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Félix et la source invisible

Résumé

Huitième volet du Cycle de l'Invisible.

Félix, 12 ans, est désespéré. Sa mère, la merveilleuse Fatou, qui tient à Belleville un petit bistrot chaleureux et coloré, est tombée dans une dépression sans remède. Elle qui incarnait le bonheur n’est plus qu’une ombre. Où est passée son âme vagabonde ? Se cache-t-elle en Afrique, près de son village natal ? Pour tenter de la retrouver, Félix entreprend un voyage qui le conduira aux sources invisibles du monde.

Dans l’esprit de Oscar et la dame rose et de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Éric-Emmanuel Schmitt interroge les mystères de l’animisme, la puissance des croyances et des rites issus d’une pensée spirituelle profondément poétique. Il offre aussi le chant d’amour d’un garçon pour sa mère.

Critiques

Le Figaro Magazine - « Eric-Emmanuel Schmitt l'art de la réussite »

L'écrivain à succès ajoute un huitième tome à son « Cycle de l'invisible », vaste entreprise romanesque qui évoque les grandes religions et sagesses du monde. 

Lauréat du concours général de lettres, sorti major de Normale Sup, agrégé de philosophie, membre de l'académie Goncourt et de l'Académie royale de Belgique : Eric-Emmanuel Schmitt possède un CV à faire pâlir d'envie nombre d'universitaires, philosophes ou écrivains. A plus forte raison si l'on y ajoute ces quelques chiffres : ses livres, systématiquement classés en tête des meilleures ventes en France, ont été traduits en 45 langues et vendus à plusieurs dizaines de millions d'exemplaires dans le monde. Bref, c'est du lourd. Du très lourd. 

Lire et écouter parler Eric-Emmanuel Schmitt, c'est donc aussi s'interroger sur cette étrange et si rare adéquation qui peut exister entre un homme d'une vaste culture et le grand public qui ne fait pas toujours dans la nuance. D'une certaine façon, Jean d'Ormesson avait réussi la même prouesse. Ce n'est pas le seul point commun entre eux. Comme le fut l'auteur de Dieu, sa vie, son œuvre, le catholique qu'est Eric-Emmanuel Schmitt a toujours été tourmenté par le désir d'absolu. Il décrit d'ailleurs dans un très beau livre, La Nuit de feu, une expérience mystique vécue dans le Hoggar qui l'a définitivement convaincu de l'existence de Dieu. 

Son nouveau roman, Félix et la source invisible, traduit cette propension à s'interroger sur l'ordre de l'univers. C'est en effet le huitième tome du Cycle de l'invisible, entreprise romanesque dans laquelle Schmitt évoque, par le biais de personnages bigarrés, les religions, révélées ou non, ainsi que les sagesses orientales. Après le christianisme, le judaïsme, l'islam, le bouddhisme ou le confucianisme, voici l'animisme avec ce Félix. «Je travaille beaucoup pour que le travail dissimule le travail, dit-il. Car je crois qu'il faut toujours viser la simplicité - qui ne doit pas être confondue avec le simplisme. » Cette sobre définition de son art est la clé de son immense succès. 

 

J.R Van Der Plaetsen

Le Point - « Ce Schmitt qui fait du bien »

Le grand écrivain Julien Green, qui, hélas, n’est toujours pas sorti de son purgatoire, aimait dire que les meilleurs romanciers laissent toujours leur vanité au porte-manteau : s’ils veulent écrire de grandes choses, certifiait-il, il leur faut retrouver l’esprit d’enfance. Avec Eric-Emmanuel Schmitt, il n’y a pas à tortiller, c’est gagné. 

En compagnie de Christian Bobin, poète magnifique, auteur d’un superbe récit,«La nuit du cœur»(Gallimard), Eric-Emmanuel Schmitt fait partie du petit panthéon personnel de l’auteur de ces lignes :celui des écrivains qui font du bien. Un coup de blues après une mauvaise nouvelle ? Entrez dans la librairie la plus proche et achetez un Schmitt, il chassera les nuages, le ciel deviendra bleu et, vous verrez, tout ira bien. Bien sûr, il ne faut pas le crier sur les toits si l’on veut être bien vu par certains milieux parisiens:Eric-Emmanuel Schmitt est un écrivain à succès, si populaire qu’il est honni par les “gens de lettres», dresseurs de barbe- lés rongés par les ressentiments. Il y a, dans « Félix et la source invisible»,tout ce que ses nombreux lecteurs aiment retrouver chez Schmitt, qui, comme disait Hergé, peut se lire de 7 à 77 ans et même largement au-delà: de la bienveillance, du loufoque, de la satire, de la spiritualité, du surnaturel. 

C’est l’histoire – il y a toujours des histoires chez Schmitt –d’un garçon de 12 ans prénommé Félix, dont la mère, Fatou, tient à Belleville un bistrot qui s’appelle Au boulot, ce qui permet à la clientèle de répondre, quand on l’appelle pour lui demander où elle se trouve : « Eh bien, Au boulot!» Le père antillais, Frédéric Saint-Esprit, dit « le Saint-Esprit », a disparu de la circulation. Jusqu’à sa réapparition. Le début est drôle comme du Marcel Aymé, avec des personnages secondaires atypiques, comme Robert Larousse, qui apprend par cœur les pages du dictionnaire, ou Madame Simone, un travelo aux traits épais et à la pilosité débridée. 

Un jour, Fatou, femme vive et pétulante, va s’éteindre sur pied, jusqu’à s’arrêter de parler. Une grosse dépression. Qu’est-il arrivé à son âme? Est-elle retournée au Sénégal, dans son village natal ? Félix veut la retrouver. Après avoir évoqué dans d’autres romans le christianisme, le bouddhisme, le judaïsme, etc.,c’est l’occasion pour Schmitt de nous offrir un voyage dans l’animisme africain, jusqu’au baobab qui, jadis, a sauvé la vie dela mère. On ne vous racontera pas la suite, de peur de vous gâcher la lecture de ce petit roman enlevé, féerique.

Franz Olivier Giesbert

Le Soir (Belgique) - « Pour encore croire à l’homme et à la vie. »

Éric-Emmanuel Schmitt fait le tour des spiritualités dans son Cycle de l’invisible. Après le soufisme (Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran), le christianisme (Oscar et la dame rose), le judaïsme (L’enfant de Noé), le confucianisme (Les dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus), etc., il aborde l’animisme dans Félix et la source invisible. 

Félix, 12 ans, est le fils aimé et aimant de Fatou. Elle tient à Belleville un petit bistrot chaleureux et coloré où une tribu haute en couleur vient chercher harmonie et bienveillance. Fatou est source de joie et de soleil pour tout le monde. Sauf ces derniers jours. Elle est victime d’une tracasserie administrative scandaleuse et sa bonne humeur disparaît. Félix est désespéré, les clients aussi. Que faire? Son âme joyeuse s’est-elle rapatriée en Afrique ? On emmène Fatou dans son village natal, au Sénégal, pour se ressourcer auprès du baobab sacré. 

Une fable de plus pour le romancier, dramaturge, directeur de théâtre et acteur. Une fable optimiste, colorée, poétique et spirituelle, qu’on pourrait certes estimer naïve, mais qui donne le sourire et le coup de pouce nécessaire pour encore croire à l’homme et à la vie. 

 

Toutes ces spiritualités que vous explorez sont-elles mises sur le même pied ?


Je cherche à la fois ce qu’il y a de différent et d’universel dans chaque spiritualité. Je suis obsédé par ses invariants: l’in- jonction à l’homme de dépasser son égoïsme pour l’altruisme, la recherche de la sérénité et du calme intérieur, le fait de se relier à la nature et de la respecter... Et en même temps, j’essaie de montrer des points spécifiques. Je pars à la découverte des trésors de sens que sont les spiritualités et j’essaie à travers mes histoires de prendre le lecteur par la main et de lui faire sentir quelque chose. 

 

Cette fable-ci signifie-t-elle qu’il ne faut pas s’éloigner de son arbre, ou de son baobab ? A travers ce livre, je dis une chose qui m’angoisse, c’est qu’on a perdu le rapport à la nature. Violemment! Si on consume autant d’anxiolytiques, d’antidépresseurs, c’est simplement qu’on s’est dénaturé. C’est l’orgueil occidental. Descartes disait : « On va se rendre maître et possesseur de la nature », et on l’a fait. Or dans l’animisme, on n’a pas de supériorité par rapport aux autres êtres vivants, y compris les végétaux. Tout le monde est à la même enseigne : une âme qui habite un corps. Il y a là une pensée écologique, un res- 

pect du vivant sous toutes ses formes, il n’y a pas d’hubris, de démesure humaine comme en Occident. L’homme ne peut pas prendre le pouvoir sur la nature, elle est plus puissante que lui, il s’y intègre. J’avais besoin d’entendre ça. Et de parler de ce sentiment de désarroi qu’on a dans les villes, puisque ça se passe à Paris. Où le goudron étouffe la terre, où on ne voit plus le ciel ni les étoiles, où les arbres sont en prison sur les trottoirs, taillés, au garde-à- 

vous, où les animaux se cachent, où les chiens n’aboient plus. Cette hominisation du monde est pernicieuse. On se coupe de nos racines en vivant dans un univers dénaturé. 

 

La leçon du féticheur à Félix c’est que, même en ville, il y a moyen de trouver une vision animiste. 

 

Oui, c’est-à-dire réenchanter l’expérience du monde. Parce que la dépression de Fatou, c’est un désenchantement. A un moment, le féticheur dit : l’Europe c’est le triomphe de la rai- son, l’Afrique c’est le triomphe de l’imagination, tu ne seras heureux qu’en mêlant l’un à l’autre. Et ça, je le crois vrai- ment. On a aplati le monde et on a besoin de la poésie, de l’es- pace imaginaire. 

 

Cette fable a une fin heureuse. Vous êtes optimiste ?
Oui. De tempérament, de volonté, de philosophie. 

 

L’anti-Houellebecq ? 

Tout à fait. C’est pour ça que je le lis avec intérêt. Pour moi l’écriture est une manière de me relier aux autres, peut- être même d’essayer de les soigner en me soignant. 

On a l’impression, en vous lisant, que vous vous étonnez en permanence. Jacques Brel di- sait: «Un homme est fait d’étonnement, il réussit sa vie s’il est fidèle à ses étonnements». Je trouve cela tellement juste. L’étonnement est une disponibilité. Je trouve absurde que des gens soient toujours disponibles à eux- mêmes mais jamais à ce qui arrive autour d’eux: quel enfermement ! Moi ça m’intéresse, ce que pensent les autres, je suis empathique, le monde me couvre de découvertes. Je suis étonné, en admiration, bouleversé. Je ne me sens pas assez riche pour me passer de cela. 

 

JEAN-CLAUDE VANTROYEN

Le Journal de Montréal (Canada) - « L’Afrique d’Eric-Emmanuel Schmitt »

Poursuivant son Cycle de l’invisible, qui permet de rencontrer des spiritualités différentes, l’écrivain franco-belge Eric-Emmanuel Schmitt nous propose un étonnant huitième volet avec Félix et la source invisible.

Il y a plus de 20 ans déjà qu’Eric-Emmanuel­­­ Schmitt a entamé son Cycle de l’invisible. Un Cycle qui n’est certes pas passé inaperçu, plusieurs des livres qui le composent – Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la Dame rose, etc. – ayant notamment été portés au grand écran ou adaptés au théâtre.

« Ce Cycle rassemblant des textes pouvant être lus séparément m’est venu à l’esprit après avoir écrit Milarepa, à l’issue d’un grand entretien sur la radio culturelle suisse, explique Eric-Emmanuel Schmitt, qu’on a pu joindre chez lui juste avant le temps des Fêtes. Vers la fin de l’interview, le journaliste m’a demandé si j’étais bouddhiste et, surpris, j’ai dit non. C’est là que l’idée d’un voyage à travers toutes les spiritualités m’est apparue. Nos vies sont faites autant de visible que d’invisible, et j’ai eu envie de parler de ça avec un regard humaniste très respectueux. J’y ai également mis la musique [avec Madame Pylinska et le secret de Chopin], parce qu’elle a aussi une influence spirituelle sur nous. »

Après avoir abordé à sa façon le bouddhisme, le soufisme, le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme zen, le confucianisme et la symphonie d’émotions liées à la musique, Eric-Emmanuel­­­ Schmitt nous offre ainsi un huitième volet, qui se penche cette fois sur l’animisme, une croyance surtout présente en Afrique grâce à laquelle animaux, objets et phénomènes naturels peuvent être dotés d’une âme.

Maraboutages

 

« J’ai régulièrement été amené à aller en Afrique – la première fois, j’avais seulement 17 ans –, mais dès le départ, je m’y suis pris de travers pour essayer de comprendre l’animisme, confie Eric-Emmanuel Schmitt. J’ai longtemps cherché à saisir intellectuellement cette croyance et un jour, j’ai fini par réaliser qu’il fallait la ressentir. Ce n’est pas avec la raison qu’on peut embrasser l’animisme, mais avec l’imagination. J’ai donc mis de côté les essais pour lire les poèmes, les contes et les fables des écrivains africains. » Ce qui lui a ensuite enfin permis d’écrire d’un trait Félix et la source invisible.

Le Félix du titre est un gamin de Belleville dont la mère célibataire souffre depuis quelque temps d’un mal très étrange : alors qu’elle a toujours su égayer les clients réguliers de son petit café de la rue Ramponneau avec ses réparties vives et son caractère pétillant, Fatou n’est plus que l’ombre d’elle-même. Car si elle trouve encore chaque matin la force de se lever pour servir expressos ou Picon-bière, elle est morte. Un diagnostic posé par l’oncle que Félix a réussi à faire venir du Sénégal, le pays d’origine de sa mère. Et dans l’espoir d’arracher sans tarder Fatou à la tombe, cet oncle fera rapidement appel à l’un des marabouts les plus populaires de Paris, qui lui chargera 440 euros (665 $) pour quelques boulettes de terre magique dont le résultat – sans toutefois préciser lequel ! – est garanti.

