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La Traversée des temps - La porte du ciel - tome 2

Résumé

Paradis perdus ouvrait La traversée des temps, cette aventure romanesque unique, dont La porte du ciel constitue le deuxième volume.
Rebondissant d’époque en époque, le héros miraculeux d’Éric-Emmanuel Schmitt poursuit sa traversée sur le fleuve du temps et se lance dans une nouvelle enquête au cœur de l’Orient ancien... Noam cherche celle qu’il aime, enlevée dans d’étranges conditions. Flanqué de son chien, il découvre un monde en pleine mutation, la Mésopotamie, autrement appelée le Pays des Eaux Douces, où les hommes viennent d’inventer les villes, l’écriture, l’astronomie.

À Babel, cité bruyante et colorée, belle de jour comme de nuit, il affronte le tyran Nemrod. Celui-ci, en recourant à l’esclavage, construit la plus haute tour jamais conçue qui constituera la porte du ciel et donnera accès aux Dieux.
Ruses, manigances, chausse-trapes. Dans un chassé-croisé d’intrigues, Noam le guérisseur s’introduit dans tous les milieux et fait d’étonnantes rencontres : Maël l’enfant poète, le mystérieux Gawan appelé le Magicien, la reine Kubaba, étourdissante d’intelligence et d’espièglerie, Abraham, chef des nomades hébreux, qui refuse la nouvelle civilisation.

Que choisira Noam ? Sacrifiera-t-il ses inclinations profondes pour se consacrer à la lutte contre les injustices ?

Dans La porte du ciel, Éric-Emmanuel Schmitt dépoussière, avec une érudition joyeuse, cette époque légendée par la Bible. Grâce à son style visionnaire et guidé par les derniers travaux des assyriologues, il restitue la complexe et brillante Mésopotamie à laquelle nous devons tant.

Critiques

Le Figaro - « Les confidences d’un écrivain antimoderne »

Éric-Emmanuel Schmitt nous a exceptionnellement reçus dans son havre belge, à l’occasion de la publication de son roman « La Porte du ciel ». 

Itinéraire d’un surdoué des lettres qui regarde notre époque depuis le commencement de l’histoire humaine. 

 

Eric-Emmanuel Schmitt est le bûcheron des lettres françaises. Il en a le physique et l’abattage. Romans, essais, théâtre, cinéma, opéra, traductions dans le monde entier, et des millions d’exemplaires vendus. Avec lui on entend les arbres tomber. 

Il a trouvé son refuge de démiurge en Wallonie, dans un petit village à  une heure au sud de Bruxelles. L’écrivain lyonnais - il n’est pas belge d’origine comme on lit parfois - nous a reçus dans cette campagne jadis prospère, où la population locale lui a déroulé le tapis rouge. Ce n’est pas là en général que les VIP élisent domicile, mais dans les faubourgs de Bruxelles. Il a restauré pendant plus de dix ans ce petit manoir au coeur du village, tout contre l’église. Pour atténuer la rigueur du ciel humide, son architecte a construit une piscine intérieure dans l’ancienne grange. Elle s’ajoute à la piscine extérieur, au milieu d’un jardin paysager. “ Je ne suis pas riche, mais je gagne très bien ma vie”, sourit-il, ravi de sa thébaïde au milieu des terres grises de la Belgique francophone.

 

DE NOÉ À NOAM

 

Solitaire extraverti, travailleur hédoniste, Schmitt a le physique d’un lutteur gréco-romain et les traits expressifs d’un satyre bienveillant. Il est pour son visiteur un amphitryon rebondissant, qui nous accueille dans des hautes pièces nettes et rangées, non loin d’un somptueux piano à queue Steinway. Il joue parfois, et on imagine une mise en scène avec candélabres et lumières tamisées. Que le spectacle commence!

Qu’il a s’agisse de jouer du piano ou sur les planches, face à un journaliste ou devant ses fans, il peut en tout cas compter sur Gisèle, son assistante depuis toujours, première lectrice, secrétaire infatigable, première auditrice de ses anecdotes.

Ainsi, en novembre dernier à, la messe d’enterrement de son oncle maternel, officier parachutiste, et ancien de la guerre d’Algérie, Éric-Emmanuel Schmitt fut agréablement surpris par la qualité de l’un des textes lus pendant la cérémonie. Il était d’accord sur le fond et le trouvait bien écrit. Qui donc en était l’auteur? “Eric-Emmanuel Schmitt, L’Evangile selon Pilate”, entendit-il à la fin de la lecture. “Je ne m’étais pas reconnu”, avoue-t-il, avec un sourire d’enfant comblé de se trouver si en accord avec lui même: “ D’habitude, quand je m’écoute dans la bouche d’un autre, je ne cesse de me corriger.” Il avait oublié ce livre écrit il y a fort longtemps. Il le reconnait, son éditeur le dissuade à grand peine de publier plus qu’il ne le fait déjà.

De Ponce Pilate à Noé ou Abraham, les personnages de son dernier roman, il y a toujours Dieu en embuscade, et la Bible en toile de fond. L’idée de se mettre dans la peau du gouverneur de la Judée avait permis à Schmitt d’imaginer la conversion de celui-là à la foi nouvelle des rebelles chrétiens. Schmitt à aussi raconté dans un autre livre comment Dieu lui est tombé dessus lors d’une nuit à la belle étoile dans le désert algérien, alors qu’il participait à une excursion sur les traces de Charles de Foucauld. Il avait 28 ans et il reçu l’épiphanie comme un autre saint Paul ou un autre Claudel. La comparaison s’arrête là, car Schmitt n’est pas un propagandiste de la foi, et encore moins un moraliste. Il a cette faculté intacte, malgré son catholicisme aujourd’hui proclamé, d’endosser tous les rôles et toutes les voix avec la ductilité du gymnaste agile qui enchaîne les postures sur son cheval d’arçons.

Eric-Emmanuel Schmitt est la quintessence du caméléon. Il a un talent de ventriloque des célébrités d’hier, et son musée Grévin est inépuisable. Il se glisse dans les âmes mortes de Noé, Pilate, Mozart, Freud… Il manie aussi bien la musique de chambre que le grand orchestre avec cymbales et coeurs. Il peut tout faire, tout ressusciter! Roman, théâtre, cinéma, ou un mélange de deux.

 

L’ÉTERNITÉ INQUIÈTE

 

Ainsi vient-il d’accepter d’écrire Bungalow 21, à la demande du petit-fils de Simone Signoret, Benjamin Castaldi. L’histoire de la relation amoureuse entre Marilyn Monroe et Yves Montand. La pièce pourrait se faire “ avec une actrice américaine qui parle français et à l’aura sensuelle d’une Marilyn”. Au lecteur de deviner…

Mais la grande affaire de sa vie, qu’il médite depuis très longtemps, est son roman La traversée des temps. Schmitt y fait ce qu’il sait le mieux faire : composer une légende des siècles grand public, avec personnages récurrents, trahisons, guerres et scènes de sexe. L’ancien philosophe qu’il est développe aussi en douce sa vision sévère de l’hominisation de la planète, de l’invention des techniques des religions, en multipliant les effets d’un grand récit de cape et d’épée. C’est Jean-Jacques Rousseau (pour la critique des civilisations) dans le corps d’Alexandre Dumas. Les débuts des trois héros immortels - deux gentils et un méchant - ont été racontés dans le premier tome intitulé Paradis Perdus - titre immodeste s’il en est, mais Schmitt n’est pas à ça de près. Le deuxième tome a pour titre La porte du ciel. Un euphémisme poétique pour décrire cette Babel orgueilleuse qui prétendait rejoindre l’azur des dieux.

