La tectonique des sentiments

Résumé

Peut on passer en une seconde de l’amour à la haine ?

La tectonique des Sentiments raconte les ravages que provoque Diane lorsqu’elle imagine que Richard ne l’aime plus… La vie de tous les personnages va subir séismes et raz-de-marée car, lorsqu’un sentiment se déplace, les répercussions s’enchaînent… Plus l’orgueil est puissant, plus l’amplitude des tremblements est forte.

Une comédie cruelle mais tendre ultimement qui passe à la loupe nos contradictions et décortique nos rapports amoureux. 

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Commentaires

« Est-il est possible de passer de l’amour à la haine en quelques secondes ? »

Est-il est possible de passer de l’amour à la haine en quelques secondes ? Si la réponse est oui, alors il ne s’agissait  pas d’amour …
Entretien avec l'auteur...

La tectonique des sentiments est un clin d’œil à l’épisode de Mme de la Pommeraye dans Jacques le Fataliste, l’histoire d’une amante délaissée  …

Au départ, je voulais adapter à la scène ce personnage de Diderot, cette femme très forte avec une forme de noirceur à la Laclos. En fin de compte, le travaillant à ma façon, c’est devenu, je crois, une pièce originale.

Le Libertin était déjà un hommage à Diderot. On n’en a  jamais fini avec Diderot ?

Jamais ! Il est le ferment de mon écriture, mon auteur fondateur. C’est un maître de liberté. Je vis cette situation paradoxale d’être philosophiquement proche de Pascal et littérairement proche de Diderot.
Quelle tension !

Au fond, votre théâtre est à aujourd’hui ce que celui de Marivaux était au 18ème?

Il était taxé de léger alors qu’en réalité, sous des dehors plaisants, c’était un redoutable observateur de nos mœurs. Vos personnages ont l’élégance d’êtres spirituels mais sont, comme chez Marivaux, au bord de la tragédie.Ils ont moins d’élégance que de pudeur: ils mettent tant de temps à se trouver et surtout à s’exprimer ! En fait, ils voudraient être autres qu’ils ne sont. La pièce propose une sorte de dramaturgie initiatique: ces hommes et ces femmes apprennent à se connaître, à s’accepter, voire à se réformer, à travers les épreuves. 

Votre théâtre renoue avec la grande tradition du théâtre français du verbe, de l’esprit, du plaisir de l’échange.

Absolument. Molière et Racine définissaient le théâtre comme «l’art de plaire» ; je le revendique pleinement. Si on ne dévalue pas le terme, «plaire» veut dire intéresser, passionner, emmener en voyage… Mon but est de raconter une histoire souvent grave, de déstabiliser, de faire réfléchir, sans oublier les  dimensions de l’humour et du plaisir.

Vous êtes totalement en porte-à-faux avec le théâtre minimaliste du silence, la noirceur de la dramaturgie allemande qui fut beaucoup à la mode…

C’est  sans doute pour cela que les Allemands m’aiment tant ! Ils me jouent énormément, plus d’une centaine de mises en scène, que ce soit à la Schaubühne de Berlin ou dans des théâtres privés. Notez, on peut comprendre que les Allemands se méfient du verbe: avec Hitler, ils ont été servis en matière de manipulation du langage! Mon plaisir du texte n’est pas de cet ordre-là, il est amour du paradoxe, exploration de nos contradictions et se veut léger.

Les spectateurs vont le découvrir, Diane salit ce qu’il y a  de plus sacré, le lien, l’attention à l’autre, et est la première à en souffrir.

Elle est une femme moderne, en compétition avec les hommes, à mille lieux de sa mère, une femme-enfant; en revanche, elle a du mal à construire une relation amoureuse, à accepter l’abandon que cela suppose. Nous en connaissons tous,  de ces femmes indépendantes qui ont dû se battre sur beaucoup de fronts, qui ont réussi leur vie professionnelle mais échoué dans leur vie de couple.

Une fois encore vous confrontez la passion à l’engagement, l’amour au pouvoir. Que voulez-vous montrer, que la vie intime des couples est un jeu de dupes contaminé par les pratiques… du marketing, du rendement, de l’efficacité ?