« Avant d’arriver à l’animisme, je tenais à parler de la caricature, précise Eric-Emmanuel Schmitt. Des gens déboussolés tombent sur des escrocs, et il était important pour moi d’en faire mention, de montrer ces faux marabouts. »

Un périple au bout du monde

Pour enfin pouvoir guérir sa mère dysfonctionnelle, Félix devra ainsi entreprendre un long voyage jusqu’en Afrique, là où les âmes d’humains, les âmes d’animaux et les âmes d’arbres se croisent et se complètent. « C’est en réveillant sa sensibilité et par la réappropriation de sa culture que Fatou va se retrouver, ajoute Eric-Emmanuel Schmitt. L’Europe, c’est le triomphe de la raison et l’Afrique, c’est le triomphe de l’imagination ! Mais faire ressentir ce continent, avec sa sécheresse, sa dureté ou ses replis incroyables au bord des eaux, n’a pas toujours été facile. Il y avait un vrai travail de peintre à faire et j’étais toujours en quête de la sensation juste. »

« Ceci étant, je ne sais pas si Félix et la source invisible va être le dernier livre du Cycle, car il y a encore quelque chose dont je pourrais parler, conclut Eric-Emmanuel Schmitt. Mes livres, je les désire pendant des années et tout se met en place quand je les écris... »

Karine Vilder

Gala - « Il faut guérir du mépris de élites. »

Nous nous sommes donné rendez-vous rue Dunkerque, à Paris, en face de la gare du Nord, dans une brasserie où les clients sont essentiellement des voyageurs, "des âmes de passage". Éric-Emmanuel Schmitt franchit la porte comme un personnage de théâtre: des yeux de petit enfant émerveillé dans un corps de rugbyman. Je commande un thé, il prend un chocolat chaud. Après notre entretien, il filera chez lui en Belgique avant de partir au Canada pour un projet théâtral. L'homme ne s'arrête jamais, romans, pièces de théâtre, ses oeuvres sont traduites en 45 langues et vendues à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde. Un marathonien du verbe et de l'esprit. "Le chemin, c'est celui du coeur, du verbe et de l'écoute, le reste est moins important. Lorsque je rencontre, à l'autre bout du monde, un lecteur qui me révèle qu'un de mes ouvrages l'accompagne dans sa vie, je suis heureux". L'écrivain est un mystique, il a exploré les religions du monde pour y trouver précisément ce qui unit les hommes, au-delà des croyances dogmatiques des uns et des autres: " Un proverbe africain dit qu'à force de regarder on finit par voir", me glisse-t-il avec un regard malicieux. Dans son dernier roman Félix et la source invisible, l'auteur explore l'héritage de nos racines. Son héros, né en France, repart vers l'Afrique natale de sa mère. Un conte philosophique moderne comme un voyage introspectif entre visible et invisible. "Si tu te coupes de ton passé, il va prendre de l'importance et te jouer un coup. Le passé prends le poids qu'on lui donne". Humaniste, Éric-Emmanuel Schmitt raconte des histoires et ne garde que l'essentiel sans pour autant être coupé des réalités: "Le monde est atteint de calculite. Il faut guérir du mépris des élites et, inversement, de la haine contre ses mêmes élites. Il faut apaiser les êtres et remettre la considération au centre du débat." Un peu de sagesse ne fait pas de mal. "Je voudrais que le XXIè siècle soir spirituel", me dit-il avant de se fondre dans le crépuscule de la ville. A méditer...



Nikos Aliagas

Le Figaro - « Une grande fable animiste »

Ça commence  comme un air de La Vie devant soi , dans le ton, la couleur de l’histoire, ses personnages, le décor. Dans Félix et la source invisible , Éric-Emmanuel Schmitt met en scène Félix, un gamin de douze ans, débrouillard et intelligent, qui vit avec sa maman, Fatou N’Diaye, plantureuse Sénégalaise, vive, pétillante, curieuse, qui tient un petit bistrot baptisé Au Boulot , à Belleville, rue Ramponeau, dans le XX e arrondissement parisien. Le nom du café est bien choisi, cela permet aux clients de boire un verre et de dire sans mentir qu’ils se trouvent « au Boulot »... Félix n’a pas de père, mais la vie semble se dérouler sans soucis d’avenir – ni de passé. Comme l’étymologie de son prénom, le gamin est heureux. Sa maman l’élève seule et, entre eux, c’est l’amour indéfectible. Partout dans le quartier, le garçon explique qu’il a été conçu par le Saint-Esprit. Ce qui est vrai, car on apprendra vite que son père biologique s’appelle Félicien Saint-Esprit, c’est écrit sur son acte de naissance. 

Très vite, cette existence où chacun avait trouvé sa place est chamboulée : la rayonnante Fatou n’est plus que l’ombre d’elle-même, elle est entrée dans une dépression profonde, comme morte. Elle est devenue un zombie qui passe son temps à tout nettoyer à l’eau de Javel et à calculer tout ce qui lui passe sous la main. Elle ne parle plus, ne réagit à rien, même pas aux paroles de son fils adoré. La faute à un notaire qui n’avait pas enregistré qu’elle était la propriétaire du bistrot – on ne peut résumer les péripéties kafkaïennes de l’administration. Bref , la situation est inextricable. Mission pour Félix et son oncle Bamba : sauver le soldat Fatou. 

Manifeste écologique


Jusqu’ici, malgré le drame dans lequel se trouve la mère, Éric-Emmanuel Schmitt donne à voir une sacrée galerie de personnages – des clients et des voisins, l’oncle Bamba, etc. C’est joyeusement truculent – mention spéciale pour Madame Simone et le timide Robert Larousse qui apprend par cœur les définitions du dictionnaire. Les passages où l’on appelle - en vain - les « marabouts ficelles » sont tordants. Les « professeurs » Koutoubou et Ousmane sont surtout experts dans l’art de soutirer de l’argent, ils ne guérissent de rien. 

Petit à petit, le récit prend une autre couleur, plus grave, plus profonde, mais reste plein d’humour. Pour guérir Fatou, Félix et son père, Félicien, venu à la rescousse - beau portrait aussi -, entreprennent un voyage au Sénégal. Le diagnostic : « Fatou s’est coupée de ses racines. Elle flotte. Elle a souhaité supprimer son histoire, ses origines. Or, quand on n’a plus de passé, on n’a plus de présent non plus, et encore moins d’avenir », dit le Saint-Esprit. Mme N’Diaye erre, dérive, déambule sans attaches et oublie que le fleuve Sénégal était son ami d’enfance. C’est là où tout avait commencé, c’est près de ce fleuve qu’elle avait survécu grâce à un baobab où elle lisait Agatha Christie, Gaston Leroux, Maurice Leblanc, Jules Verne, Henri Troyat ou Alexandre Dumas. De son côté, Félix, en même temps qu’il découvre son père, apprend une autre partie de lui. 

Par moments on lit ceci: “Regarde au-delà du visible. Regarde l’invisible » ; ou « Le monde se donne à qui le contemple [...]. » Et le livre, qui s’inscrit dans Le Cycle de l’invisible (Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran , Oscar et la dame rose , L’Enfant de Noé...), se transforme en un manifeste écologique, Éric-Emmanuel Schmitt met en lumière l’animisme, cette façon de penser que les choses, les murs et les arbres ont une âme forte. Félix et la source invisible l’illustre à merveille. Entre le gamin et sa mère, une interdiction : « Celle de limiter la réalité au visible. » C’est tout un art que d’écrire des choses profondes avec l’apparence de la légèreté. 

MOHAMMED AÏSSAOUI

Le Pèlerin - « Un des plus émouvants contes de cette précieuse collection »

Ce pèlerinage aux sources de l'invisible, cri d'amour d'un fils pour sa mère, est l'un des plus émouvants contes de cette précieuse collection.

Vous êtes philosophe et pourtant vous abordez les religions via la poésie et l'imaginaire. Expliquez-nous. 

L'approche conceptuelle ne peut suffire à appréhender le spirituel. Il faut le ressentir pour le saisir. Alors, tel un enfant découvrant les trésors de sagesse de l'humanité, j'ouvre la porte de l'imaginaire pour appréhender le mystère. J'explore de façon sensible la manière dont les hommes habillent de sens ce qui leur arrive : aucune explication de l'existence ne tient sans cette architecture impalpable. 

 

Vous cherchez à relier les hommes dans leur quête commune ? 

Je cherche à faire reculer l'ignorance. A éclairer la part universelle des sagesses. Toutes les religions poussent l'homme à s'ouvrir et à se relier. Toutes lui proposent de sortir de  la prison de son ego pour s'intéresser à l'autre de manière altruiste. Toutes font de chaque individu un être unique, connecté à plus vaste que lui : son destin, le cosmos. J'explore ces invariants mais aussi les spécificités de chaque spiritualité. Ainsi, dans l'animisme, l'ordre humain n'est pas supérieur au vivant ; l'âme des arbres, du vent, du fleuve, des animaux dialogue avec celle des humains. 

 

Autour de Fatou, l'héroïne de ce livre, grouille une cour des miracles. Ce conte est-il u n plaidoyer pour les « petits »? 

J'ai eu la chance de grandir entre deux grands-mères merveilleuses qui avaient dû quitter l'école à 14 ans. Cela m'a rendu sensible à la dignité des plus humbles. Nombre des maux de nos sociétés proviennent du déni des gens simples. Leur violence n'a pas la violence pour origine, mais le sentiment d'humiliation. Regardez le mouvement des gilets jaunes. L'indifférence et le mépris des élites pour le peuple engendrent la colère du peuple contre les élites. L'art de la politique, c'est d'équilibrer ces forces antagonistes pour faire société. De réserver une place à chacun, comme Fatou qui accueille les cabossés de la vie dans son bistrot de Belleville. Les oubliés et les exclus trouvent asile chez cette Sénégalaise solaire qui a nommé son troquet Au boulot, permettant aux hommes appelés par leurs femmes de ne pas mentir sur le lieu où ils se trouvent. 

 

La poésie irrigue ce conte...


L'humour et la fantaisie règnent dans le troquet de Fatou. Mais cette dernière va sombre dans la dépression en découvrant qu'elle a été dupée sur le titre de propriété de son café. Elle tente de laver frénétiquement cette injustice à l'eau de Javel, de blanchir et d'effacer ce monde occidental qui la refuse. Mais plus elle nettoie frénétiquement, plus elle se perd. Son fils Félix, l'oncle Bamba, appelé en renfort, et le géniteur jusqu'alors inconnu de Félix, Félicien Saint-Esprit, ramènent Fatou en Afrique noire pour tenter de la guérir. 

 

Peut-on se construire dans l'oubli de ses origines ? 

On ne peut vivre coupé de sa culture. Mettre un mouchoir sur son histoire, c'est s'aliéner ; l'explorer, c'est gagner sa liberté. Fatou, bernée, doit revisiter un traumatisme plus ancien encore, celui de la disparition brutale de sa famille, dans son enfance. Pour cela, il lui faut retourner sur les rives du fleuve Sénégal, au pied de son baobab. Grâce au féticheur du village, Fatou va extraire le traumatisme de la zone informulée de son esprit et en faire un récit. Conclure la paix avec ses morts. Conférer une présence aux absents. Guérie, elle ramènera sa part d'Afrique et de poésie à Paris, habillera le cartésianisme occidental de ses croyances et enrichira le monde de sa différence assumée. 

 

Félix, si proche de sa mère Fatou, n'est-il pas un peu vous ? 

Il y a beaucoup de moi dans ce fils fusionnel, mais un moi universel, un moi qui parle au nous. Tous les petits garçons doivent un jour se séparer symboliquement de leur mère pour grandir. Il leur faut accepter la présence du père, s'en tenir à leur place de fils, traverser l'épreuve de la perte pour devenir des hommes. 

 

Catherine Lalanne

La Montagne - « Un écrivain engagé au service de l'émerveillement et de la bienveillance »

Le nouveau roman d'Eric-Emmanuel Schmitt, Félix et la source invisible(Albin Michel) achève un cycle consacré aux spiritualités. L'occasion d'une rencontre pleine de sens et d'émerveillement avec l'un des écrivains français les plus originaux et les plus capés en France et à l'étranger.  

Vos livres cultivent le bonheur de lire et de vivre. Quel plaisir prenez-vous à les écrire ?

« Je dois avouer que je n'écris pas dans la douleur. Je suis porté par l'amour que je voue à mes personnages ; je suis ému par eux, je vis avec eux. Les moments d'écriture ne sont pas du tout des moment de solitude, au contraire des moments d'embrassades. j'ouvre les bras à mes personnages et je suis leur scribe, je les laisse parler.

Il n'y a pas un personnage que je n'aime pas, je ressens leur humanité et après je m'amuse en pensant au lecteur, pour le surprendre, comme quand j'annonce que la mère de Félix l'a fait avec le Saint-Esprit. Je suis comme quelqu'un qui prépare une mauvaise farce ; c'est ludique. »

On trouve du Gary ou du Pennac dans vos livres. Quel est votre panthéon littéraire ?

« Gary a été pour moi, il y a longtemps, une vraie révélation. C'était un grand écrivain qui osait la tendresse humaine, une bienveillance totale pour des personnages écorchés, en même temps avec des couleurs et de la cocasserie. 

Mais tout en haut de mon panthéon littéraire, il y a Diderot, pour sa fantaisie, son insolence, sa façon non-conventionnelle de traiter des sujets qui peuvent être profonds, l'alternance du sublime avec des choses complètement triviales.

Je ne pense rien comme lui, mais il est mon maître de liberté ; c'est un peu paradoxal, mais on peut avoir des maîtres de liberté, des gens qui vous déboutonnent et qui vous disent « non, n'écris pas comme un philosophe, ne te prends pas pour un normalien, cède à ta fantaisie qui est est en toi depuis tout le temps et dis des choses importantes avec ta fantaisie ». Diderot m'a appris ça. »

La fantaisie est pour vous la plus grande des valeurs humaines ?

« C'en est une en tout cas, dans son triple sens d'allégresse, de créativité et d'imagination. Je crois vraiment au pouvoir de l'imagination. Elle n'est pas une fuite de la réalité, mais une exploration de la réalité, en essayant d'en saisir toutes les couches.

C'est un peu ce que je raconte dans Félix : à partir du moment où lui et sa mère se retrouvent dans la culture originelle de Fatou, le monde visible est doublé d'un monde invisible, celui des esprits, des démons, des âmes. A partir de là, l'imagination enrichit la perception du réel mais en même temps l'ordonne et lui donne du sens. Et comme on rentre dans le symbolique, comme en psychanalyse, on va pouvoir remettre de l'ordre dans son corps et dans ses pensées.

Je crois vraiment au pouvoir de l'imagination, comme je crois au pouvoir de l'esprit sur l'esprit. »

L'enfance est aussi au cœur de votre œuvre ? Vous êtes donc resté un grand enfant ?

« C'est ce que me disent toujours les gens quand ils me rencontrent ! (Rires) Au début, ils voient le physique de rugbyman, puis ils disent « au fond, tu es un enfant ».

J'ai gardé, ou en tout cas cultivé, des qualités de l'enfance : l'étonnement ; je m'étonne facilement. Pour moi rien ne va de soi comme pour les enfants – Platon disait que c'était la première vertu philosophique et les enfants sont spontanément philosophes puisqu'ils s'étonnent. Et puis l'émerveillement, c'est-à-dire qu'à l'étonnement j'ajoute souvent l'admiration et je trouve que sur terre, ce ne sont pas les occasions de s'émerveiller qui manquent, mais les émerveillés.

Je cultive aussi une autre qualité de l'enfance, l'humilité de ne pas savoir. L'enfant sait qu'il ne sait pas, exactement comme Socrate disait qu'il ne sait pas – autre qualité philosophique des enfants. Après, on croit qu'on sait, on oublie de douter, on s'assoit sur des certitudes et c'est le principe des malentendus.Et puis, dernière qualité de l'enfance qui me paraît la plus essentielle, c'est la connivence avec le mystère, c'est-à-dire cette façon d'avancer avec confiance dans un univers mystérieux qui nous échappe. »

Quels mystères continuent à vous fasciner ?