Cette fois-ci, les péripéties amoureuses et guerrières se déroulent sur fond de la naissance de l’écriture et des premières villes. On y croise des personnages étrangement réminiscents de Nabuchodonosor, Abraham, Sarah, Isaac, Ismaël et tant d’autres héros de l’Ancien Testament. Noé-Noam en est le héros narrateur. En attendant d’aborder la civilisation des pharaons, puis celle des Grecs, du Moyen Âge et de la Chine, Schmitt s’attarde ici à l’aube de toutes les civilisations, et il laisse vibrer sa nostalgie d’un nomadisme écologique, bientôt effacé par la double sédentarité des livres et des villes. Il se délecte aussi, et nous avec lui, d’un Orient d’avant l’islam, jouisseur, capiteux et coloré. On a mille fois interrogé Schmitt sur ce qui le maintenait dans cet état d’écriture frénétique. “ Je suis serein métaphysiquement, mais inquiet existentiellement, nous répond-il. De temps en temps, je me dis que j’écris pour plusieurs  : j’avais 20 ans dans les années 80 et beaucoup de mes amis sont morts du sida, cela m’a donné une conscience de la fragilité vitale de toute chose “, confie-t-il. En entrant dans ce cycle de la « traversée des temps», le lecteur comprend qu’être éternel n’empêche pas de ressentir la morsure de la vie et la finitude de toute chose. 

 

DES CAILLOUX ET DES ARBRES

 

Lors de son premier « Bouillon de culture », avec Alain Delon et Francis Huster, il y a plus de vingt-cinq ans, Bernard Pivot lui avait lancé:« Il est rare de croiser des Schmitt avec un double t. » À la recherche de la réplique qui tue, le Wunderkind avait dégainé :« Il y a deux sortes de Schmitt; il y a les entêtés et endettés, je suis de la première catégorie”. Patronyme alsacien, famille lyonnaise, Eric-Emmanuel Schmitt est un entêté, avec deux t. Il a gardé son nom germain en pays latin, et il a commencé l’écriture de ce roman total auquel il rêve depuis qu’il a 25 ans. C’est la force d’un écrivain instinctif, qui narrait ses histoires dans des cahiers à spirale dès l’âge de 8 ans, d’écrire qu’il vente ou qu’il pleuve. À 21 ans, il envoya sa première pièce à Edwige Feuillère. « Un copain du service militaire avait récupéré l’adresse de Feuillère. Je lui ai envoyé, elle m’a lu, et elle m’a répondu: “Ça fait des décennies que je n’ai pas vu quelqu’un d’aussi doué, je m’occupe de vous. Elle m’a trouvé un agent de théâtre et elle m’a ouvert la porte de la Comédie des Champs- Élysées. Elle ne m’a jamais joué, mais j’ai entendu toutes mes premières pièces lues par elle sur son lutrin. Souvent elle me disait: “Vous avez trop de facilités, il faut quand même que vous appreniez à travailler.”» Schmitt a grandi en admirant ces monstres sacrés qu’étaient Gabin, Feuillère, Cocteau. Des noms lointains et fanés, comme cette gloire du muet, Gloria Swansond, dans Sunset Boulevard, était oubliée de tous depuis l’avènement du parlant. Mais Schmitt, lui, s’en souvient. Il se souvient, par exemple, d’OmarSharif à la fin de sa vie, ruiné par sa passion pour le jeu, qui payait sa suite dans un 5 étoiles de Paris en apparaissant tous les jours à 17 heures précises au bar de l’hôtel pour épater la clientèle. «Omar était ruiné et il ne jouait plus. Mais sa carrière est repartie quand il a eu lion d’or et César pour son rôle dans Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Il m’appelait souvent pour me remercier», se réjouit Schmitt autour d’un repas libanais. 

 

ROMANCIER HORS DU TEMPS

 

Notre écrivain a le tempérament tellement inactuel qu’il est insensible aux modes littéraires et aux avant-gardes artistiques. “ À Normale sup, tout le monde voulait être écrivain, et mes amis se demandaient comment écrire après le nouveau roman, après Proust, après Camus… C’était assez inouï, avant d’avoir pris la plume, de se poser la question de la place qu’on occupera dans l’histoire de la littérature », note-t-il, pour se distinguer de ses pairs. Il était le chouchou de Jacques Derrida, et pourtant n’avait rien à voir avec la déconstruction, et rien à dire sur elle. C’est ce que Schmitt n’aime pas dans la vie parisienne : le dernier cri, la dernière mode. “ Je ne me sens pas concerné par l’obsession de mes contemporains pour l’idée d’une modernité en art ou en littérature, et je me demande si ce n’est pas parce que je suis lyonnais: j’ai grandi dans une ville où l’on est de plain-pied avec les strates les plus profondes du passé.

Dans son roman, on apprend des détails qui ont leur importance. Qui savait qu’un eunuque pouvait faire l’amour et très bien? Et on tombe sur de jolis aphorismes qui ne sont pas au goût du jour. Ainsi quand l’héroïne immortelle comprend qu’elle n’aura jamais d’enfants: “ Au plus profond des ses entrailles, Noura avait reçu la vie pour donner la vie. Je conçus que l’immortalité ne pouvait être acceptée de façon identique par un mâle et par une femelle. Aux yeux de Noura, le temps avait perdu son sens, elle habitait l’éternité en femme ; or l’éternité n’est pas féminine», 

commente Noam, le narrateur. 

 

Notre baladin du monde mésopotamien recevrait le ballon d’or des aphorismes si une telle distinction était de ce monde.«Il y a deux sortes d’humains, les arbres et les cailloux. Les arbres existent par leurs racines, les cailloux roulent d’eux-mêmes. L’arbre pousse dans la forêt, entouré des autres et s’étiole sitôt qu’il quitte sa terre.Le caillou dévale les chemins selon sa propre dynamique. Si un obstacle l’arrête, il repart et ne s’arrête qu’au plus bas 

On l’aura compris, Schmitt est un caillou, qui suit sa pente et ne s’arrête jamais. Immortel? 

Charles Jaigu

Le Journal de Québec - « Un prodigieux retour dans le temps. »

Poursuivant sa grande saga, La traversée des temps, qui raconte l’histoire de l’humanité, Éric-Emmanuel Schmitt invite ses lecteurs à suivre son héros Noam au cœur de la Mésopotamie dans La Porte du ciel. Ce roman palpitant, érudit, complètement envoûtant, magnifiquement écrit, retrace l’épopée de la turbulente Babel 3000 ans avant Jésus-Christ. Noam, aux côtés de son amoureuse, s’initie à l’écriture, à l’astronomie et à l’architecture.

Éric-Emmanuel Schmitt fait un prodigieux retour dans le temps, décrivant une civilisation très riche, mais peu souvent explorée en littérature. 

« J’ai fait un voyage immense ! commente-t-il avec enthousiasme en entrevue. J’ai sauté au troisième millénaire avant Jésus-Christ, en Mésopotamie. C’était fabuleux parce que oui, j’étais loin, mais j’étais en découvertes, en étonnements, en surprises. »

« Je me suis étonné de ce qui ne nous étonne plus, c’est-à-dire la vie, l’écriture, la connaissance des astres. Tout ce qui nous paraît, à nous, absolument évident, je le découvrais avec l’étonnement de Noam. C’était un rafraîchissement poétique formidable ! »

Un sujet peu commun

La Mésopotamie n’est pas un sujet commun. « La Mésopotamie, qui est la plus ancienne civilisation humaine, est une découverte récente. C’est vraiment à partir des années 1950 que les archéologues se sont vraiment mis à chercher, à fouiller les sols d’Irak et à trouver ces milliers et ces milliers de tablettes d’argile qui nous permettent de reconstituer cette première civilisation. C’est la plus ancienne civilisation, mais sa connaissance est récente. »

Il note que les romanciers ne s’en sont pas encore emparés, alors qu’ils se sont emparés de l’Égypte depuis le 18e siècle. « J’étais ravi de faire quasiment le premier roman qui se passe en Mésopotamie parce que quand on parle, on parle de la fin de la Mésopotamie, de Babylone quand les Perses et les Grecs étaient déjà en train de l’envahir. »

Éric-Emmanuel Schmitt note qu’avant, on n’avait pas le matériel et les connaissances qui permettaient de parler de l’essor de cette civilisation correctement. 