A notre époque on «gère»! Le grand mot! La grande illusion!  On veut tout maîtriser, là, réside la duperie… Or en amour, il faut accepter le flou, l’incertitude. L’amour ne peut être un arrangement pratique, c’est un  pari fou sur la vivacité d’un mystère. Par quoi est-on séduit? Par la liberté, par l’insolence de quelqu’un qui peut vous approcher, vous quitter, vous trahir… Aimer est forcément inconfortable.

Au fond vous écrivez un théâtre de la Cruauté ! En vous inscrivant en faux contre cette cruauté. Vos œuvres sont placées sous le signe du rachat, de la rédemption, toute humaine celle-là.

Oui, je suis animé d’un optimisme profond, d’une foi humaniste. Si je décris ce qui ne va pas, ce qui est aigu ou douloureux, c’est aussi pour montrer qu’il nous faut accepter de vivre dans la complexité. Jamais simplifier! Jamais amputer! Ceux qui prétendent pouvoir supprimer les difficultés ou les contradictions de l’existence, ceux-là sont des imposteurs.

Critiques

La Libre Belgique - « La géologie amoureuse de M. Schmitt »

03/09/05

Un moment de beauté sur le thème de la passion et de ses dérives

Ce n'est pas par hasard que figure dans le programme du spectacle 'La Tectonique des sentiments' d'Eric-Emmanuel Schmitt au théâtre Le Public un extrait d'Andromaque de Racine. « Qu'il meure, puisqu'enfin il a dû le prévoir, / Et puisqu'il m'a forcée enfin à  le vouloir  » : l'écrivain de théâtre français le plus doué et le plus lu du moment se penche dans sa dernière pièce sur la passion amoureuse à  son paroxysme, c'est-à -dire à  ce point limite où elle se transforme en haine vengeresse.

Incarnée par une Patricia Ide à  laquelle le registre tragique sied décidément très bien, Diane est en effet une Andromaque d'aujourd'hui. L'auteur du Libertin 'qui se dit toujours influencé par la pensée de Pascal et le style de Diderot- s'est engagé ici dans une veine qui le situerait quelque part entre Marivaux et Laclos. Le premier pour l'exactitude de la description des transports de l'amour, le second pour la manipulation perverse dont ils peuvent faire l'objet.

Le titre renvoie aux mouvements de la croûte terrestre sous la pression du magma et dit assez le côté scientifique de l'observation à  laquelle on a droit ici. L'espace de la scène est la boîte d'expérimentation dans laquelle l'auteur jette ses créatures pour voir comment elles vont se comporter. Sous l'apparence de la stabilité, les émotions se transforment et finissent par jaillir comme autant de pulsions volcaniques.

(...) La qualité des acteurs rend justice à  la profondeur d'un texte où le sens de la repartie, la pyrotechnie verbale et cette façon de manier le coup de théâtre à  répétition (...) ont été maîtrisés et mis au service d'une expression vraie du coeur humain.

La principale impression que rend le spectacle est une sorte de beauté sereine face au mystère de l'élan amoureux et de ses transformations. Comme si l'on regardait calmement une éruption volcanique au ralenti. Et c'est bien sûr ainsi soi-même que l'on regarde et que l'on interroge. On sort de là  avec un sentiment de plénitude retrouvée, comme réconcilié avec soi et ceux qu'on aime.

Les spectateurs de la première ne s'y sont pas trompés, qui écoutèrent pendant une heure quarante-cinq dans un silence fervent et dont une grande partie se leva pour applaudir les artistes.

Philip Tirard

Le Soir - « Un nouveau Schmitt, c'est comme un nouvel Harry Potter »

03/09/05

Un nouveau Schmitt, c'est comme un nouvel Harry Potter : immanquable. (...) Jeudi soir, on sentait une attente énorme. Confirmation à  la billetterie : les représentaions sont complètes jusqu'à  la fin de la série.

(...) Observons l'oeuvre. Et ses questions. Le besoin d'amour qui nous anime peut-il entraîner de grandes secousses ? Avec La Tectonique des sentiments, Eric-Emmanuel Schmitt répond oui, bien sûr. Les battements de notre coeur, comme les ailes d'un papillon, peuvent créer des bouleversements qui nous dépassent.

En cela (...) Schmitt aborde à  sa façon un genre puissant, venu de la nuit des temps : la tragédie, cette forme théâtrale qui veut que le spectateur connaisse d'emblée l'issue funeste du drame, et en souffre pendant toute sa durée.