« Plein, plein, mon dieu ! Le mystère des êtres déjà, la profondeur des êtres. C'est inépuisable, l'être humain. J'écris pour explorer la complexité humaine. Là, ce qui me plaisait dans Félix, c'était cet enfant qui veut sauver sa mère, parce qu'on oublie souvent que les enfants se sentent responsables de leurs parents, et encore plus dans une famille monoparentale.

J'avais envie de raconter comment ce petit bonhomme est heureux de ne pas avoir de père ; il est tout pour sa mère, il se pense l'enfant, le conjoint, qui va la soigner... C'est une réalité humaine et dans le livre, c'est un grand chemin initiatique, parce qu'il va apprendre à accepter d'avoir un géniteur et de cesser de se croire l'homme de sa mère. Même si la dernière fois qu'il en parle, il est sceptique parce qu'il trouve ses parents tellement niais et empruntés qu'il doute qu'ils arrivent jamais à coucher ensemble ! »

Et rien ne vous effraie de ce qui est inconnu mystérieux ?

« Si, des conneries ! (rires) Des choses pas importantes peuvent m'effrayer, mais pas les choses importantes. Ne pas avoir peur, c'est avancer, les yeux très ouverts et tous les yeux, les yeux de l'imagination, de la raison et de mon cœur, de mon corps... Avancer avec confiance, faire crédit : quand je ne comprends pas, je ne dis pas « c'est absurde », je dis « quelque chose m'échappe », c'est-à-dire je m'accuse de mes limites plutôt que d'accuser le monde ou la condition humaine monde de leurs limites ; ne pas penser qu'on m'a fait un mauvais coup en me mettant au monde... »

Quel sens donnez-vous à la spiritualité ?

« L'expérience du monde ne nous livre que des êtres et des objets, elle ne nous livre pas le sens des choses. C'est nous qui avons besoin d'habiller de sens ce qui nous arrive. Et les grandes faiseuses de sens, ce sont les spiritualités, depuis toujours.

J'ai donc un regard humaniste sur les spiritualités, pas un regard religieux sur les religions ; un regard humaniste pour dire « voilà comment les hommes, dans telle ou telle culture, essaient de comprendre le mystère de la condition humaine ». Et je le fais avec respect et attention, sans jugement, avec empathie et en essayant d'entraîner mon lecteur dans cette empathie.

Il y a une vraie volonté humaniste dans cette exploration et peut-être aussi, je dirais, un peu politique. Nous ne vivons plus dans des mondes monolithiques, en termes spirituels ou religieux. Dans nos sociétés, il y a des gens qui croient, d'autres qui ne croient pas, ou qui ne croient pas en la même chose ; il y a plusieurs religions, plusieurs spiritualités, il y a même des spiritualités athées...

La solution pour que nous vivions ensemble, ce n'est pas que nous devenions tous athées, ou tous chrétiens ou tous musulmans. La solution est que nous apprenions à connaître la spiritualité de l'autre et à la respecter. Pour mieux vivre ensemble, il faut percevoir, et si possible de l'intérieur, dans l'intimité – ce que permet la littérature -, ce qui fait vibrer l'autre et comment il interprète le monde.

Comment ressentez-vous dès lors le climat général, qui juge et condamne plus qu'il n'écoute ?

« On condamne plus qu'on écoute et celui qui passe à l'agressivité, c'est parce qu'il a été humilié. Je trouve qu'on devrait vraiment créer des observatoires de l'humiliation. Très sérieusement, il faudrait qu'on regarde, dans notre société, quand on est en train d'humilier une minorité ou certaines faiblesses, c'est-à-dire la condition qu'on peut faire aux femmes, aux gens qui ont moins d'argent, à quelqu'un qui est d'une religion différente de la religion majoritaire, ou d'une sexualité différente... Un observatoire de l'humiliation pour essayer de lutter contre l'humiliation ou l'indifférence avec laquelle on aborde certaines réalités humaines.

Cela pourrait empêcher la violence, parce que la violence vient toujours d'un sentiment de non-considération et y répond. C'est pour cela que le respect et l'attention est au cœur de toutes les spiritualités. développer le respect et l'attention aux choses, aux êtres, au réel, à la nature, c'est le cœur.

Quel rapport entretenez-vous avec la mort ?

« C'est un des plus grands mystères... Vous savez, les sages de l'antiquité disaient qu'il fallait penser tous les jours à la mort. Avec la sensibilité moderne, je dirais qu'il faut penser tous les jours qu'on est vivant, c'est-à-dire que le prix de cette vie, c'est aussi sa fragilité. Et ne jamais oublier le cadeau extraordinaire qu'on a d'être vivant.

La pensée constante de notre fragilité et de nos vulnérabilités devrait nous rendre heureux au lieu de nous rendre malheureux. C'est comme en amour : la pensée que notre amour est fragile, qu'il pourrait s'arrêter mais qu'encore une fois, ce matin, il existe, il faut s'en émerveiller !

Je trouve que souvent, on regarde la vie comme des gestionnaires de banque ; on oublie de se réjouir, de s'étonner, d'apprécier, de donner son poids aux choses. Voilà, penser tous les jours qu'on est vivant, pas qu'on est mortel ; c'est exactement la même chose, mais c'est juste formulé d'une façon un peu moins déprimante.

Vous êtes un éternel optimiste. Rien ne vous déçoit donc jamais ?

« Si si, je suis scandalisé par des tas de choses. La bêtise et l'indifférence me plongent parfois dans une sorte de léthargie ou de choc... Mais après le choc passé, je remonte mes manches et je me demande comment on peut améliorer le monde. C'est ça l'optimisme, c'est le courage allié à la volonté.

L'optimiste et le pessimiste regardent le réel et ils font le même constat : ça ne va pas. Le pessimiste, lâchement, abandonne ; il dit « ça ne va pas et demain, ce sera pire ». Tandis que l'optimiste dit « ça n eva pas, qu'est-ce que je peux faire ? » Et il relève ses manches, il y va et il s'engage. Je ne vois pas l'intérêt du pessimisme.

Vous définissez-vous comme un artiste engagé ?

« Totalement, c'est constant dans mes livres. Voyez dans Félix, le nombre de gueules cassées que je présente à la fois avec humour et affection. Il y a plein de vaincus de la vie dans ce roman, mais j'essaie de montrer leur grandeur et leur résilience.

Dans tout ce que je fais, à chaque fois, il s'agit de transmettre des valeurs, de bienveillance, de fraternité - fraternité dans la fragilité de la condition humaine, fragilité dans l'incertitude -, d'intelligence de l'autre, de compréhension de l'autre... Toujours me battre pour le respect à la fois des spiritualités au pluriel, des altérités et de la différence. Absolument tout ce que j'écris est sous ce sceau ; tout ce que je fais.

Et quand je parle de la musique, c'est pour transmettre la sérénité ou l'énergie de la spiritualité qu'on peut trouver à l'écoute de la musique.

La musique est-elle à part dans vos formes d'expression ?

En tant qu'écrivain, pour émouvoir et peut-être toucher un être à l'intérieur, je suis obligé d'avoir recours à des stratégies narratives et littéraires. Un musicien, en trois notes, peut vous plonger, là, tout de suite, dans un univers. Je leur envie ça, mais en même temps, moi, je peux dire précisément les choses, ce que eux ne peuvent pas (rires).

Je leur envie cet accès direct au plus profond de l'âme. Je ne suis pas le musicien que j'ai rêvé d'être, parce que je n'ai pas d'imagination musicale, alors que j'ai une imagination littéraire qui, pour l'instant, est sans fond. Mais il y a dans mon écriture la nostalgie du musicien que je n'ai pas été, c'est certain.

D'ailleurs, tous les musiciens le reconnaissent... Mon ami Michel Legrand, chaque fois, me dit : « Ah, j'entends la musique que tu aurais pu écrire quand je te lis ! » Pour lui, c'est un compliment, alors j'essaie de le prendre comme ça. Et tous mes amis de la musique classique le disent « tu écris de la musique, à ta façon ». Mais j'aurais préféré écrire de la musique pour vrai ! »

« En même temps, c'est bien de penser qu'il y a un art supérieur à celui qu'on essaie d'honorer, parce que ça reste un refuge. Je dois lire beaucoup, surtout depuis que je suis au Goncourt, mais je lis parfois comme un professionnel, c'est-à-dire comme un artisan qui est de la baraque.

Tandis que quand j'écoute de la musique, je me donne totalement, je m'oublie... Spirituellement, ça m'aide à vivre. Ça m'aide à retrouver de l'énergie quand je n'en ai pas, ça m'aide éventuellement à sortir des larmes quand c'est sec parce que je me suis trop protégé, ça m'aide à retrouver vraiment le flux le plus profond de ma âme ; c'est déshinibant, c'est révélateur et surtout ça m'emmène dans un univers de beauté. Mon dieu, où est-ce qu'on voudrait être mieux que là !

C'est ce qui me parle au profond, comme si c'était ma culture originelle. Sans doute parce que ma mère écoutait énormément de musique, même quand elle était enceinte. Je crois que ç'a été le premier langage que j'ai perçu. »

Où sont vos racines, comme l'est l'Afrique pour votre personnage de Fatou ?

« Cela pourrait être dans la musique, parce qu'il n'y avait absolument pas de religion à la maison. Et puis dans le tissu affectif, parce que j'ai eu la chance de naître dans une famille où il y avait énormément d'amour. Je crois que c'est ça mes racines...

Cet amour, c'est ce que chacun cherche, et moi je n'ai pas eu à la chercher, j'ai été porté dès le départ, ce qui m'a donné peut-être cette confiance dans l'existence. Parce qu'un regard d'amour, bienveillant sur vous ça vous porte, ça vous fait penser que la vie est belle, qu'on peut se réaliser ; c'est énorme, c'est le plus beau cadeau qu'on peut donner.

C'est à nous, adultes, de proposer aux enfants le plus de rencontres possibles, avec la nature, les arts, le sport, la culture, la littérature, le théâtre, le cinéma... Et après, si on a ouvert toutes les portes aux jeunes, il y en a une qu'ils vont emprunter tout seuls. Ce n'est que le rapport aux arts, aux sports, etc, qui peut solliciter les mystères créatifs. C'est cela la tâche des adultes, toujours par le biais du plaisir, d'offrir tous ces palais somptueux pour que l'enfant trouve le sien. »

Comment choisissez-vous la forme de vos créations ?

« Le sujet et les personnages commandent. L'histoire me vient et elle me dit « je suis un roman, un conte, une nouvelle, une pièce de théâtre, un film... » Et moi, j'obéis. En fait, je suis quelqu'un d'extrêmement docile. Je suis plus un scribe qu'un démiurge ; je suis vraiment à l'écoute de l'histoire et de mes personnages, et j'essaie d'être l'auteur qui leur convient.

Ça a parfois été avec une grande angoisse. J'ai commencé, dans les années 90, par le théâtre, parce que j'avais des pièces à écrire. Et quand me sont arrivées des idées qui devaient forcément être des romans, j'ai eu très très peur. Au bout de ma plume, il y avait un dramaturge, tout le monde le reconnaît, mais est-ce qu'il y aurait un romancier ? Je suis rentré dans le domaine des romans pour obéir à mes personnages, mais vraiment sur la pointe des pieds.

Pour les contes du cycle de l'invisible, je me suis dit « Est-ce que j'ai aussi cette écriture ? » Et puis la nouvelle, les textes sur la musique, l'écriture de films... A chaque fois, j'essaie de voir s'il y a en moi un artiste, disponible, qui peut répondre à la sollicitation de l'histoire et des personnages. »

Un autre artiste sommeille-t-il encore en vous ?

« Je ne le dis pas, on le découvrira... Je ne fais jamais d'annonce. A mes parents, je leur ai annoncé « Voilà, ma première pièce est publiée, on va la jouer au théâtre des Champs-Elysées ». Comme ça ! 

On bazarde en paroles une énergie qui doit rester compacte à l'intérieur de nous pour nous permettre de faire l'objet. Les livres que j'ai annoncés, je ne les ai jamais écrits. Les livres que j'ai racontés à mes proches, je ne les ai jamais écrits. Un livre, ça s'écrit, ça ne se parle pas. Il faut lui laisser uniquement une porte de sortie pour exister, la petite porte de sortie de l'écriture. Comme si le sujet s'était volatilisé en mots. »

Vous êtes l'un des écrivains les plus étudiés en collège. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

« La lecture de mes livres au départ leur est imposée, puis elle participe du plaisir que les profs leur donne. Ce qui me crée aussi des lecteurs ! Mais au début, j'ai eu peur de devenir une lecture imposée, parce que je préfèrerais être une lecture de contrebande, une lecture choisie. Et puis, non, je me rends compte que si les profs donnent autant mes textes à lire et à travailler, c'est parce que les jeunes y prennent du plaisir et qu'après, une discussion sur le fond peut se produire. J'avais peur que le contenu efface le plaisir et en fait, il y a un bon mariage du plaisir et du contenu. »

« C'est d'ailleurs incroyable la justesse parfois de leur pensée ! Les rencontres que je peux faire lors de rencontres avec des classes sont parfois très stimulantes, parce que ces jeunes sont passionnés par la créativité. Ils sont encore dans le moment où ils se disent que c'est possible de développer leur créativité. On a des conversations absolument passionnantes. L'enfance est vraiment le lieu de tous les possibles. »    

 

Blandine Hutin-Mercier

Le Monde des Religions - « Un roman coloré et vivant »

Un roman coloré et vivant, joyeux et bigarré. Huitième récit du Cycle de l'invisible, ce texte déborde d'énergie vitale. Éric-Emmanuel Schmitt, romancier, dramaturge et réalisateur franco-belge, ajoute un nouvel opus à sa série de récits explorant les diverses spiritualités du monde. Auteur prolifique, il est traduit en 45 langues et ses pièces de théâtre lui ont valu de nombreuses distinctions et une renommée mondiale. Le Cycle de l'invisible, vendu à plus de 10 millions d'exemplaires dans le monde, est formé de récits distincts, parmi lesquels Oscar et la dame rose, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran... 

Ce nouveau roman explore les mystères de l'animisme. À Belleville, Fatou, d'origine sénégalaise, est propriétaire d'un café et mène une vie joyeuse avec ses habitués et son jeune fils Félix. Tout bascule lorsque la jeune femme, en proie à des ennuis très kafkaïens avec l'administration et une sombre affaire de dette, s'enfonce dans une dépression terrible. Soutenu par des personnages attachants et hauts en couleurs - comme madame Simone, prostituée travestie et comptable contrariée-, Félix va mener sa mère vers ses origines, lors d'un voyage initiatique pour tenter de la guérir. Ce retour au Sénégal et l'intervention providentielle d'un féticheur sauveront Fatou. Elle parviendra à guérir d'une douleur et d'une culpabilité que tous ignoraient, et à renouer avec la spiritualité de ses ancêtres dont elle s'était coupée. Vivre sans irrationnel, pour le féticheur, c'est vivre comme amputé de quelque chose... 