Lectures et rêverie

La période de recherche et d’écriture a été fascinante. « C’est à la fois d’énormes lectures et aussi beaucoup de rêverie. J’ai toujours pensé que la rêverie – c’est-à-dire l’imagination –, c’était un moyen d’explorer le monde. Je m’installais, dans le cadre de mes lectures savantes, puis je me mettais à rêver, généralement en faisant un grand feu dans la cheminée et en m’asseyant devant et en laissant comme ça mes idées se promener, hypnotisé par les flammes. »

Son processus créatif a fonctionné à merveille. « Mes idées, tout d’un coup, évoluaient vers des sensations mésopotamiennes. Il ne suffit pas d’avoir des connaissances : il faut avoir des sensations, des images, il faut sentir des puissances. Une fois qu’on a fait travailler sa raison, il faut faire travailler son imagination. »

Une espèce de transe ? « Oui ! C’est une chose que j’avais décrite dans le premier tome avec Tibor, le guérisseur, qui disait que pour connaître la nature, il fallait soit observer les eaux vives, soit observer les flammes du feu pour se laisser hypnotiser et passer dans un état de conscience différent afin d’apercevoir des liaisons inouïes, invisibles. Je crois beaucoup au pouvoir de la rêverie. »

Son frère éternel

Noam, héros de la saga, évolue. Il est devenu, pour l’écrivain, un être en chair et en os. « C’est incroyable, la place qu’il prend dans ma vie. C’est mon frère éternel. Il y a des éléments de lui dont je me sens tellement proche : la curiosité, la bienveillance, la sensualité aussi. C’est un amoureux. »

Éric-Emmanuel Schmitt assure qu’il a de nombreux points communs avec son personnage. « Noam a sa démarche propre, son obsession de Noura, son goût de la médecine puisqu’il est guérisseur et continue à avancer. Et puis toutes ses interrogations sur le désir et sur le sentiment. Je suis tout à fait décidé à le suivre pendant plusieurs millénaires ! » 

Prochain arrêt : l’Égypte ancienne.  

Marie-France Bornais

Le Figaro - « Dumas ressuscité ! »

Il y a des livres dont les phrases jubilent, dont on sent qu’elles ont été écrites par auteur en joie. La 

Porte du ciel d’Éric-Emmanuel Schmitt est de ceux-là.
Il est la deuxième brique (plus de 500 pages) d’une saga de huit romans magistraux qui racontent non moins que l’histoire de l’humanité. Il en fallait donc de la fougue, de l’érudition, de l’imagination pour construire un tel monument littéraire ! Les dialogues abreuvent, l’écriture est vive, les aventures sont folles. Disons-le d’emblée : cette suite à nulle autre pareille est époustouflante. 

 

Avec Paradis perdus , nous avions découvert le personnage de Noam qui consignait ses Mémoires. Non pas celles d’un jeune homme de 25 ans, bien qu’il en ait l’apparence, mais de 8 000 ans, puisque ce dernier est né durant le néolithique. À ses côtés, nous avons vécu la petite histoire, l’amour avec une certaine Noura, les guerres de pouvoir, et puis la grande histoire, avec le Déluge, une relecture fantasmagorique de la Bible. Avec La Porte du ciel , nous quittons maintenant des temps antédiluviens pour des siècles babyloniens. Aux dernières nouvelles, Noam avait la tête tranchée par un bourreau. Oui, mais depuis le premier tome, on sait que l’homme est immortel. 

Tandis qu’il reprend connaissance, la belle Noura lui raconte ce qui s’est passé depuis sa « mort » . Elle lui parle du terrible Derek qu’elle a fui il y a quelques décennies et qui la cherche depuis. Noura est inquiète : il ne faut surtout pas qu’il les retrouve, et en core moins qu’il voie Noam, car il comprendrait qu’il est invincible et sa soif de violence n’aurait plus de limite. En somme, c’est la peur qui fait l’homme. 

 

Dumas ressuscité


Loin du monde, Noura et Noam s’aiment et veulent construire une famille. Mais est-ce possible alors qu’ils ne répondent plus au temps biologique ? « Noura habitait l’éternité en femme ; or l’éternité n’est pas féminine. » Schmitt interroge notre condition d’homme. Est-on toujours vivant si l’on ne peut plus mourir ? On s’en doute, ce projet de création ne va pas se passer comme prévu. Noura va disparaître et Noam va partir à sa recherche. Si le temps n’est plus, le destin, lui, est en marche. 

 

Avec Schmitt, l’histoire est une femme. Noura. Partout où Noam va, il la voit, ou du moins, il la fantasme. Durant son enquête, il découvre l’écriture, l’astronomie, la ville et notamment Babel. Une cité monstrueuse, « sortant de terre comme une montagne » , dans la- quelle vit un chaos de gamins et d’esclaves. Celle-ci est régie par un tyran nommé Nemrod qui se garde pour lui les plus belles femmes du monde. Noura est-elle là-bas ? Il faudra être habile, les espions sont légion. Qui est donc le magicien Gawan ? Que veut la reine Kubaba, rivale de Nemrod ? 

 

Complots, trahisons, fourberies... C’est Dumas ressuscité dans le texte ! À travers ce roman, Schmitt est tour à tour philosophe, historien, métaphysicien, fabuliste. Il réécrit l’épisode de la tour de Babel, le sacrifice d’Abraham, l’épopée de Gilgamesh. Sa relecture du passé fait écho à notre monde moderne, qu’il s’agisse de la critique des puissants, des mystiques, ces « ventriloques » de Dieu qui veulent concurrencer le ciel. Vivement le troisième tome ! 

 

 

Alice Develey

La Dernière Heure (Belgique) - « La Porte du ciel ne se lit pas, il se dévore. »

Éric-Emmanuel Schmitt poursuit sa traversée des temps et découvre l’écriture avec Noam, son immortel.

 

Il faut être un peu magicien - comme Gawan - ou empli de bonnes ondes, - comme Noam - pour réussir ce tour de force : nous intéresser, passionnément, à la vie d'un immortel, qui a survécu au déluge et qui, dans ce deuxième tome de La Traversée des temps, nous prend par la main pour nous emmener en Mésopotamie. à l'époque de la construction de la tour de Babel. Eric-Emmanuel Schmitt a ce pouvoir-là de nous emmener en voyage, loin dans le passé, mais jetant des ponts, intelligemment, entre ce monde si lointain dans le temps et l'espace (3 500 av. J.-C. dans l'actuel Irak) et aujourd'hui. La Porte du ciel ne se lit pas, il se dévore. Pour preuve, ses lecteurs lui demandent déjà quand sortira le tome 3..

" Noam reste très étonné devant les villes qu'il découvre, la nouvelle organisation sociale et devant l'enflure humaine, sourit-il. Je pense que ça va devenir pire... Il va commencer à changer dans le prochain tome, mais là, il est encore en découverte. Noam va devenir un homme qui s'engage davantage quand il va sentir que certaines valeurs sont menacées. Mais n'anticipons pas. Pour l'heure, après avoir perdu son amour et s'être rendu compte de son immortalité, Noam déambule dans ce qui fut le berceau de l'humanité. Et dont, aujourd'hui, on ne voit qu'une terre de confit, d'extrémismes, de sang. "Ce qui commence à apparaître, dans ce livre, c'est l'ampleur du génie humain, qui crée des villes qui sont à la fois fascinantes et repoussantes. Il y a une pointe d'effroi, qui va continuer à croître..

Car, dans La Porte du ciel, le monde est véritablement en train de changer. Les villes, on l'a dit, mais aussi les dieux, qui s'invitent dans les vies et les modifient en profondeur. "La ville va montrer les différenciations sociales. Alors que pour Abram, la terre n'appartient à personne et qu'on doit se déplacer partout sur la terre ..." Des thèmes qui, évidemment, résonnent avec notre XXle siècle.

Gourmand, Eric-Emmanuel Schmitt se régale également dans La Porte du ciel car c'est le temps de l'apparition de l'écriture, qui va changer la face du monde. " Comment dire ? Regarder l'irruption de l'écriture dans nos vies avec la naïveté de Noam, c'est magnifique. Parce que d'abord, il croit que c'est un tour de magie. Mais très vite - et c'est le génie humain - l’écriture est dévoyée de ce pour quoi elle a été créée. On invente la littérature. Et - ça sera plutôt pour le tome suivant - l'ubris, ce que j'appelle l’enflure humaine. L'idée qu'on peut avoir son nom grave dans la pierre pour toujours. Elle est porteuse de tout ce qui est humain, l'écriture. De son intérêt, de son génie du rêve et de la création du monde. Et de son défi perpétuel à la mort. A partir de maintenant, il y aura des considérations sur l'écriture et la littérature. Ça ne fait que commencer puisque avant, elle n'était pas là.