Laurent Ancion

La Dernière Heure - « Un jeu de dominos incontrolable »

15/09/05

UN JEU DE DOMINOS INCONTROLABLE

Ne ratez pas La tectonique des sentiments, la nouvelle pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt.
Bruxelles: La création mondiale de la tectonique des sentiments d'Eric-Emmanuel Schmitt au Public était attendue avec impatience. Avec raison. Dès les premières minutes, les bons mots et les répliques piquantes fusent. elles se feront de plus en plus assassines tout au long de la pièce, au fur et à mesure que les personnages s'enfoncent dans les méandres des mensonges et des vengeances.

Dianes et Richard s'aiment. S'aimaient. Et se perdent pour un simple petit problème de communication, qui ébranlera Diane au plus profond de son être. Les conséquences de ce dérapage incontrôlé affecteront plusieurs personnes autour d'eux.

Amour, haine, mensonges, manipulation, cruauté, rien n'est petit dans cette pièce, même le décor... Tous les sentiments se vivent à fond, jusqu'à la lie. Le défaut d'orgueil est poussé tellement loin qu'il en devient encore plus humain. Diane perd peu à peu pied, offrant à Patricia l'occasion d'incarner une working girl qui voudrait contrôler sa vie privée avec la même facilité que sa carrière. Sauf que les sentiments mis en branle créent leurs propres catastrophes, sans qu'on puisse revenir en arrière.

Parmi les victimes de ces tremblements de terre en série, il y a non seulement Richard, un Philippe Résimont capable de perdre pied avec subtilité, mais aussi la mère de Diane et deux prostituées qui seront les instruments de la vengeance. Céline Peret est Anka, la jeune Polonaise sortie de la rue, étonnante de naturel et de justesse. Il y a des pièces de théâtre qui vous coupent le souffle, par le ton et les propos. La tectonique des sentiments en fait désormais partie, évitant avec brio les grosses ficelles d'une conclusion moraliste. 

Dépêchez-vous d'aller voir cette pièce, jusqu'au 8 octobre au Public, du 11 au 15 octobre et du 25 au 29 octobre au Passage 44. Vous ne le regreterez pas.

Le Figaro - « Petit crime conjugal »

15/01/2008

Les éditions Albin Michel ont eu la bonne idée de proposer le texte de la pièce La Tectonique de sentiments. Il se lit comme un roman : dialogues incisifs, fins, piquants ; sens du rythme cadencé par les quiproquos et les rebondissements ; sans besoin de les décrire, les personnages principaux ont de l'étoffe, et les personnages secondaires (comme la belle-mère Madame Pommeray, et Elina, la jeune prostituée poète) jouent un rôle central.

En exergue, Eric-Emmanuel Schmitt dit s'être inspiré de Diderot. Mais La Tectonique emprunte davantage à Marivaux, avec cette histoire de femme qui tombe dans le piège de l'amour qu'elle a, elle-même, dressé. L'auteur utilise avec brio l'art du mensonge et de la mascarade. Il joue sur la complexité psychologique des êtres, leurs défauts, l'amour-propre en premier lieu. Ainsi, Diane, une femme politique forte, doute-t-elle des sentiments de Richard, son compagnon alors que ce dernier est follement amoureux. Pour le tester, elle lui dit qu'elle ne l'aime plus tout à fait et ira jusqu'à le jeter dans les bras d'une jeune femme. Piqué au vif, Richard lui annonce qu'il vaut mieux se séparer. Le décor est planté, et la comédie humaine peut commencer.

A la manière des meilleurs dramaturges, Schmitt (qui a obtenu le grand prix du théâtre de l'Académie française pour l'ensemble de  son œuvre) glisse dans ses dialogues quelques aphorismes :  « On ne peut pas être amoureux et avoir confiance » ou « L'être humain est si merveilleusement constitué qu'il rejette ses fautes sur les autres ». La Tectonique, c'est aussi l'étude des déformations géologiques, des dislocations. Avec ce texte, l'écrivain montre qu'un orgueil mal placé peut provoquer un tsunami amoureux...

Mohammed Aïssaoui

Le Figaro - « Reza et Schmitt, deux auteurs à  succès se lancent »

15/01/2008

Ils ont le même éditeur Albin Michel, rencontrent le même succès, Yasmina Reza et Eric-Emmanuel Schmitt, les deux auteurs français contemporains les plus joués dans le monde, se retrouvent au coude à coude en ce début d'année.