Dans ce texte résolument optimiste, la spiritualité permet de transfigurer le monde, de révéler sa beauté et de le rendre vivable. Réunie dans un Paris métamorphosé, fabuleux, la grande famille du café de Fatou trouvera le bonheur

Marjorie Charpentier

Télé Z - « Un livre plein de sagesse! »

A Belleville, Fatou N'Diaye tient un bistro sympa: le Au Boulot. Un nom pratique pour les excuses Je suis au... Mère de Félix, le narrateur, c'est une personne joyeuse, une boute-en-train qui a un don pour insuffler à ses habitués le bonheur de vivre. Elle possède aussi l’art de baptiser les gens et les objets de manière aussi drôle que judicieuse. Un de ses clients, du bar, amateur de dictionnaires, a été ainsi prénommé Robert Larousse!

Hélas, un jour, son voisin l’épicier, Mr Tchombé, tombé malade, lui propose de racheter son magasin pour s’agrandir. C’est le début des ennuis, et au désespoir de son fils, Fatou se met à déprimer et devient totalement aphasique, une véritable morte vivante! Félix fait appel à son oncle Bamba, un roi de la sape qu’il admire, sans succès. Puis à son père Félicien Saint Esprit. Ils décident de retourner au paysavkrec Fatou. Le recours au Féticheur permetra-t-il la guérison?

Dans cette fable pleine d’humour, l’auteur nous emmène au bord du fleuve Sénégal où les esprits sont partout. Les forces invisibles s’affrontent: le génie du fleuve, le génie de la brume. Même à Paris mangée par le néant, la méditation permette ressentir l’élan vital qui émane de la Nature.

Cette évocation bienveillante et joyeuse de l’animisme, 8ème volet du Cycle de l’Invisible, constitue un remède agréable à la grisaille hivernale. Un livre facile à lire et néanmoins plein de sagesse!

Sud Ouest Dimanche - « La félicité peut aussi se trouver sous un baobab »

Il poursuit son exploration joyeuse des spiritualités en décryptant, à la faveur d’un roman, l’animisme.

 

 

Le Cycle de l’invisible, ce sont désormais huit courts romans-contes, indépendants, qui décortiquent les religions et spiritualités du monde. De petits bijoux, des histoires à strates que l’on peut lire et relire en y trouvant toujours autre chose. Après le judaïsme (« L’Enfant de Noé »), le soufisme(«Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran»)et les autres, voici l’histoire de Félix, 12 ans et quelques semaines (NDLR : l’auteur viendra présenter son livre le 6 février à la librairie Mollat de Bordeaux).Sa mère, Fatou, tient un café sur les hauteurs de Belleville. Une vie de quartier pittoresque, rendue par des personnages attachants: mademoiselle Tran, madame Simone,Robert Larousse dont on a oublié le vrai nom... Fatou, désespérée d’avoir fait le désespoir de son voisin l’épicier ,en refusant de racheter Le Paradis de la figue, tombe d’obsessions en dépression. La voilà qui frotte le zinc et le carrelage à la javel – 25 litres par semaine – comme pour retrouver du monde la blancheur éternelle. 

En cherchant à aider sa mère, Félix va peu à peu, et le lecteur avec lui, entrer dans les subtilités de ses origines. Qu’importe qu’oncle Bamba ne soit généalogiquement pas son oncle, tout fripon qu’il est, il se démène pour Fatou. Qu’importe que Saint-Esprit, volage, l’ait quittée sitôt Félix conçu, c’est lui qui revient pour emmener la jeune femme au Sénégal. Là-bas, pas de marabout «dairvoyant et clairaudiant, », mais Papa Loum, le guérisseur, qui va raccrocher Fatou à ses racines, lui réapprendre « à voir l’invisible qui double le visible » et à comprendre que sa liberté est en elle, qu’elle peut l’inventer et la bâtir à sa guise. Par ce qu’elle va la cimenter avec son imagination, bien plus généreuse que la raison, qui a tout de même ses limites. Et avec un peu de poésie, de fantaisie, qui ont davantage de vertus, pour le mieux-être, que la pondération. Si Fatou veut qu’il y ait des baobabs à Paris, elle n’a qu’à y croire ! 

ISABELLE DE MONTVERT-CHAUSSY

Nice Matin - « Un regard humaniste sur les spiritualités »

Dans le petit café de Belleville que tient sa mère, Félix, douze ans, grandit au milieu d'une compagnie joyeuse et colorée. Un jour, la catastrophe survient : à la suite de tracas immobiliers et de harcèlements financiers, Fatou, sa mère, sombre dans une dépression sans remède. L'oncle Bamba, revenu de son lointain Sénégal, constate que l'âme et l'esprit de Fatou se sont envolés. Comment ressusciter cette morte vivante ? Avec son père, Félicien Saint-Esprit, Félix entreprend un voyage en Afrique pour tenter de sauver sa mère en la conduisant aux sources invisibles du monde. Dans ce huitième volet du Cycle de l'invisible, Eric-Emmanuel Schmitt porte un regard humaniste sur les spiritualités, les considérant comme des trésors de sagesse et de poésie qui aident à vivre. 

L.L.

Ouest France - « Un savoir-faire addictif »

E.E. Schmitt aime le champagne 

Felix, gamin parisien, est rivé à sa mère. Fatou tient un bistrot où se retrouvent Madame Simone, le travesti, M. Larousse, le mordu du dico et autres belles personnalités. Quand Fatou se mure dans le silence, Bamba arrive du Sénégal pour conjurer cette malédiction. Eric-Emmanuel Schmitt a la plume qui pétille. Ce texte clôt une série sur la spiritualité. Les fans resteront sur leur faim. Les curieux découvriront un savoir-faire addictif. 

Karin Cherloneix

La Voix du Nord - « Éric-Emmanuel Schmitt nous attrape par son humour, fin et complice »

Avec « Félix et la source invisible », l’écrivain signe le huitième volet de son « Cycle de l’invisible ». Plus qu’une affaire de religion et de croyance, il est (une nouvelle fois) question d’espoir et d’humanité.

 

L’homme a du talent, l’incroyable facilité de nous plonger immédiatement dans l’atmosphère qu’il a choisie, dans le quotidien et les petites manies de ses personnages. Éric-Emmanuel Schmitt nous attrape par son humour, fin et complice. Intelligent, assurément, il assume « un optimisme chevillé à l’âme », sa volonté de voir « la lumière même quand il fait sombre ». Son dernier livre, Félix et la source invisible, en est l’illustration.

Pour ce huitième opus du « Cycle de l’invisible », qui compte Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (sorti en 2001), nous voici invités à franchir la porte d’un café parisien et les pensées d’un adolescent de 12 ans confronté à la subite dépression de sa mère. Un « zombie » a pris sa place. Elle est comme « morte » de l’intérieur. Les mots l’ont quittée. L’amour, l’humour, la tendresse, aussi. Félix se retrouve comme abandonné avec pour seuls espoirs un « oncle » aussi séduisant qu’insaisissable, et puis un « père » dont il ignore tout et qu’il n’est pas certain de vouloir aimer.

 

Autour de ce désespoir, de cette absence de vie, gravitent les clients du café, habilement croqués. Il y a Paris pour toile de fond ; l’Afrique, moitié-fantasme, moitié-cauchemar, pour destination finale. Il y a aussi comme un écho à La Vie devant soi, une proximité assumée par Éric-Emmanuel Schmitt : « Romain Gary appartient à mon Panthéon personnel. Il m’a aidé à oser la tendresse humaine. »

L’amour et la vérité finiront par gagner. Éric-Emmanuel Schmitt ne pouvait pas faire autrement, à cause de son foutu optimisme. Cela fera de nous des lecteurs heureux. Tant mieux. « Je ne vois absolument aucun intérêt à déprimer mes contemporains », se réjouit l’auteur.

 

Diane Lenglet

Cathobel - « Éric-Emmanuel Schmitt nous aura – une fois de plus – surpris »

C’est l’histoire d’une résurrection, celle de Fatou, vécue au travers des yeux de Félix, son fils de 12 ans. C’est un voyage vers ses racines sénégalaises, vers les tréfonds de son âme.

C’est une pièce de théâtre d’abord, un reportage ensuite, un conte enfin. C’est une famille qui en naîtra – peut-être.
Éric-Emmanuel Schmitt nous aura – une fois de plus – surpris: refermé, son livre trottine dans la tête. Il nous emmène vers l’invisible qui prend ici les couleurs chatoyantes des sagesses ancestrales africaines. Plus encore, il pose quelques questions importantes.
Peut-on priver un enfant de son père? Créer une relation binaire mère-fils empreinte d’autant d’affection que Fatou et Félix en ont l’un pour l’autre est-elle suffisante pour le faire grandir, pour l’élever? Peut-on priver un père de son fils?
De son enfance et adolescence protégée par le baobab, Fatou ne parle pas … toute la violence de la tragédie va surgir sous les auspices d’un sage, le Féticheur. Il est essentiel de connaître et d’assumer ses racines pour avancer pleinement dans la vie, de pratiquer les rites pour conclure les étapes, avec ou sans fétiche car ce n’est qu’un moyen. Au bord de la rivière, la famille va se révéler : écrin dont nous sommes issus, cercle créé par nos relations empreintes d’affection, couple dont l’amour donnera vie.
Recevoir un nom, nommer les choses, les plantes, les animaux, les humains, peut être un cadeau pour eux-mêmes et pour soi. Le bistrot de Fatou est judicieusement baptisé « Au boulot » (où es-tu chéri ? je suis « au boulot »). Avec Fatou et Félix, les arbres de Paris deviennent des suppliants, le goudron devient un sable où ils déposent leurs empreintes. Ce n’est pas par hasard que Félix (la joie) est le fils de Félicien (encore la joie) Saint-Esprit qui lit la Bible et de Fatou (diminutif de Fatima).

Geneviève IWEINS

RCF - « "Je milite pour un respect des spiritualités" »

Il y a un peu plus de 20 ans, Éric-Emmanuel Schmitt inaugurait sans le savoir un "cycle de l'invisible" : c'était avec avec "Milarepa" (éd. Albin Michel, 1997), un roman sur le bouddhisme tibétain. Puis il y a eu "Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran" (2001) sur l'islam, "Oscar et la Dame rose (2002)" sur le christianisme. Auxquels se sont ajoutés d'autres romans encore, sur le judaïsme, le zen, le confucianisme... et même la musique, qu'il élève au rang de spiritualité. Cette fois, l'écrivain consacre un ouvrage à l'animisme africain, "Félix et la source invisible".
 

L'ANIMISME ET L'IMAGINATION

"J'ai eu un mal à fou à comprendre l'animisme, parce que j'ai essayé de le comprendre avec ma raison et j'ai échoué...Et puis tout d'un coup j'ai saisi qu'on percevait l'animisme non pas par la raison mais par l'imagination", confie l'écrivain, qui fait dire à l'un de ses personnages : "L'Afrique c'est l'imagination sur terre, l'Europe c'est la raison sur terre. Tu ne connaîtras le bonheur qu'en apportant les qualités de l'un dans l'autre."

L'imagination, dont on a peur Occident, Éric-Emmanuel Schmitt est allé en Afrique pour la célébrer : "L'Afrique a doublé notre expérience du monde d'un monde invisible et donné une fonction symbolique au monde. L'homme a besoin de ça : il ne peut pas se contenter de vivre ce qu'il vit." Imagination et spiritualité, quel rapport ? "Je crois que l'Afrique connaît les pouvoirs de l'imagination, plus que l'Occident qui la prend pour la folle du logis."

ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, ÉCRIVAIN MYSTIQUE ?

D'où lui vient son attrait pour les spiritualités ? En 2015, dans "La nuit de feu", Éric-Emmanuel Schmitt racontait son "expérience mystique" dans le désert, qui a fait du jeune philosophe agnostique qu'il était un croyant. Par "expérience mystique", l'écrivain décrit : "la rencontre de l'absolu, être inondé de confiance et de lumière, percevoir qu'on doit faire crédit à la condition humaine et que tout a un sens... à la fois un sentiment d'infini et un sentiment de sa propre solitude..." Pour Éric-Emmanuel Schmitt il y a, à l'origine de toutes les religions, un "cœur chaud" que parfois les religions, à force de dogmes et de rites "refroidissent".

Les religions ne sont pas semblables mais toutes parlent de la même chose. Et "toutes sont humanisantes". Selon le philosophe les religions ont la volonté de faire s'élever l'homme "au-dessus de son égoisme, de son intérêt", de développer chez lui "altruisme et bienveillance". "Aujourd'hui, si la société veut se penser de manière horizontale et sans transcendance c'est parce qu'i y a eu cette fonction humanisante de toutes les religions, qui ont finalement créé des valeurs et créé des liens, et créé cette idée d'humanité à part. Donc moi je milite pour un respect des spiritualités."

 


 

Thierry Lyonnet

L'Avenir (Belgique) - « L’invisible d’Éric-Emmanuel Schmitt »

«Félix et la source invisible» n’était pas vraiment prévu. Ce court roman est «tombé» sur Éric-Emmanuel Schmitt cet été.

On l’imagine bien le petit Félix. Du haut de ses 12 ans, bien bâti, des cheveux noirs et bouclés et surtout un sourire solaire, celui d’un enfant heureux. Heureux avec sa mère, la jolie Fatou qui tient du côté de Belleville, à Paris, un bistrot particulièrement bien baptisé «Au boulot»!

Même s’il annonçait voici quelques mois vouloir (un peu) lever le pied, revoici déjà Éric-Emmanuel Schmitt avec un petit héros d’origine africaine, héritier d’Oscar ou de Monsieur Ibrahim, deux des grands succès de son cycle de l’invisible. «Ce roman m’est tombé dessus cet été, nous confie l’écrivain, je cherchais depuis des années à aborder le thème de l’animisme. J’essayais de le comprendre avec la raison. Or, on ne peut y avoir accès qu’avec l’imagination. Et c’est en relisant la poésie africaine, particulièrement Léopold Sédar Senghor, qu’il y a eu comme un déblocage. Et que j’ai pu enfin écrire ce roman.»

L’animisme n’est pas, en soi, une religion comme le catholicisme ou encore l’islam abordés dans de précédents romans du cycle. C’est à la fois une façon de penser et une spiritualité, une manière de voir le monde. «Enfants, nous sommes tous animistes. Quand nous tapons sur une porte parce que nous nous sommes cognés dessus, nous lui donnons une certaine personnalité. Mais c’est surtout une façon de voir plus loin que ce que le monde nous montre. C’est donner une âme à l’arbre, au vent, au fleuve. C’est considérer que les morts ne sont pas partis puisque leurs âmes restent là.»

