigmatique et séduisant que jamais
Durée du film
1H45
Bonus
Making of, Portrait de EES au tournant de sa vie, Le Bonheur des autres, Interview EES cinéaste, Bande annonce, Galerie photos