Ils ouvrent le bal d'une saison riche en créations attendues jouées par de nombreuses vedettes, Isabelle Huppert, Daniel Auteuil, Carole Bouquet, Clémentine Célarié, les débuts d'Eddy Mitchell au théâtre, Cécile de France, Anna Mouglalis, Isabelle Mergault... Mais rien ne se ferait sans les auteurs. Ce duel Reza-Schmitt, par pièces interposées, illustre le brio de ce début d'année. D'un côté l'auteur d'Art, joué à Londres et New York avec succès, événement assez rare pour être signalé. Ils ne sont pas nombreux les auteurs français qui ont signé un succès à Broadway. Reza est de ceux-là. De l'autre, l'auteur du Visiteur, de Variations énigmatiques, de Monsieur Ibrahim et Les Fleurs du Coran, pièces qui ont été traduites dans quarante langues, révélant un auteur qui a su faire aimer la philosophie au plus grand nombre. Avec lui, le spectateur a l'impression que la morale, la logique sont accessibles. Ce n'est pas rien. Tous les deux ont la réputation d'être des intellectuels pour grand public. Tous les deux ont également une œuvre littéraire derrière eux, et tous les deux mettent en scène leur pièce pour la première fois.

Avec Le Dieu du carnage (Albin Michel), Yasmina Reza signe une comédie. Elle fait appel à un quatuor de talents, venus d'horizons divers, Isabelle Huppert, André Marcon, Valérie Benneton, Éric Elmosnino. Un couple, parents d'un petit Bruno, reçoit un autre couple, parents de Ferdinand qui a frappé leur fils au visage dans un square. Le résultat s'est soldé par deux dents cassées. Les parents de Bruno font la grimace. Mais on est entre gens de bonne compagnie, tout devrait s'arranger à l'amiable. Mais Yasmina Reza a le sens pointu de l'observation, et, à partir de ce début, elle file un texte qui ne manque pas de piquant. À l'image de cette réplique?: « ?On a voulu être sympathiques, on a acheté des tulipes, ma femme m'a déguisé en type de gauche, mais la vérité est que je n'ai aucun self-control, je suis un caractériel pur », dit un personnage. La pièce dérape et la comédie tourne à la dénonciation d'une société sans repères ni spiritualité.

Avec La Tectonique des sentiments, Eric-Emmanuel Schmitt retrouve Diderot, son «?maître à écrire ». S'inspirant d'une anecdote de Jacques le Fataliste, il adapte à notre siècle, les intermittences du cœur d'une femme en quête d'amour et de reconnaissance. « La femme d'aujourd'hui a des points communs avec la femme émancipée du XVIIIe siècle », explique l'auteur. Il dirige Clémentine Célarié, Annick Alane, Marie Vincent et Sara Giraudeau. Quatre femmes qui sont les quatre facettes de la féminité autour d'un homme en détresse. Interprété par Tchéky Karyo, il perd pied peu à peu face à l'exigence d'une femme inquiète. « ?J'ai voulu montrer la part immergée de l'iceberg d'une passion amoureuse, quand les bouches disent autre chose que les corps  », explique Schmitt. Il a choisi de mettre en scène «  pour aller jusqu'au bout de mon rêve théâtral  », dit-il.

Un rêve qui depuis dix-sept ans l'a conduit en haut de l'affiche. Tout comme Reza. Plus que frères ennemis, Yasmina Reza et Eric-Emmanuel Schmitt sont frères d'armes.

«?La Tectonique des sentiments?»,
Théâtre Marigny, à partir du 24 janvier, 20 h 30.
Tél. : 0892 222 333

Marion Thébaud

Rappels - « Propos recueillis par David Roux »

Jan 2008

Vous avez débuté par le théâtre, avant de vous consacrer à la littérature puis au cinéma et, aujourd'hui, à la mise en scène. Dans un monde qui aime particulièrement cantonner les artistes dans une spécialité, vous ne craignez pas de toucher à tout ?

Je suis gourmand ! A la fois par appétit et par angoisse d'ailleurs. Contrairement à d'autres ma devise pourrait être :  « Dans le doute ne t'abstiens pas ». Je suis persuadé qu'il faut tenter et risquer chaque aventure. J'ai trop peur des erreurs existentielles pour me réfréner au nom de la prudence. Je connais trop de gens qui se sont trompés sur leur propre compte. Songez à Voltaire qui dédaignait ses fables et pensait passer à la postérité pour son théâtre... C'est trop simple de faire cette erreur sur soi-même : il faut se laisser diagnostiquer pas les autres, se laisser aimer ou non, se laisser guider par eux.