Indépendante – elle a quitté le père de Félix avant sa naissance – Fatou a fui son pays et a choisi d’oublier son âme africaine. Mais une étrange maladie va bientôt en faire une «morte vivante» que Félix va devoir sauver avec l’aide d’un oncle tombé du ciel et d’un père presque trop beau pour être vrai! «Je voulais raconter l’histoire d’une déracinée qui a choisi de se couper de son passé. Même si on comprend très bien pourquoi, on constate qu’elle s’est perdue en renonçant aux mots et au monde de son enfance. Mais c’est aussi l’histoire d’un amour fusionnel entre une maman et son fils. Jusqu’au moment où Félix se rend compte qu’il a aussi des responsabilités à assumer vis-à-vis de sa mère. Et surtout, qu’il comprend qu’il ne peut pas être tous les hommes pour elle mais uniquement un fils…»

Autour de ces deux héros, de Belleville au Sénégal, on retrouve aussi un petit monde coloré et vivant, du philosophe pilier de bar à Papa Loum, le féticheur. «Il apprend une chose fondamentale à Félix: l’Afrique c’est l’imagination et l’Europe c’est la raison. Je pense vraiment que notre monde occidental manque d’espace, de poésie et d’imaginaire.»

Marie-Françoise GIHOUSSE

La Libre Belgique - « E-ES chante les vertus de l’animisme »

Dans sept romans déjà, plus ou moins réussis mais tous plébiscités par le public, Eric-Emmanuel Schmitt poursuit ce qu’il appelle un Cycle de l’invisible analysant les religions depuis le bouddhisme dans Milarepa et le christianisme dans Oscar et la Dame rose . Il achève ce cycle avec l’animisme et Félix et la source invisible .

L’histoire débute dans un Paris qu’E-ES décrit comme “mangé par le néant. Les arbres ont pris la couleur du bitume, le bitume a pris la couleur des pierres, les pierres ont pris la couleur de l’ennui.”

Dans ce Paris-là, malgré les difficultés inouïes de leur existence, quelques marginaux apportent les couleurs de la vie, et d’abord Fatou, une dynamique Sénégalaise qui tient un bistrot à Belleville qui accueille les déracinés dans son genre comme madame Simone, travesti et prostituée, ou Robert Larousse, un simplet qui veut apprendre le dictionnaire par cœur. Un monde cocasse où se retrouve Félix, 12 ans, le fils que Fatou a eu du Saint-Esprit, c’est-à-dire du beau Félicien de Saint-Esprit, un Antillais, chassé par Fatou après la naissance de Félix.

Le ton est celui d’un conte où le bistrot s’appelle Boulot pour que les clients puissent dire à leurs femmes qu’ils sont encore au boulot quand ils viennent y boire.

Mais le drame éclate quand Fatou tombe en dépression profonde, incapable de parler encore. L’oncle Baba est appelé à la rescousse et conseille divers féticheurs, des escrocs.

Le remède réside dans un retour au Sénégal des ancêtres, celui de l’histoire personnelle de Fatou. L’animisme rejoint alors toutes les religions quand EES dit d’elle : “Regarde au-delà du visible. Regarde l’invisible. Cherche l’esprit qui fait tout apparaître derrière l’apparition. Et nourris-toi de la force du monde qui le sous-tend. La source invisible demeure partout, toujours, où que tu te trouves, et tu peux la capter. Celui qui regarde bien finit par voir” . Et tout est bien qui finit bien.

 

Guy Duplat

La dernière Heure (Belgique) - « Je ne travaille pas, je vis »

Il se sera écoulé moins d’un an entre les sorties de Madame Pylinska et le secret de Chopin et Félix et la source invisible , les 7e et 8e volets du Cycle de l’invisible, entrepris par Eric-Emmanuel Schmitt avec Milarepa , en 1996. “ Les livres sortent quand ils sont prêts au fond de moi. J’ai une maturation extrêmement lente, parce que je porte les histoires en moi pendant des années jusqu’à ce que je trouve la chose qui me permet de l’écrire ”, dit-il. “ Je ne me mets pas à ma table pour travailler : je vis, et ça se fait en moi... ”

Dans Félix et la source invisible , l’auteur se glisse dans la peau d’un gamin de 12 ans qui, de Belleville au Sénégal, va tout faire pour sortir Fatou, sa mère, son soleil, de la dépression profonde dans laquelle elle a sombré, toujours présente physiquement mais comme absente à la vie...

Vous aussi, Eric-Emmanuel, vous avez perdu votre maman, il n’y a pas si longtemps...

“Je ne m’en suis même pas rendu compte. Le livre m’est tombé dessus, je l’ai écrit, tout l’été, et quand je l’ai fait lire à mes proches, ils m’ont dit: ‘Tu te rends compte de ce que tu as fait ? Tu as écrit l’histoire d’un petit garçon qui veut ressusciter sa mère...’ Ouf... Je n’en étais pas conscient. Elle est partout. Partout. Mais voilà : on écrit avec ce que l’on est.”

Qu’est-ce qui vous manquait pour aborder le thème de l’animisme qui est au cœur du livre ?

“J’avais un abord trop intellectuel. J’essayais de le comprendre, philosophiquement – c’est ma formation. Chaque fois que je m’approchais de l’objet, il se diluait. J’ai compris, tout à fait récemment, que l’animisme, il ne fallait pas le comprendre, il fallait le ressentir. Et qu’on le saisit avec son imagination, parce que c’est la poésie du monde. À partir de là, ça y était, je pouvais enfin raconter l’histoire.”

Vu d’ici, de nos esprits rationnels, l’animisme peut être incompréhensible. Et puis, il ne faut pas tomber dans une certaine condescendance...

“Ça, c’est le grand problème de l’animisme, qui nous vient d’Auguste Comte. Au début du XIXe siècle, avec sa théorie du positivisme, il dit que l’animisme est l’enfance de l’humanité, qu’on a tous été animistes puisque, enfant, quand on cogne la chaise, on dit que la chaise est méchante... Moi, je connais des gens qui donnent un nom à leur voiture ! On fait tous des trucs comme ça : on prête des âmes aux objets. Or, ce n’est pas que ça. Il y a aussi un animisme spirituel, une grande culture qui consiste à doubler le monde visible d’un monde invisible. C’est l’idée que l’on appartient à la nature. Et pas, comme dans l’Occident, se considérer comme le maître en possession de l’univers. Dans l’animisme, on pense que le vent n’est pas que le vent, qu’un arbre a une âme, que les morts n’ont pas disparu et qu’il faut soigner leurs esprits, rendre présents les absents. C’est une façon de concevoir le monde qui met l’homme dans une place où c’est vivable.”

Félix et son oncle vont également consulter un marabout...

(rires) “Ils peuvent tout faire, les marabouts ! Spécialistes de tout ! Je voulais que ces charlatans soient dans mon livre... pour m’en débarrasser. Félix va chez le médecin : ça ne marche pas. Puis chez les marabouts-ficelles et puis, enfin, il y a, en Afrique, le guérisseur. Lui, j’ai fait en sorte qu’on puisse le comprendre parce qu’il parle le langage de la psychanalyse. En face d’un problème, il ne dit pas que ce qui apparaît est la maladie, mais que c’est le symptôme de quelque chose, derrière.”

 

Dans le Belleville de Pennac ou Gary – deux auteurs qu’il aime – Eric-Emmanuel Schmitt a croisé des êtres incroyables. “ Là, toutes les gueules cassées, les fracassés de la vie, trouvent leur place. Ils sont chez eux, dignes ”, dit-il. De Paris, direction l’Afrique, ensuite. En une page, on change radicalement de monde, d’odeurs, de lumière. “ L’Afrique, je l’ai connue à 17ans. C’était le Sénégal. J’avais passé le concours général que j’avais réussi. J’avais été reçu par le président de la République, Giscard d’Estaing, à l’Élysée. Je me rends compte que, même à cet âge-là, je n’avais pas une vie normale ! Et puis, la fondation de France avait décidé de prendre sept lauréats et de leur faire un cadeau en nous permettant de rencontrer la personne de nos rêves. Moi, c’était Leopold Sedar Senghor, j’adorais la poésie de cet homme ”, poursuit l’écrivain.

Direction le Sénégal, donc, pour dix jours durant lesquels il visite la Casamance, Saint-Louis, etc. “ Et puis, j’ai donc rencontré le Président Sedar Senghor qui m’a consacré une heure et demie de son temps. Il était content qu’un garçon de France veuille le rencontrer. Ça a été un moment magique de ma vie .”

En l’écoutant dérouler quelques souvenirs, on se dit que, décidément, il faudrait qu’il écrive un jour le roman de sa vie... “ Pour l’instant, je n’ai pas de désir de ça ”, se défend-il. “ Peut-être que je le ferai un jour, parce que, c’est vrai, j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de gens incroyables et de vivre des choses, mais j’ai une forme à la fois de pudeur et de coquetterie. Pudeur parce que j’ai du mal à parler de moi et coquetterie parce que j’ai de l’imagination. J’aurais peur d’être tenté de montrer qu’on peut faire toute une vie d’écrivain sans parler de soi. Mais je me sens encore un peu trop débutant (rires).”

 

Isabelle Monnart

Midi Libre - « Un joli conte, plein de sagesse et d’amour. »

À 58 ans, l’écrivain à succès publie un joli conte, plein de sagesse et d’amour. 

Avec Félix et la source invisible qui s’inscrit dans votre Cycle de l’invisible, vous poursuivez votre quête sur les spiritualités et les religions du monde. Pourquoi ? 

On parle toujours de la religion au singulier et jamais des religions au pluriel. C’est très partial. Je pense pourtant que tou- tes les religions sont humanisantes et dessinent un modèle d‘homme qui dépasse ses faiblesses naturelles. Je ne sais pas si les religions sont divinisantes. Elles ne me parlent pas toutes du divin mais elles parlent toutes de l’Homme car elles essaient de fabriquer de l’Homme. 

 

Avez-vous toujours eu cette curiosité intellectuelle ?

C’est juste un humanisme militant. Je m’interroge : Qu’est-ce que les religions apportent aux hommes pour leur permettre de traverser les événements dramatiques, tragiques d’une existence. Quels sont ces trésors de sens que nous offrent finalement les spiritualités ? 

C’est donc un voyage d’humaniste à travers des trésors spirituels. Aussi quand je dis humaniste militant, c’est simplement dire comment faire pour vivre ensemble alors qu’on est confronté à la diversité spirituelle ? Je ne pense pas que c’est en devenant tous athées ou chrétiens, ou encore musulmans qu’on y arrivera, mais seule- ment en apprenant l’autre. Oui, en apprenant les différentes spiritualités car souvent la peur de l’autre vient de l’ignorance de l’autre. Donc, à travers les récits, on apprend. On a tous un rôle à jouer pour lutter contre l’ignorance. 

On ne prendrait donc pas assez en compte les spiritualités...


On réduit le réel à ce qu’il est. Et si on ne le regarde pas avec les yeux de l’imagination, avec les yeux du cœur, si on ne cherche pas l’invisible dans le visible, le monde est plat. Ce n’est pas un hasard si j’ai eu tant de mal à comprendre l’animisme dont la voie d’entrée est l’imagination et non la raison. 

Oui, le normalien, l’agrégé, le docteur en philosophie que je suis, et qui a été formé à com- prendre les pensées qui ne sont pas les siennes, n’y arrivait pas. 

Ce sont les poètes qui m’ont sauvé. Grâce à la poésie et autres contes africains, je sais pourquoi l’animisme ne se com- prend pas mais se ressent. J’ai pu devenir intime de l’expérience animiste du monde. Et du coup, j’ai pu écrire l’histoire, car le livre appartient à tout ce cycle de l’invisible. 

Vous nous conseillez donc de retrouver une certaine spiritualité ?

Au moins d’avoir le plus grand respect pour la spiritualité car les religions ne réduisent pas l’homme à ce qu’il est. Elles désignent un chemin d’humanité. Aussi vouloir débarrasser le monde du religieux et de Dieu, c’est sot. Oui tout simplement sot car on est dans le domaine de l’indécidable. Personne ne sait si Dieu existe ou pas. Laissons la liberté d’habiter le mystère puisqu’on est tous dans le même mystère. Laissons à l’ignorance la liberté d’habiller le mystère. Je prêche pour un respect et cet intérêt indicible. 

 

ZOÉ CADIOT

La dépêche du Midi - « Voici un beau chant d’amour. »

Paris, un quartier populaire. La maman du petit Félix tient un café ? Clientèle bigarrée, chacun se connaît, tout va pour le mieux quand... Un accroc dans le destin et tout s’arrête. Félix voit sa mère dépérir et tous vont tenter de la ramener du côté des vivants. Eric-Emmanuel Schmitt poursuit l’exploration de l’âme humaine et de ses ressorts, aussi nombreux qu’étranges et difficiles à définir. Avec le soutien de ses amis, le retour aux racines, la quête de l’âme et la croyance qu’on a encore un rôle ici, voici un beau chant d’amour. 

 

Sébastien Dubos

Métro (Belgique) - « Un voyage spirituel rempli d’amour, d’imagination et de poésie. »

Dans son nouveau roman, Eric-Emmanuel Schmitt explore une fois de plus une forme de spiritualité. Ici, c’est dans l’animisme qu’il nous plonge. Avec «Félix et la source invisible», l’auteur nous fait découvrir un monde rempli d’âmes et d’esprits.

Votre nouveau roman fait partie d’une série de récits que vous regroupez sous le nom de «Cycle de l’invisible». La toute première histoire parlait de bouddhisme tibétain. Puis, vous avez parlé de l’islam… Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, vous aviez envie de parler d’animisme?

«L’animisme, ça a été long car je m’y étais mal pris. Comme je suis de formation philosophique, j’ai essayé de comprendre l’animisme par la raison. Or la voie d’accès est l’imagination. C’est une poésie. Tout d’un coup, j’ai eu besoin d’écrire sur l’animisme. Je n’en peux plus d’habiter dans un monde en deux dimensions, dans un monde des villes où il n’y a plus de terre, plus de saison, plus d’étoiles. On est complètement coupé de la nature. Cela en devient anxiogène. J’ai besoin d’aller à la campagne, de marcher dans la forêt, de voir les saisons passer, d’attendre la pluie quand il fait trop sec ou la chaleur quand il fait trop froid. Je n’ai pas envie de vivre dans un monde hominisé, et non humanisé. Tout ce qu’il y a autour de nous a été créé par l’Homme, il n’y a rien de naturel. C’est épuisant.»

Votre précédent ouvrage «Madame Pylinska et le secret de Chopin» fait également partie de ce cycle sur la spiritualité alors qu’il traite de musique.

«La musique nous touche au plus profond, elle nous influence spirituellement, nous apaise, nous élève, nous redonne de l’énergie, de la joie… Elle peut même donner un sens à notre tristesse car quand on écoute une musique triste, on découvre que la tristesse peut être belle. On peut aimer la tristesse, ce qui est une sacrée leçon spirituelle. Au lieu de vouloir nous en débarrasser, la musique nous aide à apprendre à savourer la tristesse et à l’accepter. La musique a une grande influence spirituelle.»

Le tout premier livre de ce cycle date de 1997. Depuis toujours, la spiritualité est un thème qui vous intéresse.