Prévu en huit tomes (mais on ne peut exclure qu'il y en ait un de plus), La Traversée des temps va s'accélérer après les "temps lents", comme les qualifie Éric-Emmanuel Schmitt. "C'est le propre de notre histoire. Plus on va se rapprocher de notre époque, plus les espaces entre les volumes seront courts parce qu'il y a des moments où l'histoire, véritablement, s’accélère, dit l'auteur. Au XXle, on assiste à des accélérations fulgurantes.

Plus de prix littéraire pour lui

En devenant membre du jury de l'Académie Goncourt, Éric-Emmanuel Schmitt a renoncé, comme ses pairs, à être récompensé d'un des quatre prix littéraires importants de la rentrée (Goncourt, donc, mais aussi Fermina, Médicis et Renaudot).

" C'est fini, je ne serai jamais nommé. À partir du moment où je suis rentré au Goncourt, j’ai su que tous les 'grands' prix littéraires, c'était termine C'est d'ailleurs pour ça. parfois, qu'on a du mal à trouver de nouveaux jurés parce qu'ils espèrent avoir le Goncourt. (rires) C'est un renoncement. Définitif. De même qu'un membre du Fermina ne peut pas avoir le Goncourt, etc. Mais on peut avoir des petits prix ou, comme moi, avoir des prix à l'étranger. Donc si on aime ça, c'est encore possible.." (rires).

Quand Greta Thunberg et Éric Zemmour s'invitent dans la discussion

 

Si La Porte du ciel raconte la construction de la tour de Babel, les incursions dans le présent sont, comme dans le premier tome, comme des respirations. C'est ainsi que l'on découvre le personnage de Britta Thoresen, jeune militante qui se bat pour la planète. " On lui demande Qui es-tu, toi qui parles ?' plutôt que 'Que dis-tu ?' Ça a toujours été la manière de réduire la critique ". constate Éric-Emmanuel Schmitt. “Britta est l’incarnation d'une révolte et d'un ras-le-bol dans une génération qui va vivre les conséquences de ce qu'ont fait les précédentes. Pour moi, il n'y a rien à dire à ça.”

Quand on observe ce qui se passe autour d'Éric Zemmour, aujourd'hui, en France, on se dit qu'il y a la des similitudes : on voit un personnage sans écouter ce qu'il raconte. "Je ne sais pas si ceux qui le suivent n'entendent pas ce qu'il di. tempère l'écrivain. Les médias n'entendent pas ce qu'il dit parce qu'ils s'amusent de ce nouveau personnage dans le feuilleton. Par contre, malheureusement, je pense que les gens qui sont prêts à voter pour lui et à le suivre entendent parfaitement ce qu'il dit. Et là, ça m'effraie un peu, parce que c'est une parole de division. Sa lecture de l'histoire de France est totalement aberrante. C'est un homme intelligent mais qui s'enrobe d'un savoir perverti au service de ses idées."



Isabelle Monnart

Le Point - « Poétique de la démesure »

Éric-Emmanuel Schmitt a tellement aimé Noam qu’il lui a donné la vie éternelle. Le héros de La Porte du ciel, né au néolithique, a reçu le don(la malédiction ?) de l’immortalité. Sa vie est au cœur d’un projet littéraire monumental qui a pour ambition de raconter, en huit tomes, rien de moins que l’histoire de l’humanité, de la préhistoire à nos jours. Dans Paradis perdus, le premier volume de la grande saga qu’est La Traversée des temps, Noam tombait amoureux de la sublime Noura et affrontait le Déluge. Le voici désormais dans une Mésopotamie en plein âge d’or, tandis que se profile la construction de la tour de Babel, sous la houlette d’un grand tyran, Nemrod. Pour satisfaire ses rêves de démesure architecturale, Nemrod réduit des milliers d’hommes et de femmes en esclavage. Noura, enlevée dès les premières pages du livre, fait-elle partie des victimes de ce trafic d’êtres humains ? Peut-être a-t-elle été enfermée dans son harem...Pour la retrouver, Noam arpentera le Pays des eaux douces, se mettra au service d’une reine lubrique aux airs de vieux pruneau et à l’esprit mordant (formidable personnage!), ouvrira des crânes humains, se travestira, fusionnera avec un volatile, s’arrachera tous les poils du corps et se coupera quelques doigts...« Que savions-nous du monde? Nous ne possédions aucune notion de sa taille ou de sa forme. Ne sachant rien, nous imaginions », professe Noam.
À l’image de son héros, Éric-Emmanuel Schmitt exploite tous les rouages de sa créativité pour nous emmener en promenade dans des temps évanouis. Sa spectaculaire érudition –il amasse depuis des décennies la matière intellectuelle nécessaire à cette recréation des ères anciennes de notre humanité – se mêle à son irrésistible envie de raconter une bonne et grande histoire. Le sérieux et le jeu y dansent une valse à plusieurs temps, un pour la farce et un pour le drame, un pour la folie et un pour la philosophie, un pour la pensée et un pour le sexe. Au début du roman, comme dans le précédent, Noam se réveille en des temps calamiteux : ce sont les nôtres.« En progressant jusqu’à passer de la puissance à la surpuissance l’humanité se menace elle-même», écrit Éric-Emmanuel Schmitt. Son projet fou a cela de touchant qu’il vise moins à satisfaire un ego, en construisant une orgueilleuse tour de Babel littéraire, qu’à préserver le monde, en célébrant chacune de ses merveilles – avant que tout ne s’effondre ? 

Élise Lépine

La Vie - « Passionnante aventure »

C'est le deuxième volume de la monumentale histoire romancée de l'humanité d'Éric-Emmanuel Schmitt, commencée avec Paradis perdus, et annoncée en huit tomes. On en était au Déluge. Nous voici au Pays des eaux douces, la Mésopotamie, où les hommes inventent l'irrigation des terres, les premières villes, l'écriture. « La télécommunication commença avec l'écrit. Le souffle pétrifié... », raconte l'auteur. Le héros de la saga, Noam - alias Noé, l'homme du Déluge -, s'est lancé à la recherche de son amour perdu, Noura. Sa quête le conduit aux portes de Babel, la cité où le tyran Nemrod veut construire une tour si haute qu'elle lui permettra d'accéder jusqu'aux dieux et de s'ouvrir les portes du ciel... La passionnante aventure de Noam et des siens est truffée de notes de l'auteur, qui précise ses sources et authentifie les informations sans nuire à la lecture. Au commencement de chaque séquence, le romancier mène en parallèle une traque contemporaine, où l'on retrouve Noam immortel s'affrontant à un groupe terroriste résolu à faire sauter la planète. C'est bien chevillé. Tout fonctionne. On était dans un récit fondateur philosophique à la Tolkien. On se retrouve dans un thriller. Remonter aux sources éclaire le temps présent. La formidable et joyeuse érudition d’Éric-Emmanuel Schmitt emporte le lecteur.On attend le troisième tome...

Yves Viollier

Le Soleil - « Du neuf sur la Mésopotamie »

Éric-Emmanuel Schmitt retrouve ses lecteurs avec La porte du ciel, second tome de La traversée des temps, sa saga qui a pour but de revisiter l’histoire de l’humanité. Toujours bercé par le destin de Noam, jeune homme immortel, le public quittera la période du Néolithique pour se concentrer sur la civilisation mésopotamienne. Population riche, quasi oubliée, à qui les gens d’aujourd’hui doivent leurs premières et grandes avancées… mais aussi quelques-uns de leurs travers.

Le terme «Mésopotamie» est lié à quelque chose de flou dans votre tête ou ne vous rappelle qu’un vague cours d’histoire du secondaire? Il n’y a pas de quoi se sentir coupable, affirme Éric-Emmanuel Schmitt, en entrevue au Soleil.