En l'occurrence vous abordez la mise en scène de théâtre pour la première fois. Qu'est-ce qui vous a fait passer ce pas ?

J'en avais assez de me contenter de relations mondaines avec les acteurs. Je pensais avoir bien mieux à faire que ça avec eux. J'étais frustré de la nature de mon rapport avec ces artistes que j'admire et dont j'aime profondément le talent : j'avais envie de transpirer avec eux, de me cogner, de me tromper avec eux.

Curieusement, c'est au cinéma que vous avez accompli pour la première fois ce souhait, alors que la contrainte technique y est très lourde à assumer. On imagine que le lien du metteur en scène avec ses comédiens y est moins direct qu'au théâtre...

Je suis un perfectionniste, j'avais donc énormément travaillé en amont avec l'équipe technique. Sur le tournage j'ai donc pu m'occuper presque exclusivement des comédiens : c'est ce que j'appréhendais et désirais le plus...et ça a été un grand bonheur.

J'aurai probablement dû commencer par la mise en scène de théâtre, mais la vie n'est pas logique. Et, finalement, qu'il s'agisse de littérature, de cinéma ou de théâtre, il ne s'agit toujours que d'une seule et même chose : raconter des histoires, faire vivre des personnages et, si possible, y glisser une réflexion en forme de fable...

« Notre vie est régie par des réalités imaginaires : la passion en est une, qui peut être très violente »

Il y a tout de même une nouveauté dans La tectonique des sentiments : pour la première fois dans votre œuvre, vous abordez de front une histoire d'amour...

C'est vrai, j'ai tenté de proposer une analyse de la passion et des différences qui l'opposent au sentiment amoureux. Est-ce que l'amour ne commence pas précisément là où s'arrête la passion ? L'amour est un sentiment qui tient compte de l'autre alors que la passion se nourrit d'elle-même et oublie l'autre en chemin. L'amour est nécessairement lucide et la passion est partiellement aveuglée. Dans ma pièce, le personnage de Diane passe en une seconde de la passion à la haine amoureuse : c'est cette frontière qui est passionnante.

C'est Diane elle-même qui déclenche  ce passage de la passion à la haine. Elle semble en être parfaitement consciente, comme s'il s'agissait à terme d'une issue inévitable. Serait-ce le destin de toute passion que d'évoluer vers la haine ?

Le ressort de Diane c'est l'orgueil. C'est une femme moderne habituée à lutter avec et contre les hommes. En tant que femme politique, elle œuvre pour la condition féminine : ce combat et cette maîtrise la rendent particulièrement fragile dans le rapport amoureux. Dès lors qu'il est question de rapport de force et de pouvoir, le sentiment est fragilisé, marginalisé. On ne peut pas aimer sans lâcher prise et Diane, elle, en veut à Richard de l'aimer si passionnément. Elle se reproche ce sentiment qui la dépasse. Tout en aimant cette passion, elle s'en méfie, et, en commençant à douter des sentiments de Richard,  elle va éprouver le besoin de s'en débarrasser. Qu'il soit fondé ou pas, dès qu'un soupçon existe, il gangrène l'esprit. Notre vie est régie pas des réalités imaginaires : la passion en est une, qui peut être extrêmement violente.

N'y a-t-il aussi dans votre pièce l'idée que trop d'intelligence laisse peu de place à l'épanouissement du sentiment amoureux ?

Certainement : Diane est à la fois beaucoup trop puissante, intelligente, imaginative et secrète pour avoir un quotidien équilibré. C'est aussi un portrait de la femme moderne : l'égalité sociale ne facilite pas l'abandon nécessaire au sentiment amoureux. D'ailleurs, Diane n'est pas une femme insatisfaite mais une femme qui se pense insatisfaisante. Elle s'est construite contre l'image de sa mère, une femme coquette et frivole. Elle a d'autant plus de mal à se croire femme face à un homme qu'elle s'est éloignée de l'image traditionnelle des femmes. Cette pièce est son trajet initiatique vers l'apprentissage de l'amour et, comme on n'apprend que de ses erreurs et de ses échecs, le chemin est nécessairement chaotique...