«J’ai osé faire un coming out spirituel il y a trois ans avec ‘La nuit de feu’, en racontant comment, athée en entrant dans le désert du Sahara, j’en suis ressorti croyant. J’y ai vécu une nuit mystique grâce à laquelle j’ai pu entrer dans toutes les religions du monde. Dans toutes les religions, il y a des poètes mystiques. Ma grande surprise était de découvrir des frères et des sœurs intimes dans des époques différentes, dans des religions différentes et sur des lieux du monde complètement différents. Tout d’un coup, une fraternité inattendue m’a touché. Je me suis dit que je voulais, dans mon écriture, faire ressentir aux lecteurs ces différents continents spirituels.»

La notion de ‘sage’ vous parle beaucoup.

«Même si on est dans une spiritualité, la sagesse du personnage est reconnaissable dans d’autres cultures. Il a un côté universel. Dans ce roman, Papa Loum, le Féticheur, parle le langage de la psychanalyse. Pour lui, la maladie que tu affiches n’est qu’un symptôme. Il y a autre chose derrière: un jeu des démons et des esprits. Pour le psychanalyste, ce qu’il y a derrière est une névrose, un jeu de l’inconscient et du surmoi. C’est l’idée que derrière le visible, il y a de l’invisible.»

Il explique que chaque objet, chaque être a un esprit.

«Ça, c’est l’animisme. Anima veut dire âme. L’animisme aide à saisir les âmes qu’il y a dans le monde. Il existe un esprit du vent, les animaux ont des âmes… L’animisme, c’est aussi refuser que les morts soient morts puisqu’il y a les esprits qui sont toujours là.»

Pour le Féticheur, les rites sont importants.

«Mes personnages, en rentrant à Paris, s’inventent des rites. C’est une façon de réhabiter et de réenchanter le monde. La dépression de Fatou est l’histoire d’un désenchantement. Le monde est devenu plat. Il se réduit à des chiffres, à de la matière. Et puis, elle s’est coupée de ses racines alors qu’on ne peut pas se couper de ses racines.»

Elle coupe aussi son fils, Félix, de ses origines.

«C’est pour ça qu’à la fin, ils font tous les soirs un tour en Afrique. Elle lui redonne des racines. C’est important. On a plusieurs couches d’identité et il ne faut pas faire abstraction de celles-ci. On peut ajouter des couches identitaires mais il ne faut les nier. Si on se coupe du passé, il finit par se venger. Que ça soit sous la forme de la névrose ou de la dépression. Il faut épouser son passé.»

Aujourd’hui, on parle beaucoup de méditation, d’être bienveillant avec soi-même, de se faire du bien.

«La vie spirituelle, c’est ça: c’est penser qu’on a de l’importance. C’est être humble, savoir qu’on est qu’une partie du tout, et à la fois savoir que cette partie-là a un destin. Toutes les religions et les spirituelles disent ça. Pourtant, on a tendance à l’oublier.»

Fatou a rejeté ses racines et pourtant elle crée une sorte de tribu, un microcosme dans son café.

«Oui, elle a recréé un clan ouvert dans lequel il y a des affections, de la tendresse, des habitudes, des rites.»

Un clan qui regroupe des personnages complètement loufoques.

«Ils sont complètement dysfonctionnels. J’aime bien ne pas réduire un être à sa dysfonction, à un problème. Il y a toujours plus. Avec Madame Simone, par exemple, il y a un problème. Mais je montre que même si elle est rugueuse, elle est généreuse et extrêmement aimante. J’aime bien aussi les failles. L’oncle Bamba, le roi de la sape, va avoir une relation mystérieuse dont personne ne saura rien avec Madame Simone. Je donne de l’épaisseur aux personnages avec quelque chose qui échappe, y compris à moi.»

Dans votre roman, le marabout d’Afrique réalise des rites qui fonctionnent. Vous montrez par contre que les marabouts de chez nous sont des charlatans.

«Des marabouts ficelles comme disent les Africains. C’était très important pour moi de redonner de la noblesse du vrai animisme en montrant d’abord la caricature et les escrocs. Comme ça, ça nous en débarrasse pour la suite. Cela me permet aussi d’écrire des scènes drôles, des choses vécues. J’ai consulté pour voir.»

Pour le livre ou avant son écriture?

«Avant. Je suis curieux. Les sommes sont astronomiques. Et puis, comme le marabout est silencieux et désagréable, on se dit qu’il doit être vraiment compétent (rires). Dans mon livre, j’en ai fait un concentré: le spécialiste de tout!»

Quand vos personnages vont en Afrique, le rituel du marabout fonctionne sur Fatou. Qu’est-ce qui fait la différence?

«On croit qu’un geste ou un objet soigne alors qu’en fait, comme le dit Papa Loum, ce n’est pas l’ébène qui fait dormir Félix mais le rite et la croyance qu’il y accorde. C’est quelque chose de beaucoup plus intérieur. Ce qui guérit, ce n’est pas l’objet mais la spiritualité. On soigne l’esprit par l’esprit. Le marabout ficelle, c’est le matériel. Le guérisseur, c’est le spirituel.»

Le totem de Fatou est le lion. Pour guérir, elle doit renouer avec lui.

«Elle l’a renié au point de devenir herbivore. Pour un lion, c’est impossible! (rires)»

Si vous deviez vous définir en totem, ça serait lequel?

«Petit, je pensais que c’était l’écureuil. Pas pour l

l’épargne! Je grimpais toujours dans les arbres. J’étais fou des écureuils. Aujourd’hui, j’ai l’amour des animaux! Je ne peux pas vivre sans avoir un animal. J’ai des chiens. Ce sont mes professeurs de joie!»

En quelques lignes


Fatou vit avec son fils, Félix. Elle est généreuse, accueillante, souriante. Tous les habitués de son bistrot l’aiment! Mais un jour, elle perd la tête. Elle apprend qu’elle a été dupée et se met à tout compter. Au point d’y perdre son âme. Pour la retrouver, la lionne qu’elle est va devoir entreprendre un voyage jusque dans sa terre natale. Un voyage qui sera rendu possible grâce au retour du géniteur de Félix, du nom du Saint-Esprit. Dans son nouveau roman, Eric-Emmanuel Schmitt nous décrit une fois de plus des personnages entiers auxquels on s’attache. On (re)découvre une autre forme de spiritualité: l’animisme. «Félix et la source invisible» nous fait voyager dans un autre monde, celui de l’invisible. Un voyage spirituel rempli d’amour, d’imagination et de poésie.(mh) 4/5

Maïté Hamouchi

L'Echo - « Je suis un résilient »

Fulgurant parcours que celui d'Eric-Emmanuel Schmitt, qui sort un roman baigné de candeur enfantine.

"Rattrapé par le succès", comme il le dit lui-même, l'homme a vendu à ce jour plus de vingt millions de livres. Rencontre avec un optimiste dont la force de travail n'a d'égal que l'appétit de vivre...

Votre nouveau roman s'inscrit dans le Cycle de l'invisible: une façon de fidéliser vos lecteurs, de les garder en terrain connu?

Ce sont avant tout des contes, ce qui est à rebours de notre époque et me donne la liberté insolente de faire des livres courts. Comme ça marche, je peux faire exactement ce que je veux. Quand "Ibrahim et les fleurs du Coran" a été traduit aux Etats- Unis, l'éditeur était effaré par sa brièveté: il fallait que les lecteurs en aient pour leur argent! Souvent, le succès aliène et enchaîne: je suis la preuve du contraire! Le succès m'a donné une liberté totale de création. Je publie autant de livres que je veux dans l'année, dans tous les domaines - romans, contes, nouvelles, essais, théâtre. Mes "petits livres" ont eu un succès mondial - y compris mes recueils de nouvelles, dont certains se sont vendus à 400.000 exemplaires. Anna Gavalda est la seule autre auteure vivante à avoir atteint ce chiffre. En fait, l'éditeur ne vend pas des nouvelles, il vend du Schmitt! Une vigne de Bordeaux, ça fait du Bordeaux. Moi, je fais du Schmitt quoi qu'il arrive! Ma vision du monde s'exprime à travers des fictions différentes. Les lecteurs aiment aussi beaucoup les surprises. Ils ne sont ni enfermés, ni paresseux: il faut toujours parier sur l'intelligence des gens.

Dans ce huitième tome, vous vous êtes penché sur l'animisme...

J'ai toujours fait des livres sur des sujets qui me passionnaient en tant qu'homme. Pour ce livre j'ai multiplié les lectures insatisfaisantes. J'ai bataillé pour comprendre intellectuellement l'animisme au lieu de le ressentir. Rien à faire, je n'y avais pas accès. À un certain moment, la relecture de poètes africains m'a fait comprendre comment l'aborder, par l'imagination, et j'ai enfin pu écrire. Se documenter ne peut pas se faire dans la précipitation: il faut s'y prendre des années en amont car il faut digérer la somme d'informations jusqu'à ce que ça devienne une culture.

Il y a quelque temps, The Artist Academy vous a demandé de réaliser une masterclass d'écriture sur internet. Pourquoi avoir accepté?

Depuis que je suis membre de l'Académie Goncourt, je lis énormément mes contemporains, alors qu'avant, je lisais surtout des classiques. Ce projet est arrivé à un bon moment: j'étais mûr pour transmettre mon savoir. Jeune, j'étais en recherche, tandis qu'à présent, je sais quel écrivain je suis. Je peux être beaucoup plus ouvert aux autres écritures. Cette semaine, je viens de rencontrer pour la première fois 400 écrivants qui ont choisi la formule Premium.

Depuis quelques années, vous êtes-vous diversifié au point de monter sur les planches?

La première fois, j'ai remplacé Francis Lalanne au pied levé. J'ai eu 3 jours pour apprendre le texte! À présent, j'en suis à plus de 200 représentations dans le monde. Je joue bientôt en Italie et au Canada. Ça m'amuse. On n'a qu'une vie, il m'en faut 1.001! J'ai appris à équilibrer l'inquiétude et la joie. Je ne suis pas en repos: je suis conscient de la vulnérabilité de la vie. De sa brièveté. Alors je fais les choses avec bonheur, en me donnant tout entier. C'est un rapport au plein qui me donne beaucoup de force. Si on regarde tout ce qui nous manque, on est triste. Si on considère le plein, alors on vit dans la joie. La sagesse change le rapport au monde, pas le monde lui-même.

Vous parvenez à concilier le retrait du monde avec la posture publique qu'implique le succès?

C'est un vrai enjeu. Écrire, c'est se retirer du monde pour le réinventer, tandis qu'être sur scène, c'est se jeter au feu. Avoir une vie médiatique, c'est aussi tout le contraire du repli. J'alterne.

ALIÉNOR DEBROCQ

Le Parisien - « Ce conte philosophique fait un bien fou. »

Félix n'a que douze ans quand sa mère est brutalement happée par une profonde dépression. Fatou, si solitaire profondément aimée par son fils et les habitués de son petit bistrot coloré de Belleville, est l'ombre d'elle-même, ne parle plus. Et le monde de Félix s'écroule. Comment résusciter une morte-vivante quand ont est un enfant? Des quartiers populaires de Paris à l'Afrique, Eric-Emmanuel Schmitt nous entraîne dans sa quête sur la puissance des croyances. Pour la sauver, Félix entreprend un voyage qui le conduira aux sources invisibles du monde. Des personnages hauts en couleur, des odeurs, des croyances, ce petit conte philosophique sur la vie, les traditions, l'amour fait un bien fou.

Sandrine Bajos

Marie France - « Une humanité poétique et réconfortante »

Fatou est joyeuse, souriante, elle élève seule son fils Félix clans son petit bistrot de Belleville. Belle ambiance mais un jour la cala, une tuile administrative et Fatou s'étiole, s'éteint. Les marabouts n'en viendront pas à bout. Félix fera tout pour sauver sa mère et c'est au Sénégal, près des racines familiales que le soleil revient. Ce conte lumineux est le huitième volet du Cycle de l'invisible commencé avec Milarepa sur le bouddhisme tibétain. Et ce voyage en Afrique au cœur de l'animisme évoque une humanité poétique et réconfortante.

Atlantico - « Excellent. »

Quand le recours aux esprits ne paraît pas si idiot que cela et donne à une aventure grave et profonde une dimension salvatrice.

RECOMMANDATION

EXCELLENT

THÈME

Félix, un adolescent de 12 ans, voue à sa mère une passion absolue et se désespère de l'état soudain qui va frapper cette femme si belle et si rayonnante pour en faire un être absent, maniaque et inaccessible. Comprenant que son amour filial n'aura pas raison à lui seul de cette pathologie, il appelle au secours celui qu'il croit son oncle, un dandy sénégalais aussi bon garçon que superficiel,  qui, effondré par son impuissance, va lui-même solliciter Saint-Esprit, le père de Félix. 

Le père et le fils inconnus jusque là l'un pour l'autre vont puiser dans leur amour insondable pour cette femme perdue l'intelligence et la confiance nécessaires à sa rémission et créer autour d'elle la famille qu'elle avait jusque là refusée. La route parsemée d’embûches les confrontera aux médecins et autres marabouts mercantiles, puis aux vrais sages qui convoquent les esprits et révèlent aux enfants égarés la force de leurs racines et la réconciliation salvatrice avec le passé, fut-il douloureux.

 

POINTS FORTS  

Le traitement de l'amour insondable éprouvé par deux hommes pour une même femme, son mari et son fils, de leur relation concurrente, voir hostile, puis finalement complice et de la construction de leur propre relation entre eux fondée sur une même cause, le salut de la femme qu'ils aiment.

 

La rémission de l'individu qui a cru pouvoir dominer les drames fondateurs de son existence en les occultant et par son seul courage quand elle passe au contraire par l'affrontement avec le passé et la vérité, la réconciliation avec le monde d'où l'on vient et l'intercession des esprits, ce monde invisible qui nous précède et qui nous compose.  

POINTS FAIBLES

La première moitié de l'ouvrage presque banale mais d'une banalité sans doute nécessaire à la suite, une belle montée en puissance vers une forme d’apothéose, la résurrection de Fatou car c’en est une alors que vivante on la disait morte, dans une invitation poétique du monde invisible.

EN DEUX MOTS

Une très belle fable au service de la foi. Eric-Emmanuel SCHMITT prend un nouveau chemin de traverse pour nous guider vers le monde qui l'inspire, celui de la spiritualité, celle du soufisme d'Ibrahim, de la foi d'Oscar et du confucianisme de Madame Ming, ici de l'animisme. Un monde qui place l'âme au centre de l'homme, le prouve en privant un temps Fatou de cette âme-là pour en faire un être abstrait puis la rendre à la vie terrestre, à l'amour des siens et à l'amour du monde après qu'elle l'ait retrouvée.

Une réflexion philosophique et sociologique puissante sur la force des liens familiaux, la nécessité quels que soient leurs vices de les comprendre pour les assumer; et sur les risques et les écueils du déracinement, réflexion sans doute bien nécessaire dans une époque qui institutionnalise la migration par l'adoption ou par l'exil.

 

UN EXTRAIT

"J'entendis sa voix pure, nue, fragile, répercutée par les flots paisibles. Elle chantait une berceuse, une musique pour assoupir, pour traverser les ténèbres. J'étais certain que son père, sa mère, ses frères, ses sœurs, dans les joncs ou ailleurs, l'entendaient comme moi. D'abord timide, le chant gagna en assurance, plein de chaleur, d’affection, de confiance. Lors de l'ultime refrain, l'orpheline tremblante avait cédé la place à l'adulte : elle devenait la mère des siens."