En fait, la plupart de nos connaissances concernant cette civilisation ancienne sont «assez récentes», note l’écrivain franco-belge.

Celles-ci datent pour la plupart du début des années 50. Ce n’est réellement qu’à partir de cette époque que les historiens se seraient intéressés grandement à la culture et au quotidien de ce peuple du Moyen-Orient qui vivait entre le Tigre et l’Euphrate. Géographiquement, on le situerait aujourd’hui sur le territoire de l’Irak.

 

Bien qu’il ne soit pas prêt à dire qu’on a volontairement boudé la Mésopotamie du côté de la littérature, Éric-Emmanuel Schmitt admet que les écrivains l’ont certainement ignorée.

«Même les rédacteurs de la Bible, quand ils ne savent pas, ils parlent d’Égyptiens alors qu’il s’agit souvent de Mésopotamiens. […] Vous savez, cette civilisation est morte lorsqu’on a commencé à en parler. Il y a eu une sorte d’effet de substitution. […] Je pense que c’est ça qui fait en sorte que la fiction n’a pas eu le temps de s’installer dans cette période», explique le membre de l’académie Goncourt.

Si l’auteur a donc fait bon nombre de recherches sur cette époque et sur les gens qui y ont vécu pour créer La porte du ciel, il a aussi eu envie de se laisser aller à ses «rêveries» d’écrivain.

 

Autour des faits historiques qui représentent en quelque sorte le squelette de son ouvrage, il a tenu à ajouter de la chair. Pour ce faire, Éric-Emmanuel Schmitt a ainsi dû «lâcher la bride» et laisser place à son imagination.

«Tout d’un coup, les paysages et les personnages se dessinent à travers les informations schématiques que je reçois. À ce moment-là, c’est une autre partie de mon cerveau qui travaille. Et j’avoue que c’est la partie la plus importante pour le romancier», lance-t-il en riant.

L’écrivain s’est ainsi amusé à mettre des mots sur des décors ou des situations qui appartiennent à la Mésopotamie. Par exemple, arrivé dans la ville de Babel, Noam rencontrera sur sa route le tyran Nemrod qui souhaite y construire une immense tour pour atteindre le ciel — soit la tour de Babel.

Le protagoniste sera aussi le témoin de la construction des premières villes et ainsi des premières frontières entre le monde urbain et la campagne.

 

Maîtriser son histoire


Au-delà du plaisir que lui ont procuré la rédaction et l’imagination concrète de ces instants historiques, Éric-Emmanuel Schmitt souhaitait aussi mettre en lumière ce pan du passé où s’enracinent toujours les populations européenne et américaine.

«C’est un moment où l’humanité fait un saut et inaugure une ère qu’elle ne quittera plus jamais. […] À cette époque, on entre dans ce qui nous définit encore à ce jour, dans quelque chose que nous n’interrogeons plus aujourd’hui», déplore l’auteur, tout en rappelant que c’est à ce moment que naissent de grandes technologies comme l’écriture, l’astronomie ainsi que la «domestication» de l’eau et des champs.

Or, il s’agit aussi de l’apparition de certains concepts moins glorieux tels que la création de l’esclavage ou encore de la division des classes sociales.

Rappelons-le, l’intérêt de La traversée des temps est de «regarder le présent avec les yeux du passé». Ce n’est donc pas un hasard si le personnage principal de la saga s’étonne du développement de la civilisation. Pour l’écrivain, il est important de connaître l’histoire et de s’interroger continuellement par rapport aux sociétés dans lesquelles nous vivons et auxquelles nous contribuons.

«[…] S’interroger sur la répartition du rôle des hommes et des femmes, sur le fait de vivre en ville, etc., ce ne sont pas des choses qui vont de soi. Ce sont les humains qui ont inventé ça à un certain moment de leur histoire», ajoute celui qui est aussi dramaturge.

Selon lui, Noam prend ainsi, pour ses lecteurs, le rôle d’un «frère», sans être un monstre ni un héros. Modeste et surtout curieux, son protagoniste devient surtout un témoin qui guide le public à travers les nombreuses réflexions que l’auteur glisse dans son ouvrage.

Une grande histoire d’amour

La traversée des temps est une saga historique et philosophique, mais pour Éric-Emmanuel Schmitt il s’agit aussi d’une grande histoire d’amour entre Noam et Noura.

Si le jeune homme immortel devient lui-même lorsqu’il rencontre Noura dans Paradis perdus, celle-ci lui fera également expérimenter les douleurs du couple dans La porte du ciel.

Est-ce donc dire que l’amour est intrinsèque à l’histoire de l’humanité?

«Vous savez, quand on raconte le passé, on raconte les variants et les invariants. C’est-à-dire [respectivement] l’histoire et l’anthropologie. Pour moi, il est dans la nature de l’Homme d’avoir besoin de recevoir et de donner de l’amour. Pour moi, c’est dans la définition même de l’Homme. Après, le contexte dans lequel ça s’exprime, ça, c’est variable», lance l’écrivain, qui guidera dans le prochain tome ses lecteurs au cœur de l’Égypte ancienne.

À propos de sa série, Éric-Emmanuel Schmitt affirme ne pas regretter d’avoir entamé ce projet, malgré l’ampleur de la tâche. S’il avoue se coucher chaque soir «exténué» avec l’impression d’avoir absolument tout donné, il admet se lever chaque matin avec l’envie certaine de créer ses romans à venir. C’est dans la littérature qu’il puise son énergie, affirme-t-il.

«J’ai peur constamment, mais je ne regrette jamais», conclut l’écrivain, un sourire dans la voix.

Léa Harvey

Le Devoir - « Éric-Emmanuel Schmitt et l’homme de huit mille ans »

Si Émile Zola avait raconté le Second Empire en vingt tomes à travers le destin d’une famille, Les Rougon-Macquart, Éric-Emmanuel Schmitt s’est donné comme défi de raconter l’histoire de l’humanité dans une épopée de huit tomes sur les traces d’un homme immortel, Noam, qui n’est pas sans rappeler le Noé de l’Ancien Testament.

« Oui, oui, moi je ne veux pas raconter une société, mais plusieurs, et pas raconter une nation, comme le font souvent les cycles romanesques historiques, mais plusieurs. Oui, oui, c’est de la folie pure, mais parfois, il faut suivre sa folie plutôt que sa raison quand on est créateur », confie le romancier joint chez lui à Bruxelles.

Né à l’ère néolithique dans un village lacustre, Noam, fils de Pannoam, « magnifique pervers narcissique », se réveille de nos jours au Liban où il rejoint bientôt un groupe de survivalistes. Quelque huit mille ans auparavant, Noam est devenu immortel, à l’instar de Noura, l’amour de sa vie, et de son demi-frère Derek, humilié et maltraité par Pannoam.

 

« Généralement, les immortels dans la littérature sont plutôt des monstres, des vampires. Noam, c’est un homme qui se découvre avec des désirs d’homme et presque un sens de sa finitude. Noura sera affectée en découvrant qu’elle ne peut pas donner la vie, mais quelle que soit l’époque où elle vivra, elle échappera aux conditionnements qu’on impose aux femmes. Quant à Derek, c’est une victime devenue bourreau. Bien sûr, ils vont d’abord s’en réjouir et puis finalement, l’immortalité s’avérera un très, très lourd fardeau, voire une condamnation. J’écris tout ce gros roman pour apprivoiser ma mortalité et amener la lectrice ou le lecteur à aussi apprivoiser la sienne et à se dire, à l’issue de ces milliers de pages, que finalement, c’est une chance d’être mortel. »

 

Au récit raconté au présent par un narrateur omniscient et aux souvenirs de Noam narrés au passé s’ajoutent d’importantes notes infrapaginales qu’il ne faudrait surtout pas ignorer. Dans ces notes aussi passionnantes que son propre récit, Noam raconte notamment ses rencontres avec les grands de ce monde, dont Eschyle, Platon, Diderot, Rousseau, Einstein.