Propos recueillis par David Roux

Pleins Feux - « Avec cette comédie élégante et féroce du désarroi amoureux,... »

Janv 2008

... Avec cette comédie élégante et féroce du désarroi amoureux, Eric-Emmanuel Schmitt déroule son habituelle aisance : la langue y est précise, incisive et tranchante, les effets parfaitement maîtrisés et le propos toujours juste. Fort de cet incontestable talent, il entend élever sa pièce au rang de fable et, pour ça, ne craint pas les archétypes. D'autres que lui en seraient restés à la surface de ces personnages, il en exploite toutes les ressources en les poussant loin dans leurs retranchements.

Et, sous sa direction de metteur en scène, ses comédiens trouvent dans le densité de cette écriture, une matière rare : celle dont on fait les futurs classiques du théâtre.

Charles Saacy

Le Parisien - « Karyo et Célarié tout en légèreté »

25/01/2008

Théâtre Marigny, Paris (VIIIème), 22H45. La solennité du titre et de l'affiche augurait une réflexion majeure sur les affres de la passion. La tectonique des sentiments d'Eric-Emmanuel Schmitt a finalement révélé à sa première, hier soir, dans un Théâtre Marigny péniblement secoué par des quintes de toux, une portée plus récréative.

Une fière amazone se laisse aller à aimer un homme. Elans adolescents où la plus courte absence est un déchirement, où l'on se refuse par pur plaisir de ce voir forcer la main...

Etat de grâce éphémère. Bientôt l'amazone Diane (Clémentine Célarié), effrayée à l'idée que son soupirant se lasse, feint elle-même l'essoufflement pour mieux être rassurée. Mais blessé dans sa vanité, Richard, le mâle outragé (Theky Karyo) surenchérit, et plutôt que de la détromper, et propose de la quitter. Aucun ne veut baisser la garde, quitte à se perdre dans le mensonge et la manipulation.

Une telle trame se prêtait idéalement à un divertissement, et c'est à quoi parvient La tectonique des sentiments. Agréablement incarnée, souvent drôle, et relevée de ces fils d'argent dont Eric-Emmanuel Schmitt sait innerver ses dialogues.
« Il me serre dans ses bras mais ne me broie plus », « Je suis sa mère, c'est-à-dire la personne qui la connaît le moins au monde », « Un auteur n'est vieux que lorsqu'il ne parle plus à la jeunesse », « Qui sera l'ingrat qui cicatrisera le plus vite ? »

L'air de rien, la vérité affleure sous le spectacle. Mais toujours, la légèreté reprend le dessus. On le sait, les noces de la passion et de l'orgueil sont mortifères. Cette musique sentimentale-là est attendue.

VDD - « Clémentine Célarié, l'acrobate des émotions »

 20/01/2008

« Cette pièce est un incendie ! » Avec sa chaleur enthousiaste et ses yeux de braise, Clémentine Célarié s'apprête à entamer la danse du feu dans La tectonique des sentiments. La dernière pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt, mais aussi sa première mise en scène. « Il dit m'avoir engagée « parce que je brûle », précise une Clémentine Célarié enflammée par son sujet. Car la danse du feu est une image diabolique des mouvements engendrés par la passion. Et la passion, c'est mon truc !» La tectonique des sentiments fait allusion aux mouvements des plaques qui provoquent des tremblements de terre.

« La métaphore est exacte. Il suffit d'un doute infinitésimal dans la tête de quelqu'un pour que tout s'effondre. Schmitt a bâti une machine infernale en racontant l'histoire d'une femme politique, qui, parce qu'elle va remettre un seul instant en cause la sincérité de son amour, va bouleverser le comportement de son entourage. »Clémentine Célarié, pétulante Madame Sans-Gêne du théâtre, a envie de « pleurer de joie » : « J'ai enfin la force de mettre mon vécu au service de mon personnage.