L'AUTEUR

On ne présente plus Eric-Emmanuel Schmitt. Agrégé de philosophie (Normale Sup), dramaturge, réalisateur, romancier, nouvelliste, essayiste, il excelle dans toutes les disciplines. Il se consacre d'abord au théâtre puis au roman et dans cette dernière voie entame avec "Oscar et la Dame Rose" qui sera d'ailleurs joué au théâtre "le Cycle de l'Invisible". Son oeuvre est pléthorique, ses pièces jouées à guichet fermé, ses livres bien vendus. Pourtant et à part les nombreuses nominations aux Molières, un Molière du meilleur spectacle privé et le grand prix du théâtre de l’Académie Française pour son oeuvre dramatique, il reste boudé par les grands prix littéraires.  

François Duffour

Fémina - « Réjouissant, spirituel et poétique. »

L’oncle de Félix en est sûr : Fatou est bien morte, puisqu'elle ne parle plus, n'entend plus et ne regarde même plus ce monde qu'elle aimait tant... Mais Félix n'en démord pas : sa mère est vivante ! Seule son âme, vagabonde, s'est échappée. La solution ? Partir à sa recherche, quoi qu'il en coûte. Accompagné de personnages fantasques, le petit garçon va sillonner l'Afrique des traditions et des marabouts pour « réveiller » sa maman, éteinte par une dépression. Un conte réjouissant, spirituel et poétique, signé Éric-Emmanuel Schmitt.

H.R.

La Vie - « Formidablement réconfortant »

Il croit aux forces de l'Esprit. Après avoir visité les monothéismes - l'islam avec Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, le christianisme avec Oscar et la dame rose, le judaïsme avec l'Enfant de Noé -, Éric-Emmanuel Schmitt s'intéresse cette fois à l'animisme. L'héroïne de sa fable, Fatou N'Diaye, mère de Félix, déracinée à Belleville, perd la tête et la joie de vivre. Elle ne reprendra pied qu'au bord du fleuve Sénégal, où son homme, Saint-Esprit, le père de son fils, l'a ramenée pour la confier aux mains gercées du féticheur Papa Loum. « Si l'on percevait toutes les puissances spirituelles, on n'oserait plus poser un pied devant l'autre », déclare Papa Loum. Avec lui, Schmitt prend le parti de la terre-mère face à nos villes dénaturées. Il chante l'Afrique qui « est l'imagination sur Terre ». Il pense que les rites servent « à donner de la chair à l'esprit ». Il réenchante notre univers parfois si gris, et c'est formidablement réconfortant.

Yves Viollier

Critiques des blogs

Le pavillon de la littérature - « Une Trinité en « F » n pétrie de fraîcheur, d’exotisme, de bienveillance et d’un optimisme résolu. »

Conçu d’un Saint-Esprit  beau comme un Dieu et d’une lumineuse Sénégalaise, le jeune Félix – 12 ans –  vit à Belleville (Paris) , aux côtés de Fatou, sa maman

Son existence est paisible, heureuse – comme le prescrit son prénom –  au sein de l’aimable comédie humaine animée par Madame Simone, Mademoiselle Tran, Robert Larousse,  Monsieur Sophronidès….clients du café géré par Fatou

La dépression de  cette dernière,  sa soustraction à  la vie quotidienne,  au monde des vivants,  vont tout à coup changer la donne

Son seul salut réside en la reconnexion à ses racines .

Aidé de ses proches et d’un déconcertant oncle Bamba, Félix entame une quête, qui le mène au pays de ses ancêtres,  à la révélation d’un passé occulté, ressuscité, apprivoisé par la puissance de l’animisme.

 » Ta croyance réveille et libère les qualités des choses. Par ta foi, tu accèdes à un niveau différent de l’univers. Tu le pénètres plus profondément, Tu remontes à la source invisible. » 

Huitième opus du cycle de l’invisible,  entamé en 1997 avec Milarepa,  le roman revêt l’allure d’un conte.

Une Trinité en « F » n pétrie  de fraîcheur,  d’exotisme, de bienveillance et d’un optimisme résolu.



Apolline Elter

Panorama de lectures - « Une fois de plus E-E Schmitt séduit. »

Une fois de plus E-E Schmitt séduit par la sincérité de  son humanisme. Car comment rester indifférent à sa dernière héroïne, Fatou, sénégalaise exilée à Belleville, vouée au bon fonctionnement de son commerce mais néanmoins ruinée par faute de négligence de l’administration française ? Son histoire tourne au tragique quand Fatou réalise l’ampleur du désastre de sa situation financière, elle qui a tout fait pour protéger son petit Félix. Ni les antidépresseurs de la médecine ni les billets versés aux marabouts ne se révèlent utiles pour lui redonner  goût à la vie ? Plus qu’un retour en Afrique c’est une plongée dans ses racines, dans une communion de pensée avec ses ancêtres, dans un contact physique avec sa terre, avec son fleuve,  avec ceux qui l’aiment, dont elle a besoin. Car vouloir se battre seule face à l’animosité ambiante, à la guerre tribale comme à la suprématie de la technocratie ne peut perdurer. « Boire à la source invisible », est le seul recours possible auquel invite   l’auteur, pieuse devise  aussi animiste que chrétienne…Livre à la fois humoristique et spirituel où l’imagination africaine vient égayer le rationalisme français ! 

B.C.D.

Culture 31 - « Un texte généreux, drôle, solaire. »

L’académicien Éric-Emmanuel Schmitt publie Félix et la source invisible chez Albin Michel. Il s’agit du huitième volet du Cycle de l’invisible.

Inutile de présenter le prolixe et talentueux conteur qu’est Éric-Emmanuel Schmitt. L’auteur connait un succès qui n’est plus à démentir et pour cause sa plume sait enchanter aussi bien les petits que les grands. Avec Félix et la source invisible cette constante devrait se vérifier. Ce nouveau texte qui parait en cette rentrée littéraire de janvier devrait séduire un large public.

A la recherche des racines

Fatou, mère célibataire, tient un café dans le quartier de Belleville. Femme d’une beauté et d’une gentillesse inégalées, elle est le rayon de soleil de ce quartier populaire. Chez elle, viennent inconnus et habitués qui souhaitent trouver réconfort et bien-être. Éric-Emmanuel Schmitt donne vie à des personnages tout aussi attachants les uns que les autres. On y trouve là réunis un travesti qui adore les mathématiques, un philosophe pessimiste ou encore un introverti au dernier degré qui s’est mis en tête d’apprendre le dictionnaire par cœur. Fatou choit et écoute ses clients avec affection. Mais celui qu’elle adore entre tous, c’est son fils, Félix 12 ans.

Un jour, le bonheur du quartier chavire lorsque Fatou, suite à une transaction financière, sombre d’abord dans une langueur, puis dans une dépression complète. Félix et les habitués du café ne savent que faire. En dépit de tout, Félix écrit à Bamba qui vit au Sénégal. Félix ne l’a jamais vu, mais il sait que Fatou l’adore. Il espère que Bamba la guérira. Mais c’est sans succès. Il ne reste plus qu’une seule solution, partir avec Fatou et Félicien Saint-Esprit – le père de Félix qui a soudain réapparu – au Sénégal, là où Fatou est née et a grandi.

Félix découvre une terre, un peuple, des croyances qu’il ignorait.

Le Cycle de l’invisible

A travers ces contes modernes, Éric-Emmanuel Schmitt explorent le monde et ses croyances. Il l’appelle le Cycle de l’invisible. Le premier texte à paraître était Milarepa en 1997. Dans cette fable, il était question du bouddhisme tibétain. Dès lors, l’auteur explorera aussi le judaïsme, l’islam, le confucianisme ou encore le christianisme avec l’un de ces plus célèbres textes Oscar et la dame roseFelix et la source invisible est une nouvelle occasion de découvrir un autre monde, d’autres façons d’exister. Éric-Emmanuel Schmitt évoque l’animisme soit la croyance dans les esprits. Mais à aucun moment il n’est question de parti pris ou de leçon de morale. Éric-Emmanuel Schmitt laisse la liberté à son lecteur d’entrer dans son univers philosophique et d’en saisir ce qui lui importe.

Felix et la source invisible est un texte généreux, drôle, solaire. Une leçon de vie qui réchauffe et se lit avec gourmandise.



Sylvie Vaz

Mademoisellelit - « Note : 10/10 »

J’ai lu Félix et la source invisible d’Eric-Emmanuel Schmitt grâce aux éditions Albin Michel et je les en remercie !

Vous vous dites sûrement à la vue de cette chronique : “Encore Eric-Emmanuel Schmitt?!“. Vous avez raison ! J’en parle beaucoup, trop peut-être, mais si vous n’avez pas été attentif jusqu’ici, c’est le moment ou jamais ! Ce livre est une pépite, un bijou, un indispensable.

Dans la même veine que Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran ou Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eusFélix et la source invisible va vous faire voyager, vous émouvoir, vous attendrir et vous faire grandir. Ce roman fait partie du Cycle de l’Invisible créé par l’écrivain, qui regroupe plusieurs récits, tous traitant des spiritualités.

Je suis personnellement admirative du travail d’Eric-Emmanuel Schmitt, j’aime toutes ses œuvres littéraires, sans exception mais je dois avouer mon faible pour ce Cycle de l’Invisible. C’est Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran qui m’a donné l’amour de la lecture, et j’ai retrouvé autant de plaisir à la lecture de ce nouvel ouvrage.

L’histoire est touchante, les personnages sont attachants et l’auteur conserve une fois de plus son trait d’humour. Le récit semble léger et sans importance jusqu’aux dernières pages, où le poids du texte vous emporte. On comprend, on sourit, et on en sort grandit.

Félix et la source invisible promet d’être un des plus gros succès de l’auteur. C’est une lecture idéale d’ailleurs si vous voulez découvrir sa plume pour la première fois. Mon premier coup de cœur 2019 !

Agathe The Book - « Beauté ! »

 

À l’occasion de la sortie de « Félix et la source invisible », les Éditions Albin Michel et Mickaël Palvin ont organisé mardi 15 janvier 2019 un déjeuner à La Rotonde réunissant l’auteur Eric-Emmanuel Schmitt et quatre blogueuses, Carnet Parisien, Squirelito, Mademoiselle Lit et moi. Au menu : un homme d’une générosité et d’une sensibilité hors du commun, deux heures d’échanges passionnants.

Dans ce dernier roman, il est question de Félix, un petit garçon parisien de 12 ans, désemparé par la dépression soudaine de sa mère. Ils forment une famille monoparentale et sont d’origine africaine. Charles appelle un oncle sénégalais à la rescousse, mais le pronostic est sans appel : sa mère est morte, elle est dépossédée de son âme. Félix, courageux et responsable, entreprendra un long voyage pour redonner à sa mère le goût de vivre. Un roman d’une grande finesse que j’ai beaucoup apprécié, flirtant avec la spiritualité, et faisant partie du « cycle de l’invisible ». Débordant de questions à ce sujet, j’avais hâte de rencontrer l’auteur…

…Car ce qu’Eric-Emmanuel ne sait pas, c’est que notre histoire avait plutôt mal commencé. Je venais d’avoir 18 ans quand mon petit ami, avec qui je sortais depuis une semaine, m’a offert pour la Saint Valentin « Oscar et la Dame rose ». Ce livre emprunté à la bibliothèque l’avait tellement ému qu’il voulait absolument le relire. Pour lui, me l’offrir était le moyen le plus économique et sûr de nous faire plaisir simultanément. Aujourd’hui, j’y verrais comme une approche romantique, lire un livre ensemble, nos mots s’entrelaçant, mais à l’époque, l’affront de la non-exclusivité de ce cadeau piquait mon orgueil. Ce cadeau lui était destiné, pourquoi ne se l’offrait-il pas ? Pourquoi profitait-il de la première occasion de me gâter pour tout gâcher ? J’ai interprété son désir de partage pour de la mesquinerie. Hautaine, je lui ai rétorqué qu’il n’avait qu’à le relire tout de suite. Ravi, il est rentré chez lui le livre sous le bras. J’ai passé la soirée de Saint Valentin seule, sans pétales de rose jonchant mon studio, nourrissant une peine immense, traumatisée par la double absence du petit copain et de son cadeau. Inutile de préciser que par la suite, aveuglée par la rancune, le personnage d’Oscar ne m’a pas touchée comme il aurait dû. La piqûre de rappel à chacune des sorties d’un livre d’Eric-Emmanuel ne forçait pas l’achat. Comment sortir des méandres injustes de cette rencontre ratée ? Heureusement, Albin Michel est là. L’envoi de Félix et la source invisible puis le déjeuner organisé avec son auteur m’ont enfin permis, quatorze ans plus tard, de redécouvrir ce génie inclassable.

La première chose qu’il faut savoir sur Eric-Emmanuel Schmitt, c’est la fertilité de son oeuvre et de son inconscient. Il la qualifie « d’enfantement perpétuel ». Les personnages fleurissent sans discontinuer, il faut presque les freiner, les empêcher, son imagination déborde et la source est intarissable. 

 

L’écrivain écrit d’un jet, « comme un artiste », puis il se corrige, il polit les mots par mille gestes, « tel un artisan ». Féru de spiritualité, son dernier roman explore  l’animisme, la faculté de donner une âme aux objets ou aux éléments naturels. 

 

Soudain, à ce moment du déjeuner, le nuage de mots « Imagination, empathie, sensibilité, humanisme, spiritualité » passe devant mes yeux et un voyant s’allume : c’est l’exacte définition d’un caractère neptunien : Eric-Emmanuel Schmitt doit forcément être Poissons. Je profite de l’intervention du serveur pour regarder son thème astral sur Google. Le mois de mars s’affiche, bingo… puis le numéro 28. Non, 28 mars, bélier. Perdu, à 5 jours près. Les autres données ne sont pas meilleures, Lune en bélier, Ascendant capricorne. Aïe. Je n’aime pas du tout quand l’astrologie me résiste et que je donne raison aux milliards de sceptiques présents sur terre. Je clique sur son thème et le décrypte à la dérobée en mangeant une olive. Soudain, mon coeur s’accélère, j’ai ma réponse, cet homme généreux, jovial et intuitif se décrivant lui-même comme un caméléon, a une Neptune angulaire à son Milieu du Ciel, ce qui la classe directement dans la case des planètes dominantes. Alleluïa ! Je savoure cette victoire humblement dans ma tête et mon échappée ésotérique se poursuit à table par une discussion sur l’invisible.

Selon Eric-Emmanuel Schmitt, il y a deux animismes :

 

  • L’animisme spontané, que l’on expérimente enfant, par exemple en se heurtant à une chaise,  l’enfant en colère tape/insulte la chaise. De cet aspect puéril découle plus tard :
  • L’animisme civilisé : c’est lorsque la vision du monde double le visible, par exemple lorsqu’on cherche une âme derrière un arbre, ou que l’on décide que les morts ne sont pas morts.