« J’y donne quelques rendez-vous pour l’avenir, c’est-à-dire que j’ai construit un roman de 5000 pages avec des ramifications. J’espère que j’arriverai à faire se rejoindre tous les détails. Ces notes, c’est Noam qui, ayant traversé les siècles, prend du recul, nous donne rendez-vous ou nous montre ce que devient une idée, un objet, etc. C’est très jouissif d’écrire ces notes. »

C’est d’ailleurs en rédigeant sa thèse de doctorat en philosophie sur Diderot et la métaphysique que lui est venue l’envie de se lancer dans cette folle épopée sur l’humanité.

« Cette idée me traverse à 25 ans, c’est d’ailleurs l’âge dans lequel j’ai figé Noam, mais à 25 ans, je me rends compte que je suis capable d’avoir l’idée mais incapable de la réaliser. Au fond, cette idée est devenue un programme. Un programme de vie. Sur deux plans. D’un côté, il y a l’étude de l’histoire, de l’économie, de la sociologie, etc., pour arriver à avoir une vision d’ensemble et le goût de certains détails qui seraient révélateurs pour tout un travail purement intellectuel. D’un autre côté, il y a un travail d’écrivain, d’artiste pour développer son souffle, pour être capable un jour de prendre cette grande respiration et de partir dans un roman de 5000 pages, pour gagner confiance dans ma plume. Finalement, chaque livre que j’écrivais était, bien sûr, une fin en soi, mais c’était aussi un tremplin ; chaque fois, je me disais que j’élargissais un peu ma palette. J’étais un peu comme un sportif qui s’entraînait pour la grande épreuve. »

Voyager à travers le temps

Dans les deux premiers tomes de La traversée du temps, « Paradis perdus » et « La porte du ciel », Éric-Emmanuel Schmitt revisite des pans de l’histoire qui nous ont été transmis non seulement par les historiens, mais par les livres de l’Ancien Testament, c’est-à-dire le déluge et la construction de la tour de Babel.

« Nos mentalités ont été formées par ces structures mythologiques dans laBible, tels les frères ennemis, la démesure humaine, les cataclysmes. Ce sont des prototypes de nos pensées. Pour moi, c’était très important de repartir aux racines de cette époque parce que raconter l’histoire, c’est pas seulement raconter les textes historiques, les inventions techniques et l’élaboration des civilisations. Raconter l’histoire, c’est aussi raconter l’histoire des idées, comment elles se forgent, comment des récits deviennent fondateurs et visent des individus et des sociétés ensemble. »

De cette manière, La traversée du temps devient une forme de devoir de mémoire envers ces textes sacrés de moins en moins lus ou consultés d’une génération à l’autre : « Pour moi, il était très important de raconter d’une façon différente, plus matérialiste, des événements bibliques. Par exemple, le déluge, j’en fais le déluge historique qui a eu lieu lorsque la Méditerranée a débordé dans les plaines de l’Ukraine et a formé la mer Noire, ce qui a sans doute traumatisé les populations de l’époque. Les textes sur le déluge qu’il y a eus en Mésopotamie avec Gilgamesh et ceux dans la Bible en sont sans doute des échos. Les gens ignorent de plus en plus la Bible, qu’on la dédaigne religieusement ou spirituellement, c’est la liberté de chacun, mais on ne peut pas la dédaigner culturellement, on est faits de ça. La Bible est un roman qui ne cesse de s’écrire. Ici avec Noam, un autre rédacteur. »

Tandis qu’il accompagne Noam à travers les siècles et les millénaires, Éric-Emmanuel Schmitt rappelle que chaque découverte ou chaque invention vient avec son revers.

« Je suis toujours sur le fil du rasoir quand je considère le progrès. D’un côté, il y a avancée, de l’autre, il y a abandon. Chaque invention modifie la carte humaine avec du bien et du mal. Tout est terrible et merveilleux. L’originalité de cette traversée du temps, c’est que je regarde notre présent à partir d’un très lointain passé pour faire apparaître des moments où se sont installées certaines structures qui nous occupent, et puis peut-être aussi dire qu’on a perdu des choses. C’est vrai que je suis un peu un disciple de Jean-Jacques Rousseau. »

Rousseauiste ou pas, le romancier et philosophe n’est certes pas nostalgique ni passéiste.

« Dans le tome suivant, “Le soleil sombre”, qui va être consacré à l’Égypte antique, je mets en résonance le transhumanisme de la Silicon Valley avec les rites de la mort des pharaons, cette obsession de la survie. Jusqu’au bout, je m’étonnerai et m’émerveillerai de la modernité et du génie humain. En fait, j’ai envie d’être de toutes les époques, pas d’une époque », conclut-il.

Manon Dumais

Les Affiches d’Alsace et de Lorraine - « Aventure romanesque unique. »

On ne présente plus Éric-Emmanuel Schmitt, dramaturge, romancier, essayiste, cinéaste, traduit en 48 langues et joué dans plus de 50 pays, membre de l’académie Goncourt. 

Il revient en cette fin d’année avec un nouvel opus, le tome 2 de La traversée du temps, qui porte le titre prometteur de La porte du ciel. 

 

Paradis perdus ouvrait la Traversée du temps, cette aventure romanesque unique. Ainsi, rebondissant d’époque en époque, le héros miraculeux d’Éric-Emmanuel Schmitt poursuit sa traversée sur le fleuve du temps et se lance dans une nouvelle enquête au cœur de l’Orient ancien. Noam, le héros, cherche celle qu’il aime, enlevée dans d’étranges conditions. Flanqué de son chien, il découvre un monde en pleine mutation, la Mésopotamie, autrement appelée le Pays des Eaux Douces, où les hommes viennent d’inventer les villes, l’écriture, l’astronomie... à Babel, cité bruyante et colorée, belle de jour comme de nuit, il affronte le tyran Nemrod. Celui-ci, en recourant à l’esclavage, construit la plus haute tour jamais imaginée qui deviendra la porte du Ciel et permettra d’accéder aux Dieux. 

Avec beaucoup d’audace et de talent, l’auteur entraîne lecteurs et lectrices dans le dédale de cette époque légendée par la Bible. 

Grâce à une étude minutieuse de l’époque, il restitue un décor et une ambiance, nous offrant ainsi une vue incomparable sur la Mésopotamie, complexe et brillante. 

On suit ainsi les multiples personnages Noam le guérisseur, Maël l’enfant-poète, le mystérieux Gawan appelé le Magicien, la reine Kubaba, étourdissante d’intelligence et d’espièglerie, Abraham, chef des nomades hébreux qui refuse la nouvelle civilisation. 

Noam devra choisir... saura-t-il sacrifier ses inclinations profondes pour se consacrer à la lutte contre les injustices ? 

Formidable saga, cette Porte du Ciel est aussi le moyen d’accéder à un autre monde, si lointain et si proche à la fois... 

« Je me mis à fréquenter un arbre, un immense pin qui repoussait ses congénères à distance respectueuse en s’élevant amplement au-dessus d’eux. En bas, son tronc volumineux s’ornait de rares branches, comme s’il se voulait inaccessible, puis il s’amincissait en un fût dressé jusqu’aux nuages, davantage chargé de ramures, si haut que je n’en distinguais pas la cime. La puissance de ce pin me frappait. Même lorsque je lui tournais le dos, je sentais sa présence, il m’interpellait, il insistait et je pivotais ; le pin exigeait alors que je le rejoigne, que je le caresse, que je l’enlace, que je m’allonge à son pied. Couché sur un lit mollet d’aiguilles en décomposition, je demeurais éveillé, vibrionnant, transi. Aspirais-je à partir, son autorité m’incitait à rester. Il me conservait dans ses filets. Seule la faim qui déchirait mes entrailles me détachait de son emprise. 

J’ignorais l’influence exacte qu’il exerçait quand un incident me renseigna. » 

 

 

Geneviève Senger

La Presse ( Québec ) - « Un deuxième pavé pour la tour de Babel littéraire de Schmitt. »

Initialement, Éric-Emmanuel Schmitt comptait se rendre au Québec pour présenter le deuxième tome de sa saga La traversée des temps, baptisé La porte du ciel.