C'est jouissif d'offrir ses premières rides à un rôle. » Mais difficile de jouer les sentiments qui l'habitent : « Le cœur est plein d'impudeur. Cela rend l'amour beau à vivre, mais dur à reproduire au théâtre. Tant mieux : un acteur doit être un athlète de la tête est un acrobate des émotions... ou rien. » Dès le mois de mars, Clémentine Célarié ira chanter une fois par semaine en sortant de scène. Elle reprendra aussi des lectures du Journal de Jules Renard avec Jean-Louis Trintignant. « De Marigny, où je joue La tectonique des sentiments, je n'aurai qu'à traverser les Champs Elysées pour aller au Théâtre du Rond-Point. » Ce n'est pas tout. Elle vient de sortir un recueil de nouvelles chez Michel Lafon (Mes Ailes) et elle mettra en scène, en avril, une jeune handicapée : « Parce qu'elle est drôle, c'et tout. » A ce sujet, elle ne supporte plus la langue de bois : « Le Téléthon, c'est vraiment pour se donner bonne conscience. » Pour sa part, elle préfère écrire un spectacle pour une troupe d'artistes dont certains sont handicapés. « Quelle différence, s'ils ont du talent ? » On la verra aussi bientôt dans un très beau téléfilm de Renaud Bertrand, sur France 2, qui traitera des années sida.

Delphine de Malherbe

Le Figaro - « Egarements de l'esprit et du coeur »

Mardi 19 Février 2008

La tectonique des sentiments d'Eric-Emmanuel Schmitt, au théâtre Marigny

L'écrivain de Variations énigmatiques reconnaît sa dette envers Diderot, qui inspire ce conte cruel comme il avait inspiré, en 1945, Les dames du bois de Boulogne, le film de Robert Bresson dont les dialogues avaient été écrits par Jean Cocteau. L'histoire de Mme de La Pommeraye, racontée dans Jacques Le Fataliste, fascine car elle dit à merveille l'ambivalence de tout amour et montre comment une passion peut s'envenimer jusqu'au désir de détruire.           

Eric-Emmanuel Schmitt transpose l'action de nos jours à Paris. L'héroïne, qui, croyant ourdir subtilement une perverse vengeance, se perdra, est une femme libre, belle, qui vit avec sa mère et travaille, au moment où se situe l'action, sur le sort des prostituées. On verra celle qui défend le droit littéralement acheter deux femmes sans défense... mais l'amour dont elle est incapable, submergera les autres protagonistes et c'est elle qui sera détruite.           

Pour nous raconter cette histoire ambiguë, Eric-Emmanuel Schmitt, ainsi qu'il aime le faire, prend son temps et cisèle des scènes savoureuses, notamment en s'appuyant sur la maman, interprétée par la délicieuse et fine Annick Alane. L'auteur signe sa première mise en scène et multiplie les effets oniriques ou de comédie musicale, qui évoquent le film qu'il a réalisé. Sans doute veut-il nous rappeler que si le conte est noir, il s'agit de fiction... Ses personnages ne sont pas dessinés par un sociologue, mais par un romancier.Aux comédiens l'essentielle responsabilité. Dans de multiples apparitions, Julien Alluguette s'amuse avec esprit. Marie Vincent est épatante dans deux registres très différents. La jeune Sara Giraudeau, regard enchanteur, grâce de danseuse, voix fruitée, est comme un printemps dans un monde sombre. Tchéky Karyo apporte la gravité d'un charme silencieux et douloureux.C'est Clémentine Célarié qui incarne Diane, chasseresse trop cérébrale pour se laisser aller à autre chose qu'à cette épouvantable machination. Elle est magnifique dans les nuances infinies, elle porte la complexité du personnage et de la pièce.

Armelle Héliot

Publications

  • En langue bulgare, édité chez Lege Artis
  • Publié en langue française aux éditions Albin Michel et aux éditions A vue d'oeil
  • Publié en langue polonaise par Znak

Au théâtre

  • Belgique, Bruxelles, octobre-novembre 05
    Création mondiale.
    Mise en scène: Michel Kacenelenbogen.
    Avec Rosalia Cuevas, Patricia Ide, Françoise Oriane et Philippe Résimont.
  • Estonie
    Pärnu-Endla Teatr, Oct 2007
  • France
    Théatre Marigny, Jan 2008
  • Pologne
    Théâtre de Zielona Gòra, décembre 2008, janvier 2009
    Théâtre Dramatyczny, Bialystok, 2010
  • Roumanie
    Théâtre National, Bucarest, 2009
  • Russie
    Krasnodar, 2008
    Togliatti, 2009
    Orlov, 2009
    Omsk, 2009
    Ostrovsky, 2009
    Khabarousk, 2011

Dossier de presse