 

Dans le roman, le personnage de Papa Loum, le sorcier africain, illustre cet aspect spirituel : il travaille dans la fonction symbolique, à l’aide de grigris, il guérit l’âme. Il explique que l’on pourrait très bien se passer de potions et d’objets, mais que l’on a besoin de se fixer dessus dans un premier temps.

 

Félix et la source invisible, c’est la quête d’un absolu et d’une nécessité de dépossession : aussi bien au niveau matériel, (le bar de la maman de Félix qu’elle ne peut racheter) et physique (l’enfant qu’est Félix doit se résoudre à partager sa mère). Quand à prime abord, le roman ressemble à un récit d’enfance, il délivre in fine un message écologique, glissant de la France à l’Afrique. Il souligne le contraste frappant entre le pays dit riche (Paris) pourtant dénué de nature et d’humanité, et le Sénégal, pays dit pauvre et apportant tellement plus aux personnages du roman. Le passage ci-dessous est celui qui m’a sans doute le plus émue, je vous laisse sur ces mots magnifiques et je vous enjoins à le lire à haute voix. Beauté !

Carnet Parisien - « Eric-Emmanuel Schmitt prouve encore une fois ses talents d’auteur et de conteur »

D’Éric-Emmanuel Schmitt, il me semble n’avoir lu que son succès Oscar et la Dame Rose. Un conte dont la douceur m’avait marquée ! J’ai eu la surprise de recevoir ce nouveau roman dans ma boîte aux lettres pour les fêtes de fin d’année, et je remercie les éditions Albin Michel non seulement pour cette lecture, mais également pour la merveilleuse rencontre que j’ai pu partager avec l’auteur.

 

Le résumé

Félix, 12 ans, est désespéré. Sa mère, la merveilleuse Fatou, qui tient à Belleville un petit bistrot chaleureux et coloré, est tombée dans une dépression sans remède. Elle qui incarnait le bonheur n’est plus qu’une ombre. Où est passée son âme vagabonde ? Se cache-t-elle en Afrique, près de son village natal ? Pour la sauver, Félix entreprend un voyage qui le conduira aux sources invisibles du monde.

Mon avis

Comme Oscar et la Dame Rose, le narrateur de ce roman est un enfant. Il s’appelle Félix, et il vient d’apprendre tout à coup que sa maman est morte, même si elle est encore bien en vie devant lui. C’est l’une des premières révélations de ce livre qui va nous emmène sur les terres d’Afrique, auprès des origines de Fatou et de son fils Félix.

J’ai beaucoup aimé plonger dans ce roman, c’est une lecture qui ne m’a demandé aucun effort. Eric-Emmanuel Schmitt a cette faculté de nous happer dans son univers en quelques phrases seulement, et il n’est pas besoin de beaucoup de mots pour nous décrire les personnages qui nous deviennent très vite familiers.
J’ai adoré découvrir les proches de Félix et de Fatou, ces « piliers de bar » si dissemblables et pourtant si unis, un peu comme une famille. Je les ai trouvés touchants, tous à leur façon, avec probablement une petite préférence pour la dévouée Madame Simone.

La deuxième partie du roman nous emmène en Afrique, et cette partie se révèle plus spirituelle que la première, plus énigmatique, plus imagée. Je dois avouer que j’ai moins accroché à cette partie de l’intrigue, même si la métaphore est assez claire. J’ai préféré l’aspect « humain » de la rencontre avec les personnages du début, davantage que l’aspect « psychologique » de ce retour aux sources.
Je sais que la spiritualité tient une grande place dans les récits d’Eric-Emmanuel Schmitt. J’aime les images dont il use pour faire passer ses messages, les métaphores auxquelles il fait appel. Mais ce que je préfère chez cet auteur, ce sont ses personnages.

En conclusion

J’ai beaucoup aimé la galerie de personnages que nous présente Félix et la source invisible. J’ai adoré découvrir le café de Fatou et les drames qui s’y jouent. Cependant, j’ai moins accroché à la deuxième partie de ma lecture, plus axée sur la spiritualité et l’ésotérisme. Eric-Emmanuel Schmitt prouve encore une fois ses talents d’auteur et de conteur à travers cette douce histoire que j’ai pris plaisir à découvrir.

Vibration littéraire - « Une histoire fascinante »

Comme un air de conte africain…

Dans ce roman, nous suivons Félix, qui va se retrouver totalement démuni face au syndrome dépressif caractérisé de sa mère. En quasi attitude catatonique, Fatou va permettre d’évoquer l’importance des origines dans la construction de soi.

Eric-Emmanuel Schmitt traite ici avec brio de l’animisme qui consiste en la croyance en un esprit ou une force vitale animant les êtres vivants, les objets, les éléments naturels ; en dehors de toute religion. Nous découvrons alors petit à petit l’histoire de Fatou et plongeons avec Félix dans ses racines lors d’un voyage en Afrique.

J’ai énormément aimé la façon de traiter ce sujet, le tout contenant une bonne dose d’ethnopsychiatrie. Les personnages sont travaillés et singuliers, j’ai adoré découvrir chacun des personnages secondaires. De plus, la plume est vraiment magnifique : je suis conquise !

CONCLUSION

Félix et la source invisible est une histoire fascinante, racontée comme un conte africain. La plume est presque poétique et les thèmes abordés sont originaux. Je vous le conseille vraiment si le sujet a su piquer votre curiosité !

Manon

Le domaine de Squirelito - « Vous ne pourrez que succomber! »

Les pierres, le vent, la nature… autant d’esprits, autant de forces pour donner aux êtres vivants une énergie pour suivre le chemin de vie.Eric-Emmanuel Schmitt poursuit sa série du « Cycle de l’invisible » avec pour protagonistes un garçon de douze ans et sa maman, et, en filigrane, l’animisme, une religion sans en être une, mais une forme de spiritualité, sûrement. Une psyché orientée vers la nature, du processus conscient au processus inconscient.Suite au décès de son voisin épicier, la maman de Félix, Fatou, perd peu à peu toute vitalité, à tel point que son fils pense qu’elle est morte. Heureusement, il y a Madame Simone qui va prendre les rênes du café et les clients habituels comme Robert Larousse (je vous laisse deviner pourquoi ce nom, si je raconte tout, plus aucun charme de découverte). Cependant, son état empire et Félix décide d’appeler oncle Bamba, seul membre supposé de la famille. Parce que Félix est sans père, il a juste été reconnu par le… Saint-Esprit, un superbe Martiniquais qui s’est juste contenté, au départ, d’un acte de chair. S’ensuit une recherche du pourquoi du comment avec l’aide de marabouts plus spécialisés par l’accumulation de billets que par des soins d’apaisement de l’âme. Bamba ne sachant plus quoi faire décide de faire appel au Saint-Esprit… La deuxième partie du livre commence, de Belleville, la famille part au Sénégal, sur les terres des ancêtres de Fatou, Papa Loum et Archimède le chien devenant les maîtres de cérémonie de l’imperceptible.Cette nouvelle approche spirituelle par l’aède des religions, est d’une finesse d’esprit qui laisse le lecteur avec le sourire, surtout si ce denier ne songe qu’à communier avec la nature (dixit un écureuil arboricole). Une méthode profane mais qui transforme l’écriture en une foi, donnant à chaque opus une envie de découvrir par d’autres ouvrages les racines des différentes croyances terrestres.Que vous y croyez ou que ne vous n’y croyez pas, que vous soyez flûte ou violoncelle, vous ne pourrez que succomber à la légèreté de la narration, telle une légère brise de palabres, adopter l’humour aussi fin qu’un brin d’herbe au printemps, imaginer en vrai le petit Félix, humer l’invisible.L’écrivain qui déclare « ne pas écrire mais s’assoir » a certainement épousé le plus confortable des fauteuils pour livrer sur un plateau des histoires où les belles âmes se rencontrent. De l’animisme spontané (celui de l’enfance) à l’animisme civilisé (la vision de l’invisible par le visible), Félix nous transporte doucement vers une paix intérieure et qui fait rêver par ces temps où l’homme ne songe que trop à ensevelir plutôt que de s’élever.

La parenthèse de Céline - « Sensibilité poétique »

Voici un titre de la rentrée littéraire de janvier dont vous n’avez pas fini d’entendre parler. Éric-Emmanuel Schmitt occupe beaucoup de place dans les médias depuis la sortie de son livre Félix et la source invisible. Cette actualité nous change un peu !

Il nous emmène cette fois de Paris à l’Afrique. Le quartier populaire de Belleville fait autant partie du décor que le fleuve Sénégal et les baobabs. Fatou, une femme gaie et dynamique  dirige un café à Belleville, nommé Au boulot. Elle trouve amusant d’imaginer les hommes répondre à leurs épouses qui les cherchent « Je suis Au boulot » ! Elle mène une vie simple et heureuse avec Félix, son fils de douze ans, jusqu’au jour où elle sombre dans la dépression. Félix se sent alors perdu met tout en oeuvre pour la sauver. Ce récit est touchant, drôle et instructif. J’ai bien perçu l’amour fort qui lie la mère et son fils. Quant aux autres personnages du livre ils débordent d’originalité et ont tous des personnalités atypiques. Entre madame Simone qui assume difficilement sa transsexualité, Robert Larousse qui se nourrit de la lecture des dictionnaires, madame Tran l’asiatique ou encore le philosophe monsieur Sophranidès ; le café Au boulot ne manque pas de vie et d’échanges verbaux tous plus drôles les uns que les autres.

J’ai beaucoup aimé la sensibilité poétique donné au texte et le fait qu’il soit écrit à la première personne, par le prisme de Félix. Dès la première phrase très forte, je suis « entrée » dans l’histoire.

Il s’agit là d’un conte empreint de spiritualité qui fait voyager, qui évoque les rites et les croyances africaines avec humour et respect. L’animisme, cette croyance en un esprit qui habite les être ou les objets, est au cœur de ce récit philosophique. Ce texte fait également partie du Cycle invisible de l’auteur, cette série de récits sur la quête de sens à des moments cruciaux de l’existence.

J’aime beaucoup cette pensée de l’auteur qui souligne que : Pour savoir qui on est il faut savoir d’où l’on vient.

Les livres de Christine Calmeau - « Un vrai bonbon. Un vrai régal. »

Félix est un gamin de 12 ans, plutôt bien dans sa peau.

Il vit seul avec sa maman Fatou à Belleville, où elle tient un petit troquet, appelé judicieusement « Au boulot ».

C’est là que se retrouvent des habitués, des riverains en manque de chaleur humaine. Ici, ils sont les rois, soignés aux petits oignons par la vive, pétillante, curieuse, rayonnante, expansive et gracieuse Fatou.

Fatou qui a pour habitude de trouver de jolis surnoms à sa clientèle, histoire qu’elle se sente  plus à l’aise.

Fatou qui a choisi « Félix » comme prénom pour son fils unique, parce qu’elle est convaincue que « Félix » qui signifie heureux en latin lui garantira un destin enchanté.

Tout va donc très bien dans la vie de Félix, jusqu’au moment où Fatou sombre dans une profonde dépression qui s’aggrave chaque jour qui passe, sans qu’on sache trop pourquoi, puisqu’au premier regard, il ne semble pas, à priori, y avoir de raisons sérieuses qui pourraient menacer l’existence heureuse et paisible de la maman et de son fiston.

Fatou ne parle plus, elle ne regarde plus personne, ne s’alimente quasi plus non plus.

Elle commence à développer des tocs : elle se met à compter tout ce qui lui passe sous la main. Et très curieusement, elle nettoie tout, absolument tout à l’eau de javel.

Son entourage et ses plus fidèles clients, Félix, tout le monde est très inquiet. D’autant que les anti-dépresseurs prescrits par le médecin n’ont servi strictement à rien. Au contraire, Fatou va de plus en plus mal. Et c’est toujours complètement incompréhensible.

En désespoir de cause, Félix, qui ne supporte plus voir sa maman dans cet état, appelle son oncle pour qu’il revienne d’Afrique.

Avec lui, ils vont aller consulter des marabouts.

Ce qui ne sert bien sûr à rien : à part les délester de leurs économies, ces charlatans n’ont évidemment rien tenté pour améliorer l’état de la malheureuse qui fait peine à voir.

C’est alors que se pointe le Saint-Esprit.

Félicien Saint-Esprit. Capitaine de frégates. Martiniquais.

Félicien est le père biologique de Félix, qui voit cette arrivée d’un tout mauvais oeil.

Félix n’a jamais eu besoin de papa. Il n’a jamais dû partager sa maman, et il n’a aucune envie que cela change. Pourtant, il doit se rendre à l’évidence, il faut qu’un adulte prenne les choses en main et agisse.

Il y a urgence si on veut sauver Fatou.

Félix accepte donc que Félicien et lui emmènent Fatou en Afrique, là où elle a grandi, près des arbres et près du fleuve.

En espérant évidemment la soigner …

Ce voyage aux origines va-t-il pouvoir ramener Fatou à la vie d’avant et faire disparaître tous ses tourments ?

C’est à découvrir dans « Félix et la source invisible »,  un conte qui fait partie du Cycle de l’invisible, initié avec « Milarepa ».

Un cycle qui aborde la recherche du sens, à travers des récits tous indépendants les uns des autres, mais avec à chaque fois, un héros qui « affronte des moments cruciaux de l’existence et trouve dans une rencontre la force d’avancer », cette rencontre étant en même temps celle d’une spiritualité.

Et donc, après avoir abordé le bouddhisme tibétain, l’islam sous la forme du soufisme, le christianisme, le bouddhisme zen, le confucianisme ou encore la musique, Eric-Emmanuel Schmitt évoque l’animisme dans ce conte si doux à lire.

Un vrai bonbon. Un vrai régal.

Un vrai moment magique de lecture.

Un livre qui fait du bien.



Merveilleuses escapades - « Douceur de lire »

Douceur de lire.

Comme à son habitude, Eric-Emmanuel Schmitt fait des miracles à base de si peu de choses. Il prend l’essentiel et nous le sert avec une grande simplicité mais beaucoup d’humanité, et comme toujours, ça marche.
On s’attache aux personnages, à leurs différences, à leurs caractéristiques. Car les personnages de cet ouvrage sont hauts en couleurs, exotiques. “Au Boulot”, le bar de Fatou, est comme une arche de Noé où viennent échouer papillons de nuit et marginaux. Un endroit fabuleux où chacun a sa place et où la bonne humeur est acquise. 

Dans ce joli récit, parcours initiatique, nous suivons Félix dans sa quête pour redonner vie à sa mère qui s’éteint petit à petit. Une quête qui va devenir aussi celle de sa propre identité à lui, sur la terre de ses ancêtres, avec leurs croyances et leur destin dont il n’imaginait rien. Et qui explique beaucoup. 

Dans les différents ouvrages du cycle de l’invisible, Eric-Emmanuel Schmitt évoque avec respect et douceur différentes croyances et religions. Ici, c’est l’animisme qui se dévoile. Et je vous invite chaleureusement à aller à sa rencontre. 

Encore un petit bonbon. Un livre court, limpide, qui sonne juste. A lire, évidemment.



Publications

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