Malheureusement, les portes du ciel se sont fermées à lui et il n’a pu prendre son vol pour Montréal. C’est donc par l’intermédiaire de ports USB que nous avons conversé avec l’auteur de ce nouvel opus, où il propulse ses héros en Mésopotamie, au pied de la tour de Babel.

Pour mémoire, Schmitt s’est lui-même lancé dans l’édification d’une tour de Babel littéraire avec cette fresque pétrie de huit briques imposantes, mettant en scène Noam, Noura et Derek, trois personnages immortels nés au néolithique et traversant l’histoire de l’humanité, jusqu’à notre époque.

Et en voyant atterrir sur notre bureau les 600 pages de La porte du ciel, qui prennent le relais des 570 pages de Paradis perdus, on comprend mieux la réponse donnée par l’écrivain à la question « Quel est votre mot préféré ? » jadis posée par Bernard Pivot dans l’émission Bouillon de culture : son dévolu s’était jeté sur « dodu », adjectif particulièrement propice à ses pavés replets ! Quand nous lui avons remémoré l’anecdote, Éric-Emmanuel Schmitt s’est esclaffé, et même s’il confesse l’avoir l’oubliée, il a effectivement glissé « dodu » dans son dernier livre (« une vaste salle aux colonnes dodues », p. 243). « Il est vrai que j’adore ce mot, ainsi que “tilleul”. »

Mais trêve de détails grassouillets, et examinons quelle chair a été mise autour de l’os de ce nouvel opus. On retrouve le fil des vicissitudes de Noam, ressuscitant dans une grotte plusieurs siècles après sa décapitation, perdant de nouveau de vue sa bien-aimée Noura. Ses pas le guident jusqu’en Mésopotamie, où il découvre l’émergence de la civilisation : écriture, architecture, urbanité, astronomie… Parvenu à Babel, il enquête à l’ombre de cette grande tour en construction, cherchant à faire la lumière sur les desseins de son commanditaire, le tyran Nemrod. Fasciné par le visage des villes, devenu guérisseur, le voici ballotté de porte en porte, empêtré dans les stratégies de la reine du territoire voisin ou dans les tensions interfraternelles des conseillers de Nemrod, cherchant Noura sans relâche.

Beautés et cruautés

Ce cadre dans lequel émergent nombre de savoirs semble avoir foncièrement inspiré Schmitt. « Nos ancêtres de cette époque ont inventé une manière d’être au monde qui va subsister, en domptant les eaux, par les canaux, la terre, les champs, les animaux, l’élevage, avec un rapport à la nature complètement différent », énumère l’auteur, sans oublier l’organisation urbaine et sociale, qui fascine son protagoniste. « Ce sont les premières cités, vis-à-vis desquelles Noam éprouve des sentiments très ambigus : de l’étonnement, de l’émerveillement, mais aussi de l’effroi. Les hommes ne vivent plus dans la nature et s’organisent en classes sociales, un monde dans lequel nous vivons encore aujourd’hui », poursuit-il. Noam découvrira de grandes avancées, dont l’écriture qui constituera, logiquement, un élément-clé pour l’humanité et ses propres aventures.

Pour planter tel décor, l’écrivain effectue lui-même ses recherches (« Je ne sais pas toujours ce que je cherche, alors pour pouvoir le trouver, il faut que je cherche moi-même », dit-il), comptant sur sa formation de haute volée, validant à l’occasion certains points avec des spécialistes.

Une tâche qui sera facilitée à mesure que la saga progressera, traversant des périodes qu’il connaît comme sa poche – comme celle de la Grèce antique, prévue pour le quatrième volume.

Dans cette Mésopotamie effervescente, Noam subira également de rudes épreuves, aux prises de nouveau avec la férocité de son demi-frère immortel, mais aussi avec sa descendance, ce qui aboutira à un dilemme cornélien impliquant l’élue de son cœur. Éric-Emmanuel Schmitt fait-il acte de cruauté à l’égard de ses personnages ? « La vie est cruelle et le tragique de l’existence m’a toujours intéressé, même si je ne suis pas un auteur tragique. Mes plus grandes rencontres avec le public auront été sur des sujets absolument terribles, comme La part de l’autre ou Oscar et la dame rose. Je n’ai pas peur de ce qui fait peur, et comme j’ai un faisceau de lumière, je ne crains pas les ténèbres », philosophe celui qui refuserait, si on la lui offrait, l’immortalité léguée à ses protagonistes, se rendant compte à mesure qu’il avance dans son récit du « véritable fardeau » de ce cadeau empoisonné.

Déshabiller la Bible

Le projet vise certes à créer une épopée suivant l’histoire de l’humanité, mais il apparaît avec La porte du ciel qu’un point de vue judéo-chrétien est adopté pour ce faire, avec de nombreuses références bibliques. Alors, pourrait-on imaginer un Éric-Emmanuel Schmitt chinois, autochtone ou africain narrer cette saga, mais chaussé de lunettes culturelles différentes ? « Complètement. On est forcément de quelque part, et j’écris de là où je suis, c’est-à-dire du bassin méditerranéen, qui sont les racines, y compris spirituelles, du monde dans lequel j’évolue », convient l’auteur, avertissant que Noam se rendra sur d’autres continents dans les prochains volets.

Mais si les calques bibliques y sont abondants, c’est davantage pour montrer comment l’Homme est une machine à produire du sens ; l’histoire de Noam, c’est un peu un déshabillage de la Bible, cherchant à dépouiller ses récits des fioritures dont ils ont été parés.

« La Bible, c’est un roman qui s’écrit toujours. C’est mon roman dodu ! », lance-t-il en riant, quand on l’interroge sur son rapport au recueil sacré.

Souvent mise dos à dos avec Sapiens, l’œuvre de l’historien Yuval Noah Harari, La traversée des temps aboutira-t-elle à une projection vers le futur, comme l’a fait l’Israélien avec Homo deus – Une brève histoire du futur ? Schmitt ne vendra pas la mèche ; seulement quelques ficelles, indiquant que des hypothèses sur l’avenir seront esquissées à la fin du huitième et dernier tome, refusant de révéler si elles s’avèrent optimistes ou pessimistes. D’ici sa parution, motus et bouche dodue. « Vous ne pouvez pas imaginer la quantité de secrets que je garde », taquine-t-il, avant de retourner travailler sur les mystères égyptiens de son troisième volume, Le soleil sombre.

Sylvain Sarrazin

Critiques des blogs

Aude Bouquine - « Profondément humaniste »

L’Odyssée humaine continue. Le tome 1 « La traversée des temps » nous avait laissé sur un redoutable cliffhanger digne des plus grands écrivains de polars. Le tome 2 « La porte du ciel » s’ouvre sur la suite directe, Noam de nos jours, avant de réouvrir les portes du passé. Après le Néolithique, nous sommes en Mésopotamie au troisième millénaire. L’homme nomade se sédentarise, il vit « en société » dans des villes telles que Babel. Babel, aujourd’hui l’Irak, est principalement connue pour sa tour, « celle qui permettra aux Dieux de descendre parmi les hommes », mais aussi pour la partie de la Bible qui lui est consacrée. C’est là que Noam sera amené à se rendre, après son étrange réveil dans la grotte, toujours à la recherche de Noura, l’amour de sa vie.

« Je préfère ne pas » vous dire s’il la retrouve ou non,

« Je préfère ne pas » vous expliquer comment Noam l’immortel revient à la vie,

« Je préfère ne pas» vous donner trop d’indices qui vous gâcheraient votre lecture. 

 

Si « La porte du ciel » est plus proche de l’histoire biblique, sachez que la maestria d’Éric-Emmanuel Schmitt vous fait totalement oublier cet état de fait. J’ai été si focalisée par le destin et l’histoire personnelle de Noam que je suis entrée au cœur de Babel sans faire de rapprochement. Ma connaissance de la Bible est certes assez limitée, mais ce que l’auteur fait avec ses personnages, qui il cache derrière eux est tout simplement sensationnel. Le début du roman est truffé de réflexions sur l’immortalité et du rapport entre l’homme et le temps. Lorsqu’on ne meurt pas, peut-on dire que l’on est vivant ? Noam navigue dans les eaux d’une prise de conscience aiguisée sur sa vie d’homme : toujours perdre des gens que l’on aime, rencontrer sa propre descendance même lointaine, vivre dans le souvenir et l’attente de Noura. Si « La traversée des temps » narre l’histoire de l’humanité, il ne faut pas oublier que c’est avant tout une magnifique et grande histoire d’amour entre deux êtres qui se perdent, se retrouvent, et se perdent, encore et encore à travers les siècles. En conséquence, ce tome 2 va également fouiller dans les questionnements relatifs à l’amour. Peut-on aimer deux personnes en même temps ? Quelles sont les barrières de la fidélité ? Et de manière plus générale : qu’est-ce que la fidélité ?

Noam est un personnage riche en enseignements. Avant son départ vers Babel, avant de connaître la nouvelle destinée des hommes, il persiste à vivre en harmonie avec la nature, en accomplissant des rituels que nous avons tous oubliés et que je souhaite rappeler ici, pour notre bien commun. « Je pratiquais la rêverie que m’avait enseignée Tibor, cette décontraction du cerveau qui, cessant de désirer, de consommer, de faire, abandonne tout rapport utilitaire avec l’univers, et se laisse pénétrer par ses forces. » Il insère dans le récit son expérience du monde, reliant toujours le passé au présent par l’insertion de données scientifiques, géographiques, philosophiques et bibliques. Tout ce qui relève des croyances des hommes et de leur mode de vie à Babel est décrypté ici. Nous avons beau être au 3e millénaire, les constats et les réflexions sont les mêmes qu’aujourd’hui. Ce parallèle entre passé et présent rend le récit passionnant et questionnant. « Le futur est le miroir du passé. Le temps n’avance pas, il tourne en rond, il se répète. Nous avons l’avenir dans le dos. » Depuis des siècles, l’homme a toujours voulu plus, mieux, sans jamais se satisfaire de ses acquis et cette course éperdue perdure. « L’homme franchit une limite en se dressant au-dessus de la nature, en ignorant sa place dans l’univers, en s’estimant supérieur à tout ce qui n’est pas lui ; il crée des villes, il invente l’écriture, les sciences, les hiérarchies sociales et, malgré les défaites ou les impasses, ne reviendra jamais en arrière. Babel ne s’est pas terminée avec Babel, Babel n’a jamais cessé de gratter le ciel, Babel renaît, se transforme perpétuellement. L’échec accompagne l’ambition, il ne l’interrompt pas. De dépassement en dépassement, l’aventure folle se poursuit. L’avenir reste un chantier ouvert. » Nemrod est ici un brillant exemple de la soif inaltérable de l’homme.

Noam au présent prend du recul sur son aventure. C’est sans doute cette analyse, fine, perspicace, intellectuellement honnête que je préfère. Grâce aux Intermezzos, le suspense est conservé quant à son sort et les épreuves qu’il affronte. Sa sagacité, son discernement et la subtilité de ses analyses en font un personnage attachant, haut en couleur et réellement fascinant. La religion, dans sa globalité, ce « torticolis mystique » qui pousse les yeux des hommes vers le ciel, justifie parfois de commettre des atrocités en son nom est finement analysée au fil du temps, avec authenticité et perspicacité. Avec recul.

Ce tome 2 aura été riche en enseignements et en questionnements. Profondément humaniste, « La porte du ciel » décrypte sans phare l’humanité dans son ensemble. « Voici ce que j’évoquais au début (…) : il y a l’homme et il y a l’humain, l’homme est fait, l’humain reste à faire. » Il est aussi riche en émotions, riche en rebondissements, riche en originalité créative, riche en imagination. Ce fut un plaisir de lecture intense, hypnotisée par la plume d’Eric-Emmanuel Schmitt.

Mademoiselle Lit - « Un roman écologiste, féministe, percutant et engagé. »

Quatrième de couverture :

Le héros miraculeux d’Éric-Emmanuel Schmitt poursuit sa traversée sur le fleuve du temps. Après le Néolithique, le voici plongé dans une nouvelle enquête au cœur de l’Orient ancien… Noam cherche fougueusement celle qu’il aime, enlevée dans d’étranges conditions. Flanqué de son chien, il découvre un monde en pleine mutation, la Mésopotamie, autrement appelée le Pays des Eaux Douces, où les hommes viennent d’inventer les villes, l’écriture, l’astronomie. À Babel, cité bruyante et colorée, belle de jour comme de nuit, il affronte le tyran Nemrod. Celui-ci, en recourant à l’esclavage, construit la plus haute tour jamais conçue qui constituera la porte du ciel et donnera accès aux Dieux. Ruses, manigances, chausse-trapes. Dans un chassé-croisé d’intrigues, Noam le guérisseur s’introduit dans tous les milieux et fait d’étonnantes rencontres : Maël l’enfant poète, le mystérieux Gawan appelé le Magicien, la reine Kubaba, étourdissante d’intelligence et d’espièglerie, Abraham, chef des nomades hébreux, lui refuse la nouvelle civilisation. Que choisira Noam ? Sacrifiera-t-il ses inclinations profondes pour se consacrer à la lutte contre les injustices ?

 Tour de Babel et Mésopotamie.

La tâche ne va pas être simple : chroniquer un second tome sans rien vous révéler du premier ! Moi qui ne lis jamais les quatrièmes de couverture, je ne tiens pas à vous spoiler l’histoire avant d’entamer votre lecture. Alors je relève le défi et je compte sur vous pour me dire à la fin de mon article si : 1) je vous ai donné envie de lire La traversée des temps et 2) si vous en avez déjà trop appris en me lisant.

Après mon coup de cœur pour Paradis perdus en début d’année, et une relecture avec plusieurs d’entre vous fin novembre pour me remettre dans le bain, je n’ai pu résister à la tentation d’enchaîner avec La porte du ciel. Retrouver Noam, le narrateur attachant de cette saga magistrale, me réjouissait !

Le temps n’affecte plus le jeune homme depuis le Déluge et le violent orage l’ayant rendu immortel. Les siècles ont passé, Noam se réveille au cœur de la Mésopotamie, le Pays des Eaux douces, où la civilisation prend vie. Alors que le mauvais sort lui arrache la femme qu’il aime, Noam – tel Santiago, le berger de Paulo Coelho à la recherche de son trésor – part à sa quête et, sur son chemin, multiplie les rencontres… D’abord un chien, puis Gawan le Magicien, Maël l’enfant, la reine Kubaba ou son descendant Abraham. Notre héros finira-t-il par retrouver son amour ?

Avec sa créativité et sa maîtrise des mots, Eric-Emmanuel Schmitt nous entraîne dans un récit de près de 600 pages, aux nombreuses surprises et rebondissements. Si l’on suit le même personnage central, l’univers de ce deuxième opus est bien différent. Après la préhistoire et la réécriture de l’arche de Noé, l’auteur nous propulse en Orient ancien, parmi les milliers d’esclaves ayant bâti la Tour de Babel. A travers les aventures de son protagoniste guérisseur, il nous raconte l’évolution de la médecine, la naissance de l’écriture, le début du commerce.

Moins sensible aux thèmes traités dans La porte du ciel, j’admire toujours autant le long travail de fourmi effectué par l’écrivain et retranscrit principalement dans les notes de bas de page. A nouveau, le texte est instructif et reflète les enjeux capitaux de notre ère actuelle. Eric-Emmanuel Schmitt en fait un roman écologiste, féministe, percutant et engagé.

La sortie de ce tome 2 (La traversée des temps contiendra 8 tomes) est pour beaucoup l’occasion de découvrir Paradis perdus. Une belle idée de cadeau à l’approche des fêtes pour les lecteurs fans de l’écrivain, passionnés d’Histoire ou amateurs de saga littéraires.

Publications

  • En langue allemande, publié par C.Bertelsmann Verlag
  • En langue bulgare, publié par Lege Artis
  • En langue française, publié par Albin Michel
  • En langue italienne, publié par e/o edizioni
  • En langue polonaise, publié par Znak Literanova
  • En langue roumaine, publié par Humanitas Fiction
  • En langue russe, publié par Azbooka-Atticus